JOURNAL DE L’ANNÉE DE LA PESTE : 16 mai
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JOURNAL DE L’ANNÉE DE LA PESTE : 16 mai
16 mai
Les habitants ne pouvaient que respecter le bon usage des « gestes barrières » recommandés par les drones, les médias et le haut-parleur de la camionnette municipale (affrétée pour que les vieilles gens ne perdent pas leurs repères). Il n’en fut rien. Quoi qu’ils aient prétendu être des rebelles à toute autorité, moquant les gouvernements, protestant à tout propos, jamais satisfaits des nouvelles directives, des nouvelles lois, des nouvelles décisions publiques chaque jour inventées pour détourner leur attention, ils avaient seulement mauvais caractère et, en secret, une confiance d’enfant dans le Pouvoir. Le décret de déconfinement de la pouponnière avait été la sonnerie de la récréation, ils perdirent tout contrôle : on les vit sortir dans les rues, j’en étais effaré, comment osaient-ils ? Ce serait eux ou moi, ce fut moi.
Au bout d’une matinée de bouderie, j’allai fouiller dans ma cave et trouvai de quoi fabriquer un masque de ma façon avec une plaque de plexiglas à la dimension de mon visage, que j’arrondis autour d’une armature de plastique flexible posée autour du front. Déjà je respirais mieux qu’avec le masque de tissu qui se collait sur les lèvres à chaque essoufflement quand je courais pour échapper à un passant, un autre avantage étant que le champ de vision en était agrandi, je pouvais voir venir. J’avais crié de peur lorsque, paisiblement assoupi sur mon banc, un de ces fous échappé de leur asile personnel s’était penché sur moi pour me demander l’heure – l’heure ! Est-ce une question qui se pose à un homme dans me situation ? L’heure du crime, oui ! N’étais-je pas de nouveau contaminé ?
À présent, plutôt que de porter une horloge accroché à mon cou, j’avais une plus grande liberté d’alarme grâce au nouveau masque, bien que j’ai eu l’apparence d’un scaphandrier égaré, mais je ne participais pas à un défilé de mode le long du canal. J’ajoutai en effet au dispositif le chapeau antivirus, par une ultime précaution, un peu superstitieuse, je l’admets, ce n’est pas moi qui critiquerai les grigris, huiles essentielles, argiles vertes et autres pratiques vaudous.
Ainsi armé comme un preux, des flacons de solution hydroalcoolique dans mes poches, calme et attentif, j’arpentais les Jardins et parfois me laissais approcher par une petite fille intriguée.
à suivre dans :
http://impeccablemichelcastanier.over-blog.com