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Chapitre 27 - Le Traité de Venise

Chapitre 27 - Le Traité de Venise

Pubblicato 16 giu 2024 Aggiornato 16 giu 2024 Fantasy
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Chapitre 27 - Le Traité de Venise

 

 

Sur les conseils de Nunael, Hildegarde ouvre un couvent à Eibingen . Dans le village qui l’a vu naître, ce lieu est dédié à l’approfondissement de toutes les connaissances que les sœurs découvrent à Rupertsberg. De taille plus modeste, elle décide de s’y installer et de s’entourer des religieuses les plus expérimentées dans leur domaine : l’art, la médecine naturelle, la biologie ou l’astronomie. À bientôt soixante-dix ans, elle a besoin de vivre dans un lieu où elle peut méditer et écrire en toute sérénité.

La réalité et la folie des hommes ne l’épargnent malheureusement pas. Un jour, alors qu’elle supervise les arrangements du jardin du couvent, un seigneur local, connu pour sa sagacité et son engagement envers l’Église, vient la consulter. Il apporte des nouvelles du monde extérieur, des nouvelles qui portent l’ombre de conflits et de troubles.

— Mère Hildegarde, je crains d’apporter des nouvelles inquiétantes. La Ligue Lombarde s’est rebellée contre l’empereur Frédéric Barberousse. Il semble qu’il n’ait pas suivi vos précieux conseils.

La tristesse l’envahit, mais elle n’est finalement pas surprise. L’homme est si faible lorsqu’il s’agit d’emprunter des chemins difficiles !

— C’est une nouvelle troublante en effet. La paix et l’harmonie sont si fragiles dans notre monde. Savez-vous ce qui a conduit à cette rébellion ?

Le seigneur explique :

— Il semble que l’empereur ait tenté d’imposer un contrôle excessif sur les cités italiennes, provoquant leur résistance. Il a lancé plusieurs armées contre elles et c’est désormais le chaos dans la région.

Attristée par cette nouvelle, elle se retire dans la petite chapelle pour méditer. Elle doit trouver un moyen pour éviter que le sang ne coule plus encore. Elle ne voit guère d’autre solution que d’écrire une lettre à l’empereur Frédéric. Elle lui rappelle sur un ton ferme ses précieux conseils. Quelles chances a-t-elle pour que le souverain daigne encore l’écouter ?

Les jours s’écoulent et sa lettre ne semble pas avoir persuadé l’Empereur. Des bruits de guerre se propagent dans les villages voisins. Bientôt, les sœurs sont sollicitées pour soigner les soldats qui rentrent de batailles sanglantes.

Un matin, un soldat se présente à la porte du couvent. Il demande à voir Hildegarde en privé. La Mère Supérieure le reçoit dans son bureau :

— Mère Hildegarde, l’Empereur Frédéric m’a confié cette missive et m’a fait jurer de vous la remettre en main propre.

L’intéressée ouvre la lettre :

“Révérende Mère,

Malgré les années, je n’ai guère oublié vos conseils, mais l’Empire peut basculer dans l’anarchie à tout moment. Le Saint-Siège ne cesse de comploter et use de roublardise pour liguer toute l’Italie contre mon autorité. Avant que je n’ouvre les hostilités, je vous laisse une chance de m’aider à résoudre ce conflit sans effusion de sang.”

Hildegarde, demande au soldat de l’attendre à l’extérieur. Elle a besoin de réfléchir. Elle compulse quelques cartes de l’Empire, cadeaux de l’Empereur et demande à une sœur spécialisée en histoire de lui fournir une situation des conflits en cours. Une fois informée, elle peut enfin écrire sa réponse :

“Au Très Glorieux et Sérénissime Frédéric,

Je vous remercie de prêter une oreille attentive à mes conseils. Après réflexion, je vous livre ma réflexion sur ce qu’il convient de faire si vous souhaitez clore vingt années d’une guerre épuisante et inutile et conserver à la fois votre aval sur l’Italie du Nord.

Je vous en prie, mettez votre orgueil de côté et offrez aux Lombards un semblant d’indépendance. En échange d’une paix durable, négociez des traités commerciaux. La Ligue est riche et désireuse d’étendre son influence économique. Elle acceptera sans nul doute. Contre la perte d’un peu d’autonomie, vous gagnerez à renflouer les caisses de l’Empire et vous épargnerez de nombreuses vies.

Que Dieu Tout-Puissant vous accorde la grâce de bien gouverner les peuples qui vous sont confiés, et qu’Il guide vos pas sur les sentiers de la Justice et de la Paix.

Votre humble servante, Révérende Mère Hildegarde Von Bingen.”

Après une nuit au couvent pour reposer homme et monture, le messager repart vers l’Italie du Nord où Frédéric attend les nouvelles avec impatience.

 

Le premier août 1177, L’Empereur Frédéric Barberousse se réunit avec les délégués des cités lombardes à Venise. Dans l’église bénédictine San del Nicolo Lido, les deux parties concluent un traité de paix. Pour apaiser également les tensions avec l’Église romaine, Barberousse s’agenouille devant l’envoyé du Pape. Ce geste inattendu de la part de ce souverain considéré comme belliqueux est un signe fort.

Chacun peut ainsi repartir avec la conviction d’avoir été le grand gagnant de ce traité. L’Empereur Frédéric peut enfin goûter à un peu de calme. Il organise une messe en l’honneur de Mère Hildegarde, véritable bienfaitrice de l’Empire.

 

Un soir, alors que la lumière du crépuscule filtre à travers la fenêtre de sa chambre, Hildegarde sent sa présence de Nunael l’envahir, telle une vague de chaleur réconfortante.

— Hildegarde, tu as parcouru un long chemin. Tes efforts ont porté leurs fruits. Les monastères prospèrent et tes enseignements ont éveillé de nombreux esprits.

La Mère Supérieure a un avis plus mitigé :

— Oui, j’ai éclairé le cœur et l’âme de nombreux fidèles, mais le monde ne cesse de basculer vers le conflit et la confusion. L’Empereur Frédéric a fini par m’écouter en ratifiant le Traité de Venise , il reste pourtant embourbé dans des luttes de pouvoir.

Nunael ne peut que partage ce constat un peu amer :

— Les affaires des hommes sont complexes et souvent entravées par leurs ambitions. Mais n’oublie pas que ton rôle est de semer les graines de la sagesse et de la vérité. L’impact de tes paroles et de ta musique transcende les querelles terrestres.

Hildegarde acquiesce lentement, puis partage une pensée qui la tourmente depuis plusieurs jours :

— Récemment, j’ai appris que l’Empereur s’est pris d’adoration pour Saint-Georges. Cela m’intrigue. Que cherche-t-il à trouver dans ce chevalier mythique ?

Nunael répond :

— Tu es bien perspicace et Saint-Georges est bien plus qu’une légende. C’est un symbole que j’ai construit de toute pièce, l’image de courage et de la victoire de la bonté sur le mal. Grâce à tes échanges, Frédéric a trouvé en lui une image à laquelle il peut se référer. Les hommes ont besoin de modèles. Je lui ai donc trouvé celui-ci.

Vraiment, les plans de Nunael sont impénétrables ! Elle déteste ces moments où elle a l’impression d’être une marionnette entre ses mains. Hildegarde sent une certaine fatigue l’envahir. Elle a atteint un âge vénérable que peu connaissent.

— Ce combat est derrière moi, je crois. J’ai formé de nombreuses sœurs pour prendre ma suite.

— Tu as raison. J’ai tout préparé pour t’accueillir. Prends du repos et trouve celle qui prendra ta suite.

Sur ces paroles sages, Hildegarde s’endort. Elle a désormais conscience que ses jours ici sont comptés.

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