J’ai deux amours...
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J’ai deux amours...
Christine Roque est l’interprète d’un tube improbable, Premiers frissons d’amour, paru en 1987. Par la suite, elle récupère un « S » final et redevient Christine Roques, son véritable patronyme, et enregistre quelques nouvelles chansons un peu moins intéressantes avant de tout arrêter.
Premiers frissons d’amour est une chanson magique qui met en scène une fille tiraillée entre deux garçons. Sur la pochette du 45 tours, la belle Christine en robe de soirée, bustier couleur métal scintillant, un bandeau rouge dans les cheveux, tient dans un bras deux figurines, un Ken blond, l’autre brun, eux aussi sur leur 31. Son autre main retient sa tête, regard songeur, entre les deux son cœur balance. Voilà résumée toute l’histoire de cette chanson, quintessence de la variété ou presque, beaucoup moins niaise que ce que l’on pourrait supposer.
Bien sûr, il y a la légèreté de rigueur, qui coule de source :
« Je sais qu’j’suis pas une grande intellectuelle »,
des paroles un peu volages (la chanteuse évoque son porte-jarretelles et ses petits seins), voire carrément érotiques :
« Pousser encore plus loin le débat,
Aller encore plus loin dans les draps ».
Une pincée d’onomatopées (dou dou di dou dida) à réjouir les cœurs endurcis, quelques mots en langue étrangère qui ne veulent pas dire grand-chose :
« Le quel des deux m’aimait ? no le sé
J’les oublierai jamais yo lo sé
yo lo sé, yo lo sé ».
Enfin de quoi flatter les cinéphiles :
« Avant-hier on a vu un Truffaut noir et blanc
C’était Jules et Jim »
De la mise en abîme…
« Ils s’aimaient tous les trois comme eux et moi »
Un souffle épique qui convoque tous les amoureux du passé, Tristan, Roméo, Ulysse, jusqu’au spectre de Phèdre qui vient planer ici, tragédie sous-jacente :
« Je les aime tous les deux d’un amour de légende ».
Bref, même s’il flotte un soupçon de « premiers baisers » dans l’air, on est très loin de la chanson calibrée pour collégiens et collégiennes, et pourtant… 450 000 exemplaires écoulés à l’époque… Sans commentaires.
À noter que la chanson a été écrite et composée par une femme, Corinne Sinclair, ce qui nous change du tout au tout de ces paroliers-pygmalion qui façonnent à leur gré leurs pouliches, leur faisant entonner des refrains factices de femmes libérées. À se demander parfois où est le sens.
Malgré ce succès retentissant, Christine Roque a dû arrêter sa carrière de chanteuse, elle s’est fâchée avec son producteur, désaccord artistique classique et malheureux. Elle se consacre aujourd’hui à la danse.