

Version 32
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Version 32
Version 32
De profonds sillons striaient son front plissé par l’inquiétude, tandis qu’elle se frayait un chemin au cœur de la marée humaine. Elle allait tout droit vers l’empilement de caisses adossé au bâtiment quatre et qui servait de table improvisée pour des prises de paris au bonneteau. Chaque contact avec les corps qu’elle bousculait était un détonateur potentiel, mais laisser son frère compter les cartes et empocher les mises était une situation beaucoup plus explosive. Trop de curieux autour des joueurs en faisaient venir d’autres et ce rassemblement ne tarderait pas à attirer les yeux du gouverneur. Elle pressa le pas, quitte à jouer des coudes sur quelques côtes flottantes, ignorant les protestations soufflées et les insultes.
Soudain sa crainte devint terreur lorsque les premiers sifflements se firent entendre. Un frisson électrique s’empara alors de la foule qui se déchira dans un mouvement de fuite désordonnée. En jouant des poings, Alicia se mit à courir pour franchir les derniers mètres, mais tout le monde s’en fichait : les drones étaient là. Ses doigts se refermèrent sur la manche élimée de la combinaison de son frère quand les premiers grésillements renversèrent les premiers ouvriers. Le frère d’Alicia jubilait en ramassant les coupons abandonnés.
— Putain Ludo, on n’a pas le temps !
Sans hésiter, Alicia gifla son frère avec tout ce qu’il lui restait de force, ce qui le ramena à la réalité. Il fourra une dernière liasse entre la fermeture Éclair de sa combinaison et se jeta sous le bâtiment.
— Suis-moi sœurette !
Alicia se laissa guider. Si Ludovic était un abruti de première, il restait le plus habile pour filer à l’anglaise.
Dehors, les arcs électriques n’en finissaient pas de mettre à terre les ouvriers.
— Descends, cria Ludovic en soulevant une machine à découper les tôles.
Sans chercher à comprendre, Alicia se jeta dans la fosse et Ludovic referma derrière lui.
— Suis-moi, je connais le chemin par cœur.
L’odeur du boyau qui s’enfonçait dans le noir était écœurant. Un mélange de métal, de soufre et de composés olfactifs indéfinissables. Alors, tout en agrippant son frère, Alicia releva le col de sa tunique pour masquer sa bouche et son nez.
— T’es allé trop loin Ludo, ils vont pas tarder à savoir ce qui s’est passé et vont nous chercher.
— Sauf qu’on rentrera pas sœurette, cette fois, on se fait la belle.
— Arrête ton délire ! C’est pas tes quelques coupons qui vont nous acheter un ticket de sortie. Sans compter qu’ils sauront comment tu t’es fait ce fric.
— Si on prend le circuit officiel, oui, mais c’est pas le cas.
— Encore un de tes plans foireux, mais cette fois, c'est le dernier. J’abandonne.
— Pas moi sœurette, pas moi. Maintenant silence, chuchota Ludovic, on passe sous le bureau du COPS.
Ludovic marchait lentement. Alicia suivait, à l’aveuglette, pourtant, plus elle pensait à leur situation, plus elle savait que c’en était fini pour eux. Elle se voyait rétrogradée au statut de citoyen secondaire, probablement à la place de son frère. Quant à lui, il serait envoyé à la récolte de lave sur Fusion II ; les exécutions étant proscrites en raison du manque de main d’œuvre recyclable.
— Voilà, chuchota Ludovic, on y est.
— On est où ?
— À l’embarcadère pour un nouveau départ, sœurette, riche de promesses.
— De promesses ! Mais, tu es vraiment taré Ludo. Ce sont les promesses qui ont fait ce monde de merde. De nos jours, seul un contrat certifié par Le Bureau est valable. Un contrat et surtout le prix de sa signature.
— Mais c’est bien de ça dont je te parle, sœurette. Un contrat et son prix.
— Mais réveille-toi bon sang, s’insurgea Alicia, le minimum pour un contrat est bien au-dessus de mes moyens, alors les tiens n’en parlons pas.
— Je sais tout ça, sœurette, c’est pourquoi j’ai signé un contrat à crédit.
Un sourire effrayant se dessina sur le visage de Ludovic tandis qu’un rai de lumière venait éclairer la salle dans laquelle ils se trouvaient.
— Ludo ? gémit Alicia tout en essayant de se cacher dans la pénombre.
Une silhouette apparut dans l’embrasure de la porte désormais grande ouverte.
— Bonjour Madame Alicia Milles, clama la voix monocorde d’un homme.
Aveuglée par la lumière, Alicia ne distinguait pas grand-chose. En portant la main à ses yeux, elle s’aperçut que son frère n’était plus à son côté, mais avait rejoint l’inconnu.
— J’aimerais dire que je suis désolé sœurette, mais tu te doutes maintenant que c’est faux.
— Monsieur Milles, s’il vous plait, inutile d’en rajouter. Votre traitrise est suffisante à la douleur de votre sœur, vous feriez donc plaisir à Madame Garance en faisant un passage aux commodités des Bains avant de la rejoindre. Quant à vous Madame Milles, j’aurais plaisir à ne pas avoir à utiliser les Tasers sur votre personne. Veuillez me suivre. Les hommes derrière vous clôtureront notre petite marche vers les bureaux de Madame Garance.
Les cliquetis derrière elle ne laissèrent aucun doute quant à la véracité des propos que venaient de déclamer l’inconnu. Avec une démarche chancelante, qu’elle mit sur le compte de la lumière soudaine, elle se glissa entre lui et l’embrasure, se retenant de lui décocher un coup de poing dans la mâchoire. Cependant, le regard glacé qui croisa le sien ne laissait aucun doute sur le fait que cela n’aurait servi à rien. Le visage de cire, dénué d’expression, semblait aussi vide et dangereux que l’espace en dehors de la bordure de la Confédération.
Le bureau de Sylvaine Garance était immense. À lui seul, il pouvait servir de logement standard pour une quinzaine de citoyens primaires ou d’une collocation de vingt ouvriers secondaires. Les fenêtres renvoyaient une image artificielle de la ville, débarrassée de sa crasse et de sa misère humaine. Tout au fond, derrière un bureau de bois précieux qui aurait pu chauffer un foyer pour un mois, trônait très certainement Madame Garance.
— Ho ! Vous voilà, s’exclama Sylvaine sur un ton faussement surpris. Vous n’imaginez pas comme je me réjouis de vous rencontrer. Votre frère m’a tellement parlé de vous.
— J’aimerais dire que les réciproques sont vraies, mais je ne suis ni heureuse de vous rencontrer ni informée de votre existence.
— Charmante ! Elle est charmante, Silas ! s’enthousiasma-t-elle en s’adressant à l’homme qui lui avait amené Alicia. Ne perdons pas de temps Madame Milles, le temps, c'est bien plus que de l’argent.
— Je ne suis visiblement pas dans les locaux du COPS, s’agaça Alicia, de plus en plus fatiguée, alors que voulez-vous ?
— Il ne vous reste que quelques minutes de lucidité, très chère, aussi je vous dois bien quelques explications.
Alicia fouillait dans sa mémoire ce qui justifiait cette confiance que lui infligeait Sylvaine, puis la réalité s’imposa brutalement.
— Ho ! Je vois qu’elle comprend vite Silas ! Oui, les gaz dans le tunnel. Je comprends que, dans la précipitation, vous n’ayez pas fait attention. Voyez-vous, nous sommes tellement peu désormais que nous ne pouvons nous reproduire comme vous, sans vicier notre sang. Mais, la Biotech GENERON a trouvé la solution : vos gènes. Par petites touches, gène après gène, nous améliorons nos propres générations. Ainsi, nous n’enfantons plus, mais nous renaissons, meilleurs à chaque clonage. Je reconnais que je suis un peu fragile, néanmoins, voyez-vous, vos gènes de « badasse », comme dirait votre frère, vont être la mise à jour de ma renaissance. Cependant, vous comprendrez que vous ne pourrez survivre à la procédure, cependant soyez heureuse, vous vivrez à tout jamais dans mon ombre. Silas quant à lui récupérera cet extraordinaire faculté de compter que votre frère possède. En ce moment même, son ADN est d'ores et déjà prélevé et son corps servira à nourrir les ouvriers secondaires. Madame Milles ?
— Je crois qu’elle s’est endormie, chère sœur, il est temps de nous préparer à notre tour.
— J’en ai la larme à l’œil, Silas. Il y a de la poésie à ce qu’une sœur et son frère servent à la mise jour d’une sœur et d’un frère. Néanmoins, il me faudra remédier à cela pour ma version 33.

