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Les Vestiges d'Alain Péters

Les Vestiges d'Alain Péters

Pubblicato 13 giu 2023 Aggiornato 13 giu 2023 Musica
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Les Vestiges d'Alain Péters

 

 

Encore un sac en plastique

Dans un article publié sur le site 7lameslamer, la journaliste Nathalie Valentine-Legros parle elle aussi d'Alain Péters et de ses sacs en plastique, mais d'une toute autre manière :

 

« Aujourd'hui, il est mort. Que vais-je faire de son sachet de linge qui est à la maison ? Question incongrue : là où est Alain maintenant, il n'a plus besoin de ce sachet de linge oublié dans ma voiture quelques mois auparavant...

 

Quand la mort frappe, elle ramène à la surface des images fugitives aux allures futiles, comme pour nous distraire des bouleversements qu'elle provoque. Alain Péters vient de mourir et je pense à son sachet de linge. Tant qu'à faire, je remonte le fil de ce souvenir...

 

Je roulais en direction de Saint-Denis. Tout à coup j'aperçois Alain Péters sur le bord du chemin.

...

Peters marche avec un sachet à la main. Je borde la voiture et lui propose de l'amener. Il va au Chaudron ; ça tombe bien, j'y vais aussi. "Chez maman", me dit-il. Il largue son sachet sur la banquette arrière et nous voilà en route

...

Il négocie pour que je le ramène au Port ce soir : "Rendez-vous ici à 20h". C'est OK !

...

J'ai longtemps attendu le poète en vadrouille ce soir-là, au coin de la rue. Il ne s'est pas pointé. Tant pis. Arrivée chez moi, je remarque qu'il a oublié son sachet dans la voiture. Quelques pièces de linge dans le sachet : un pantalon pattes d'éléphant mauve en velours côtelé, des T-shirts.

...

Le sachet oublié par Peters sur la banquette arrière de ma voiture finit au fond d'un placard.

...

Alain Péters et ses sachets, tout un roman... Les sachets pour faire de la musique : il recréait le son du caïambe simplement en frottant un sachet entre ses mains... Lumineux !

...

Et puis il y avait les sachets de l'errance... Les sachets semés à droite, à gauche, les sachets perdus, les sachets oubliés ».

 

À ce motif du sac frotté pour faire de la musique sont ajoutés d'autres facettes, de nouveaux souvenirs. Les sacs d'Alain Péters acquièrent, ou plutôt retrouvent, car c'était là leur fonction initiale, un aspect beaucoup plus terre à terre, ils servent à transporter des choses : des courses, des vêtements, des objets. Ils deviennent alors tous les sacs : les sacs à dos des randonneurs et des sherpas, les sacs des voyageurs, les sacs Tati pleins à craquer, les vagabonds, l'errance, les vestiges, les sans-domicile fixe sur le Vieux Port de Marseille. Toutes ces couches se stratifient. La réalité est le résultat de cette compression. Voilà aussi ce qu'il reste d'Alain Péters en plus de ses chansons. Ce précieux témoignage fait prendre à la légende une autre direction. Ce n'est pas si souvent.

 

La moindre vérité

Dans son roman La Fin des temps, Haruki Murakami écrit :

 

Mourir, c'est laisser derrière soi une bombe de mousse à raser à moitié vide. 

 

Cette simple petite phrase, avec ses mots très concrets, raconte la mort mieux que n'importe quelle philosophie ou religion. La mort nous arrête en pleine course. Il restait toute une moitié de mousse dans la bombe, tant de choses à faire encore, mais voilà : il nous faut renoncer à cela aussi. Cette phrase inverse la sentence qui veut que l'optimiste voie le verre à moitié plein : tout ce qu'il reste dans la bombe, le plein, est perdu. Le vide est ce dont on a pu profiter. Le vide est positif, et le plein négatif.

Alain Péters laisse derrière lui les petits cailloux dorés de la légende qu'il s'est taillée sur-mesure. Il laisse aussi des sachets pleins égarés ça ou là, sur la banquette arrière d'une voiture. C'est l'ensemble qu'il faut considérer, les oublis, les errances et les défaillances comprises, si l'on veut espérer connaître la moindre vérité.

 

Merci à Eric Ausseil pour toutes les illustrations.

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Commento (1)

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Eric Ausseil 1 anno fa

Quel plaisir de retrouver Haruki Murakami. Réflexion juste et belle "Le vide est positif, et le plein négatif." J'aime beaucoup cette sentence
Merci à toi pour ce livre et ce partage d'un artiste bien à part. Mes illustrations ont été pour lui un berceau, une auréole, une couche sur lesquelles toute la mémoire revenue a pu s'entrelacer.

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