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Johnny Rotten en Jamaïque

Johnny Rotten en Jamaïque

Pubblicato 22 mag 2020 Aggiornato 28 set 2020 Musica
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Johnny Rotten en Jamaïque

 

 

Début 78, Simon Draper, le bras droit de Richard Branson (le milliardaire hippie de Virgin), décide d'envoyer Johnny Rotten en Jamaïque pour un mois afin de dénicher de nouveaux artistes pour le label « Front Line ». Immanquable. Leur logo, c'est un poing serré sur un fil barbelé. Image en noir et blanc, excepté un filet de sang bien rouge. La ligne de front.

La proposition de Draper tombe à pic car Johnny Rotten tourne un peu en rond depuis qu'il a quitté les Sex Pistols. Il embarque avec lui Don Letts, un rasta de ses amis, DJ au Roxy, et Dennis Morris, un photographe. Comité restreint. L'idée c'est de bosser sérieusement, pas de se la couler douce au soleil des caraïbes.

La visite commence sous les meilleurs auspices puisque Richard Bronson vent chercher tout le monde en Rolls Royce à l'aéroport et que l'équipage se fait copieusement insulter par tous les jamaïcains qu'il rencontre. Tant de richesse exhibée aux yeux d'un peuple si pauvre... Johnny Rotten adore ça. Il adore les jamaïcains: « Les jamaïcains ne sont pas des petites natures, et quand ils ont quelque chose à dire, ils le disent haut et fort – dey let ya know a t'ing or two, man! »

Passés les premiers heurts façon lutte des classes, les choses se détendent toutes seules car au fond les rastas sont d'une nature accueillante et chaleureuse malgré la misère ambiante. Quand un jamaïcain dit « peace » cela fait sens, car il sait bien ce qu'est la guerre : rien à voir avec une quelconque posture baba cool. D'ailleurs Johnny Rotten déteste les hippies.

Les trois acolytes se mettent donc au travail : ils visitent les studios et les magasins de disques mais c'est sans compter le fait que les musiciens et chanteurs sont déjà au courant de la venue des représentants de Virgin, et ils viennent directement à l'hôtel Sheraton pour auditionner, renouant avec leurs prédécesseurs qui se présentaient chaque semaine à la porte du studio des trois principaux producteurs (Coxsone Dodd, Duke Reid et Leslie Kong) quelques quinze ans plus tôt pour présenter leurs chansons.

Ils vont aussi rendre visite à ceux qui sont déjà des grands noms du reggae. Chez U-Roy, Johnny Rotten aperçoit un hamac dans le jardin. C'est pour sa femme qui ne peut pas dormir dans la maison quand elle a ses règles... Gros bug dans la philosophie rasta : on peut lutter contre l'oppression, la police, Babylone, equal rights and justice for everyone, enfin un peu moins pour les femmes... la doctrine a ses failles.

Chez Tapper Zukie, dans le ghetto, Johnny Rotten prend un peu peur. Il faut dire que Zukie est un vrai fou furieux, un dur à cuire, un mec dangereux, « tout content de vous faire connaître son gang et de brandir allègrement sa ferraille en pleine rue », en fait juste un grand gamin. C'est peu de temps après qu'on l'enverra en Angleterre se faire un peu oublier de la police.

Chez Lee Perry, au Black Ark, Johnny Rotten essaye d'enregistrer un morceau mais ça ne le fait pas: l'herbe est trop verte, trop forte, Earl Chinna Smith, le guitariste maison, est dans un coin et fait des tonnes d'effets à la pédale wah-wah, il y a une porte qui grince dès que quelqu'un l'ouvre ou la ferme, et c'est souvent. Scratch est irie de chez irie. À se demander comment un son potable peut sortir de ce studio, et pourtant... Max Romeo, Junior Byles, Junior Murvin, les Congos... Les Congos! Johnny Rotten a carrément flashé sur eux. Il les adore. Des mecs super. Il les ramène dans ses valises mais pas de chanson de Johnny Rotten au Black Ark. Parfois ça marche et parfois ça ne marche pas. Quelques essais aussi avec Sly et Robbie, mais juste pour le délire. Ils sont sous contrat chez Island alors pas question de les débaucher.

Comme ça, de rencontre en rencontre, le voyage s'étire et dure deux fois plus longtemps que prévu, mais quand on aime on ne compte pas, surtout quand c'est Virgin qui paye. Et puis la moisson vaut largement le détour.

 

Johnny Rotten, La Rage est mon énergie, autobiographie du chanteur des Sex Pistols et fondateur du groupe Public Image Limited, édition du Seuil pour la traduction française.

 

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