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Chapitre 6/8 : La ville

Chapitre 6/8 : La ville

Publié le 29 déc. 2024 Mis à jour le 31 déc. 2025 Conte
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Chapitre 6/8 : La ville



Le Vieux n’avait encore jamais vu de films de science-fiction. Il ne savait pas les villes trop blanches, trop propres, trop silencieuses que montraient nombre de réalisateurs espérant découvrir en elles le chemin de la fortune à pauvre scénario.


Il ne savait pas, non, il ne savait rien de toutes les inventions qui peuplaient l’imagination des personnes à la proue de notre temps. Aurait-il été l’une d’entre elles qu’il aurait peut-être réagi plus vite et ainsi évité la foule.


Cette foule aux pseudopodes rapides et précis qui l’engloba soudain, fétu de paille au milieu d’une mer sans nom – je vous parle de la mer une fois encore me direz-vous, car j’aime la mer, cette mer qui corrode sans cesse mon esprit, cette mer qui n’est autre que le destin du Vieux, sa fatalité – et qui l’emportait sans autre forme de procès.


On aurait pu appeler cela un ascenseur…


Le Vieux se sentit écrasé par une pression sans raison puisqu’ils ne montaient ni ne descendaient. Cet abîme n’avait pas de cage pour le retenir, mais le Vieux n’en savait rien. L’homme de ce siècle et de ce monde ne colonisait pas tant les étages que les gradients de taille et d’énergie. Ils exploitaient l’analogie que nous-mêmes avions constatée, que l’on peut faire entre un système solaire et un nuage électronique en orbite autour d’un atome.


De longues phrases compliquées, destinées à perdre le lecteur ? Peut-être.

Mais rien de plus simple cependant pour qui habitait cette ville folle. Les gens avaient colonisé sept systèmes différents et les étoiles de l’un formaient les noyaux atomiques de l’autre et les planètes de l’un n’étaient que les électrons de l’autre.


Chacun de ces systèmes pris un par un était cohérent, mais l’ensemble ne pouvait être admis par l’esprit. Personne ne savait comment une telle colonisation avait pu se faire, tout le monde s’en accommodait.


Votre corps était un univers et vous ne le sentiez pas. Vous et votre système étiez peut-être une puce dans un autre système, mais cela ne vous gênait pas le moins du monde. Il y avait une telle distance entre deux systèmes voisins que rien de ce qui affectait l’un ne semblait avoir de conséquences sur l’autre.


Vous doutez, vous vous dites il va trop loin, mais si vous étiez l’un de ceux que le gouffre rendait à présent au sein d’une ville qui parut la réplique de l’autre au Vieux, vous seriez las de toutes ces questions et voyageriez entre les systèmes sans plus y penser.


Durant le ‘trajet’, les Vieux s’était senti seul, abandonné. Il aurait bien voulu toucher sa fleur qui se trouvait dans la poche intérieure de son gilet, du moins le croyait-il encore, mais il n’avait pu esquisser un geste.


La foule s’émiettait à présent et il restait là, sans comprendre. Sous l’étoffe, sa main chercha une présence, mais elle ne trouva qu’un vide et ses yeux prirent bientôt la couleur de la peur. Il sentit son vieux cœur battre à tout rompre, ses entrailles se nouer et se tordre de désespoir ; il avait perdu la fleur.


Fébrile, il fouilla encore et encore, comme si ses mains ne s’étaient pas rendues à l’évidence : il était seul. Elle devait être là-haut et il regarda les étoiles d’un geste machinal.


Alors il courut,  il fallait trouver une autre foule, il fallait remonter, il fallait remonter,  il le fallait, il le fallait ! Il avait perdu la fleur.

Places immenses, gratte-ciel narquois, robots humains qui ne voulaient plus se regrouper, robots humains détraqués qui vaquaient à leurs occupations dérisoires.


Il courait et s’essoufflait, il fallait qu’il remonte.

Oui, là, dix, douze, quinze, cent, qui attendaient, qui venaient, qui regardaient leur poignet, dix, douze, quinze, cent, qui se hâtaient de peur d’être en retard ; dix, douze, quinze, cent, autant d’espoirs pour le Vieux qui se rapprochaient et sa rose qui se balançait devant ses yeux et le Vieux qui tendit la main et qui se trouva à nouveau submergé, balayé, il respirait pourtant, il respirait maintenant et croyait de toutes ses forces, il fallait, il le fallait.


La ville qui s’offrit à ses yeux quelques instants plus tard n’était pas celle qu’il espérait et la foule se fondit et s’écoula dans les artères profondes  de la cité et le Vieux qui voulait les retenir tous, non, c’est plus haut, non, il faut remonter…


Plus tard encore, un autre gouffre apparut devant lui, une autre mâchoire prête à mordre, mais il n’y avait personne, il n’y avait que le Vieux qui se jeta dans la gueule ouverte et le réalisateur aurait aimé montré là un héros grand, jeune et beau plongeant en un magnifique roulé-boulé au travers des battants impossibles qui déjà se refermaient, mais le Vieux n’intéressait pas le réalisateur et quand les portes s’ouvrirent sur une nouvelle promesse il se précipita à l’extérieur, les sens avides des lignes tant attendues de la cité espérée.


Heureux, il se trouvait à nouveau sur la place trop silencieuse et trop blanche de ses souvenirs. Alors, fou de joie, il chercha, il chercha sa fleur et il vit, là, une tige, des pétales. Il vit là quelques mètres à attendre, quelques secondes à parcourir avant de …


Des doigts tremblants effleurèrent le sable et le souffle de la magie cueillit une fois encore le Vieux à sa détresse.



Panodyssey - Chapitre 7/8 : Pierrot - Erwann Avalach



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