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Chapitre 3/8 : L'homme

Chapitre 3/8 : L'homme

Pubblicato 26 dic 2024 Aggiornato 26 dic 2024 Tale
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Chapitre 3/8 : L'homme


Gémissements. Les muscles hébétés, la prunelle à demi endormie. Douceur du réveil.

« Tiens, du sable, du sable blanc. Du sable blanc en pleine nuit noire. C’est à cause de la planète, elle est belle.»

Une superbe planète, là, accrochée dans le ciel, emmitouflée dans un cocon d’atmosphère et qui réfléchissait. Qui réfléchissait la lumière.

Il regarda et il parla.

« Quel est ce monde qui nous accueille, la fleur ? La fleur ?»


Anxiété. Les yeux fouillèrent le sable et sourirent. Elle était là. La main étendit les doigts et prit la fleur, la caressa.

« C’est chez toi ici ?»

— Non, il n’y a pas de rosée sur le sable.»


Heureux, le Vieux jouait avec le sable et riait de tout, de rien, d’une cascade de scintillements, de figures modelées avec les doigts. Comme un enfant, sur la plage.

« Ou va-t-on ? demanda-t-il.

— Où tu veux, répondit la fleur.»


Alors il se leva et, la main voilant les yeux, tourna sur lui-même.

« Là ! »

L’index pointait une direction, une parmi d’autres. Il prit la fleur et commença à marcher, tout droit, dans le sable.


Soudain il se mit à neiger. Neige. Sable. Le sable tombait en gros flocons, doucement. Irréel. Sensation inconnue, agréable. Et le Vieux joua avec le sable-neige, fit des boules de sable, commença un bonhomme de sable.

« Je suis stupide, se dit-il, je n’ai pas pris de carottes sur moi, pour mon bonhomme. Tiens regarde la fleur, une maison là-bas ; tu crois qu’ils ont des carottes ? »


Ils avançaient en direction de la maison. De la maison, c’était beaucoup dire. Une boite plutôt, une grosse boite, une petite tache d’ombre sur cet immense blanc, une frêle embarcation dans cet océan de sable.

Sans crainte il fit le tour de la maison. Il n’y avait pas de fenêtre, juste une porte, avec une clenche et pas de serrure. Sa main prit la clenche, l’abaissa. La porte s’ouvrit. A l’intérieur une lampe racontait ; des machines, des claviers, des écrans.

« Tu as vu la fleur, des ordinateurs ! »


A vrai dire, lui-même ne savait pas vraiment ce qu’était un ordinateur, mais c’était le prestige du mot qui lui avait fait dire cette phrase. Il y avait un homme, aussi, qui lui tournait le dos et qui frappait sur des touches.

« Bonjour, dit le Vieux.

— Bonjour, lui répondit l’homme, excusez-moi un instant, je suis très occupé en ce moment.

— Faites, ne vous dérangez pas pour moi.»


Et il chuchota à la fleur :

« Tu crois qu’il a des carottes ? Je n’ose lui demander, ça ne fait pas sérieux… »

— Bonjour, reprit l’homme en se retournant vers lui. Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela peut être harassant de diriger soixante-quinze planètes et douze conflits à la fois ! 

— Vous êtes un grand monsieur, répondit le Vieux, un peu surpris par l’importance de son interlocuteur.

— Vous savez, ce n’est pas toujours drôle de commander, et encore moins en temps de guerre.

— Il y a beaucoup de morts ? s’inquiéta le Vieux.

— Des millions, hélas ! Que cela est donc triste. Enfin, tout n’est pas aussi dramatique car ce ne sont pas des hommes qui se battent. J’ai compté les forces des différentes armées, j’ai vérifié leurs positions et j’ai tout transmis à mes ordinateurs. Ce sont eux qui décident de ce qui se passe pendant les combats, qui a gagné et le nombre de victimes de chaque côté. Comme cela on évite de tuer des vrais hommes.

— C’est bien, ça, dit le Vieux. Vous devriez venir proposer cette méthode sur la Terre, vous savez.

— En ce moment, une grande guerre de religion intergalactique secoue toutes les planètes. Il n’y a plus beaucoup de croyants, mais ils se battent jusqu’au bout. Les populations civiles souffrent elles aussi, mais comme ce sont des chiffres également, ce n’est pas trop grave…

— Mais alors, Il n’y a que des chiffres sur vos planètes ? demanda le Vieux.

— Bien sûr, et les planètes ont toutes un numéro et l’ensemble est là-dedans !»


Il montrait les machines qui les entouraient et qui crépitaient à chaque coup de canon.

« Mais attention, reprit-il, c’est moi qui fais vivre tous ces gens. C’est moi qui leur donne une âme. Evidemment, il y a un taux de natalité, un taux de mortalité, mais je peux les changer. Si je veux qu’une planète disparaisse je n’ai qu’à appuyer sur un bouton et, si je veux, je peux ressusciter les morts. Si ! Je l’ai déjà fait, vous savez ! J’ai déjà accompli de nombreux miracles, mais je ne veux pas arrêter la guerre car je veux que la foi triomphe d’elle-même de ses ennemis. »


L’air hautain, dressé sur ses talons, il s’exclama :

« Je suis Dieu, moi, monsieur ! »


Puis il se dirigea vers un écran et parut surpris.

« Ah ! Nom de moi ! s’écria-t-il. »


L’air triste à présent, il se retourna :

« Ils se sont tous fait tuer pendant que l’on discutait. Il n’y a plus qu’un croyant, ah non ! Il n’y en a plus du tout maintenant. Ils ne croient plus en moi… »


Dieu se mit à pleurer.

« Pourquoi ? Dîtes monsieur, pourquoi ? Ils ne croient plus avoir besoin de moi, c’est injuste. Que vais-je devenir maintenant ?

— Vous savez, dit le Vieux, je serais à votre place, je recommencerais tout, je mettrais deux autres chiffres sur une autre planète et je les éduquerais mieux.

— Oui, vous avez raison. Il n’y a que cela à faire. »


Et le petit homme commença à s’agiter, ses doigts martelèrent les claviers, doucement au début, puis de plus en plus vite. Il créait, créait. Un, un homme ; deux, une femme et hop ! Le tour était joué.


« Tu sais la fleur, je crois qu’il est complètement cinglé », murmura le Vieux.

Puis, sentant qu’il n’avait plus rien à faire là et oubliant son bonhomme qui s’ensablait, il effeuilla un autre pétale de la rose…


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