Baschung, Bashung
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Baschung, Bashung
De Baschung à Bashung, 1966-1975 (Barclay 2023)
À tâtons
Cette compilation regroupe les longs premiers pas d’Alain Bashung, depuis les tous débuts, quand il était encore Baschung avec un « c », sur la route qui a fini par le conduire à une reconnaissance unanime. Il n’y a qu’à voir le nombre de trophées récoltés lors de sa dernière participation aux Victoires de la musique en 2009 avec Bleu pétrole : artiste masculin, meilleur album de variété, meilleure tournée.
Il y a dans ces 50 morceaux (49 en réalité mais on va pas chipoter) les tâtonnements d’un chanteur qui se cherche dans une époque envahie de yéyés, sans rencontrer de succès, mais qui maintient le cap. Il sonne alors parfois comme un José Salcy, parfois comme un Michel Polnareff, voire un Johnny, avec cette fascination pour le rock outre-atlantique qui restera longtemps chevillée à son œuvre : regarde les reprises de Buddy Holly ou de Bob Dylan sur Osez Joséphine en 1991, sans parler du son même de la chanson qui donne son titre à l’album, et jusqu’à sa version de Suzanne de Leonard Cohen sur Bleu pétrole en 2008.
Tiens pour le plaisir, je la remets ici. Avec le clip de Mondino.
Il y a aussi un côté plus funk, avec le projet Monkey Bizness, aux accents furieusement blaxploitation.
Il y a une époque Cat Stevens, preuve à l’appui.
Il y a encore un projet complètement farfelu : une comédie musicale sur La Révolution française dans laquelle il tient le rôle de Robespierre et dont, pour être honnête, je n’avais jamais entendu parler.
Il y a même des essais en italien, comme cela se pratiquait beaucoup ces années-là (Françoise Hardy, Véronique Sanson, Nino Ferrer, Dalida).
La suite
Suivront, bien sûr, les tubes que tout le monde connaît, nés de sa collaboration avec Boris Bergman : Vertige de l’amour et Gaby oh ! Gaby, dont j’ai déjà pris le temps de parler ici, Fantaisie militaire, avec La Nuit je mens (personnellement, ma vraie rencontre avec Bashung) en 1998, le côté évanescent de Madame rêve ou de sa reprise des Mots bleus de Christophe (pas ce que je préfère, si je puis me permettre de donner mon avis), les chansons de Manset (Il voyage en solitaire, Comme un lego) ou de Gaëtan Roussel (Je t’ai manqué, Résidents de la république).
Mais ça, ce n’est pas pour tout de suite. La compilation s’arrête en 1975, avant qu’il n’ai encore publié un seul album.
Revue critique
Par curiosité, je suis allé lire les avis sur cette compilation, et j’ai pu remarquer que les fans du Bashung légende de la dernière heure, lyrique et intello, la trouvent souvent inutile, considérant que ces premiers tâtonnements ne sont pas à la hauteur du mythe, et même viennent le ternir. Mais quel mythe bien fragile ne serait pas capable de résister à son enfance ?
D’autres, à l’instar de Christophe Guedin, l’auteur du livret de pochette, considèrent ces morceaux comme « un prologue méconnu du grand roman de la carrière d’Alain Bashung », voilà pour le lyrisme.
« Quand un artiste disparaît, la perception de son œuvre change radicalement, analyse Chloé Mons, la dernière épouse de Bashung. D’un seul coup, tout devient intéressant car il s’agit de comprendre un parcours. »
C’est déjà mieux. Mais entre un geste de rejet et une fouille archéologique, on peut aussi apprécier simplement ces morceaux pour eux-mêmes, sans chercher absolument à mettre du sens partout, et dire qu’ils méritaient de ressortir.