Hannibal Hopkins and Sir Anthony (Clara et Julia Kuperberg, 2020)
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Hannibal Hopkins and Sir Anthony (Clara et Julia Kuperberg, 2020)
Le début des années 90 correspond au moment où j'ai commencé à fréquenter les cinémas art et essai. C'est justement à ce moment-là que Anthony HOPKINS est devenu célèbre pour son interprétation de Hannibal Lecter dans "Le Silence des agneaux" (1989). Mais je suis bien d'accord avec lui, ce n'est pas sa plus grande interprétation. Sa plus grande interprétation, celle qui en dit le plus sur lui est celle du majordome Stevens dans "Les Vestiges du jour" (1993). La même année sortait "Les Ombres du coeur" (1993) de Richard ATTENBOROUGH (qui avait déjà fait tourner Anthony Hopkins à la fin des années 70 dans "Magic") (1978) et dans lequel son personnage était un prolongement de celui du majordome Stevens. J'ai dû aller voir ce film au moins trois fois au cinéma et c'est aussi à cette époque que j'ai acheté un grand poster de l'affiche anglaise de "Les Vestiges du jour" tout en me plongeant dans le roman de Kazuo Ishiguro. A cette époque, le cinéma représentait pour moi ce qu'il représentait pour Woody ALLEN dans ses films des années 80: un refuge dans lequel Cecilia venait sécher ses larmes et oublier sa triste vie dans "La Rose pourpre du Caire" (1985) et Mickey retrouver goût à la vie devant "La Soupe au canard" (1933) après avoir frôlé le suicide dans "Hannah et ses soeurs" (1986). J'avais instinctivement reconnu en Anthony Hopkins des problématiques qui étaient aussi les miennes et qui sont sans cesse évoquées dans le portrait que Arte diffuse jusqu'en janvier 2023: la sensation d'être coupé du monde et des autres, de venir d'une autre planète et d'être incapable de communiquer avec son environnement d'origine ("je ne comprenais rien à ce qu'on disait"), la solitude, les difficultés d'apprentissage et le harcèlement scolaire, le manque de confiance en soi, la nécessité de l'exil face à l'incapacité de s'intégrer ("Je ne supportais plus le théâtre anglais, je ne m'y sentais pas à ma place (...) quand je suis arrivé en Californie c'était comme être sur une autre planète. Les gens semblaient appartenir à une espèce différente (...) Comment peux-tu vivre ici? C'est comme vivre sur la lune. J'ai dit que c'est très bien, je me plaît ici."), un déracinement géographique mais aussi social, Anthony Hopkins étant un transfuge de classe (son père était boulanger, lui a été anobli). Les difficultés sociales et relationnelles d'Anthony Hopkins qui l'ont poursuivi toute sa vie sont bien résumées par Jodie FOSTER qui raconte qu'elle le fuyait parce qu'il lui faisait peur avant d'apprendre à la fin du tournage de "Le Silence des Agneaux" que lui aussi avait peur d'elle. Dommage que le film qui date de 2020 soit déjà daté. Il ne peut évoquer le rebond actuel de sa carrière à plus de 80 ans (nouvel Oscar pour "The Father" (2019), rôle dans le dernier James GRAY) et fait l'impasse aussi sur le fait qu'il a été diagnostiqué comme étant atteint de troubles autistiques à plus de 70 ans ce qui rend évident l'ensemble des manifestations de son mal-être en société ("je ne suis pas grégaire du tout, j'ai très peu d'amis, j'aime beaucoup la solitude, je préfère ma propre compagnie") et de sa difficulté à en déchiffrer les codes ("Je suis naïf et facilement dupé, c'est ma principale faiblesse").