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Coexistence

Coexistence

Pubblicato 4 feb 2023 Aggiornato 4 feb 2023 Musica
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Coexistence

 

Deuxième partie : Mélodie vagabonde (24)

 

1981

La version de 1981, celle qui figure sur la cassette Mangé pou le cœur, est souvent préférée. Elle est plus sobrement arrangée, takamba, triangle et voix, et plus en adéquation, il est vrai, avec le message qu'Alain Péters veut faire passer, un message non verbal, qui relève de la sensation et de l'étourdissement. Il est alors dans sa période la plus solitaire. Caméléon a cessé d'exister quand le studio Royal a fermé ses portes, et les autres musiciens sont partis chacun de leur côté. Alain Péters s'est ensuite brouillé avec les membres de Carrousel. Son père est mort. Sa femme et sa fille son parties. Il est seul avec ses mixtures et ses instruments. Seul avec son chagrin. Seul avec ses démons. Il a un petit côté vieux fou abandonné, sorcier qui va cueillir des plantes et des racines dans la nature au coucher du soleil et les broie en secret en marmonnant dans sa barbe. C'est très mélancolique et un peu inquiétant aussi. Tout cet environnement est réintroduit dans la chanson. Plus encore, il la constitue.

 

1987

La version de 1987, enregistrée dans le studio de Loy Ehrlich à Montreuil raconte une histoire différente. C'est la même chanson à quelques variations près, mais Alain Péters, après des années d'abandon et d'errance en solitaire, semble avoir repris goût à l'interaction. La musique, il n'a jamais cessé d'en faire dans sa tête, dans sa case, sur son île ronde, avec ses bouteilles. Assis en studio avec un ami retrouvé, une guitare dans les mains, c'est une autre alchimie qui fonctionne à merveille. Cette version est plus arrangée, plus travaillée, il y a des percussions, de la flûte, des chœurs et paradoxalement elle semble plus libre, comme si les deux musiciens toujours complices improvisaient et partaient dans des jams sessions, s'appelant et se répondant, renouant avec l'esprit du maloya ancestral et renouvelant le schéma d'alternance soliste/choeur. Cette spontanéité fonctionne très bien et ajoute un peu de folie à la chanson, la rend plus palpitante. Comme un coureur de fond qui trouve son second souffle, elle est revitalisée.

 

Coexistence

Caloubadia est une chanson très importante dans la discographie d'Alain Péters. C'est le seul titre qu'il ait enregistré deux fois. Bien sûr, il existe des versions live un peu pirates de ses chansons, des interviews où il prend une guitare et rejoue l'un de ses titres de façon impromptue, des versions alternative, mais ce n'est pas du tout pareil. Là, il a véritablement décidé de faire une nouvelle version finie de la même chanson, c'est tout à fait significatif. Il avait d'autres titres a proposer, griffonnés dans l'un de ses cahiers, mais il y a renoncé, il a préféré refaire Caloubadia à la place, sacrifiant une part du peu de temps qui lui était imparti dans ce studio, lors de son bref passage à Paris. C'est justement parce que cette chanson en particulier, avec ses paroles très évasives, laisse beaucoup de champ à la réinterprétation. Il voulait laisser Loy Ehrlich s'installer confortablement. Cette fois-ci, ce n'est pas Loy Ehrlich qui est venu à La Réunion pour travailler avec les musiciens locaux mais Alain Péters qui a fait le voyage jusqu'à Paris, même si Paris, rappelons-le, n'était pas sa destination initiale : il était censé suivre une cure de désintoxication dans le sud. Mais peu importent les aléas et les détours en fin de compte. Après plusieurs années de froid, la boucle est enfin bouclée, et chacun pourra choisir sa version préféré de Caloubadia, ou bien ne pas choisir et passer de l'une à l'autre. Si les deux existent, c'est bien pour cette raison. L'une n'éclipse pas l'autre. Chacune raconte une histoire différente, puisque le fait d'enregistrer matérialise aussi un contexte. L'amitié est marquée par ces échanges symboliques. Alors pourquoi choisir ? Il y a assez de place dans le monde pour ces deux versions de Caloubadia. Ce n'est pas comme si Alain Péters avait enregistré trop de chansons. La redondance n'est pas insupportable.

 

Merci à Eric Ausseil, pour la coexistence texte-image.

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