Atypical (Robia Rashid, 2017)
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Atypical (Robia Rashid, 2017)
Étant souvent déçue par les séries qui même lorsqu'elles sont bien pensées au départ ont tendance à s'essouffler sur la durée, je n'ai jamais eu particulièrement envie de m'abonner à Netflix. La production ou le rachat de films de cinéastes importants a changé la donne car si le long-métrage demande plus d'effort au spectateur que la série (qui comme tout feuilleton, des sérials aux manga se dévore), il est aussi souvent plus nourrissant à l'arrivée.
Néanmoins en ayant accès à Netflix, j'ai eu la curiosité de voir comment était traité l'autisme dans les séries produites par une plate-forme qui constitue une énorme caisse de résonance pour les jeunes générations (du moins dans les pays développés où l'accès à internet est massif). Et je ne peux que me réjouir du succès de "Atypical" qui constitue une sacrée bonne mise à jour par rapport à la référence du grand public qui reste "Rain Man" (1988).
"Atypical" déroge justement à la loi de la majorité en ce que sur ses trois saisons (à ce jour, une quatrième est prévue en 2021) non seulement elle ne s'essouffle pas mais elle a même tendance à monter en puissance. Elle joue en effet sur plusieurs tableaux et touche plusieurs publics ce qui fait sa force. En effet elle emprunte les codes de la teenage comédie américaine pour emmener le spectateur au pays de Sam (Keir GILCHRIST) c'est à dire en Antarctique. Ce lieu symbolique de l'autisme (comme l'espace ou les fonds marins) car synonyme de solitude va finir par devenir celui de tous les personnages de l'histoire. Tous vont connaître à un moment ou à un autre une traversée du désert et une remise en cause de leur identité. La série n'est pas en effet centrée que sur Sam mais accorde tout autant d'importance aux membres de sa famille et à leurs proches. Tous sont écrits avec une remarquable cohérence et il est signicatif que la personnalité de Sam soit un révélateur de vérité pour ceux qui le côtoient. Quant à la représentation de l'autisme, elle est plus réaliste car si Sam est un asperger (il n'a pas de déficience intellectuelle) il n'est pas un génie pour autant. Qu'on se le dise une fois pour toutes, la majorité des asperger ont une intelligence qui se situe dans la moyenne. Sam est juste un jeune homme en difficulté sensorielle et relationnelle avec des intérêts spécifiques restreints (les manchots) et des bizarreries comportementales (montrées par petites touches et souvent sous un angle humoristique ce qui a un effet dédramatisant) qui aspire à s'insérer dans la société et à avoir une vie amoureuse et sexuelle. Bref, ses aspirations sont celles de tout un chacun ce qui ne va pas de soi quand on est autiste (dès le 1er épisode, un chiffre évoqué par la psy de Sam avance que 90% des autistes restent célibataires et d'autres études avancent que 70% des autistes sans déficience intellectuelle sont au chômage). L'intérêt du scénario de la série est de combiner le récit initiatique classique et la résilience par rapport à un handicap de façon honnête tout en montrant les répercussions sur l'entourage. Elsa la mère (Jennifer JASON LEIGH) surprotectrice a d'autant plus de mal à accepter que son fils grandisse et veuille conquérir son autonomie qu'elle s'est définie comme mère à vie d'un enfant handicapé. Le parcours du combattant de Sam la plonge dans une crise identitaire profonde qui ébranle également son couple, le père Doug (Michael RAPAPORT) plutôt passif et fuyant jusque là étant sommé de prendre ses responsabilités. C'est une configuration familiale très fréquente lorsqu'un enfant est atteint de handicap: la mère envahit tout l'espace et le père ne trouvant plus sa place quitte le foyer. Et s'il est déjà difficile pour des parents d'enfants normaux d'accepter qu'ils deviennent adultes et quittent le nid, c'est encore plus vrai quand ceux-ci ne le sont pas d'autant que la sexualité des handicapés reste par ailleurs largement taboue. La petite sœur de Sam, Casey (Brigette Lundy-Paine) est également un personnage très important de la série, cohérent avec le reste de la famille. Forte personnalité qui pallie la faiblesse du père (elle est plus masculine que lui!) et s'oppose à la toute-puissance de la mère, elle se sent également obligée de protéger son grand frère ce qui la bride dans sa construction personnelle. L'évolution de Sam est donc une libération pour elle aussi au moment où elle est confrontée à des choix épineux pour son avenir.
Bien interprétée, juste, tendre, bienveillante et pleine d'humour, la série fait du bien et offre un regard positif et inclusif sur l'imperfection et la diversité du comportement humain. L'origine américaine de la série est un plus car la connaissance de l'autisme y est bien plus développée qu'en France, handicapée par le prisme psychanalytique avec lequel elle a interprété le problème pendant 50 ans. La psychanalyse dans "Atypical" est délicieusement tournée en dérision, les psy étant renvoyés aux imperfections de leur propre humanité voire animalité (Sam finit par parler... à un lapin).
PS: Cet avis a été écrit avant la quatrième saison qui hélas, s'avère de trop et ternit l'ensemble de la série pour au moins deux raisons. La première, c'est qu'elle radote, n'ayant plus rien de neuf à apporter à l'histoire et la seconde, c'est qu'elle considère désormais Sam comme un objet encombrant dont elle se débarrasse en le mettant à l'arrière-plan et en le normalisant au point qu'il n'a plus rien d'un autiste. L'identité de la série s'en retrouve profondément altérée.