Bonnes Résolutions
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Bonnes Résolutions
Bonnes Résolutions
– Cesse d’en vouloir aux autres de n’être pas toi, me dis-je.
Je fis cet effort. J’achetai enfin un téléphone portable HY3213UB et l’écoutai éperdument : il ne semble pas qu’il y ait eu quelqu’un pour me répondre. Je compris enfin qu’il suffisait de parler, et parlai sans fin, c’était mieux ainsi, quels reproches n’aurais-je subi au sujet de mon obscurantiste manière de vivre ?
Je circulai en trottinette électrique, la tête haute et l’air convaincu, percutai tous les murs, roulai sur les pieds des grands-mères, écrasai des enfants, c’était bon.
Je lus les Inrocks assidument. Dès lors, je pouvais parler de blockbusters, de rap et d’autofiction. Il n’était plus besoin de voir, d’écouter, de lire. Ce serait perdre du temps. Je savais.
Je multipliai les amis sur Facebook. Ils m’aimaient, je les aimais, nous partagions nos recettes Bio, nos belles idées, notre bonne humeur, c’était le paradis du temps où le lion léchait la gazelle.
Je pris d’admirables photos avec mon HY3213UB, immortalisant les vieilles fenêtres encadrées de lierre, les amas de migrants Porte de la Chapelle, mes repas de famille, les verrues de tante Félicie, mes boutons de manchette, et je m’émerveillai de la qualité de mon art. Cartier-Bresson n’avait rien à m’envier, le pauvre garçon.
Je me fournis en matériel de peinture, pinceaux, tubes et chevalet. Aucune Académie ne m’en apprendrait plus que mon sûr instinct, je me couvris de laque jusqu’aux yeux, il y eut aussitôt vernissage dans le café de mon cousin Lulu, mon oncle Théo vint, j’y gagnai beaucoup d’estime.
J’eus bientôt une guitare, y perdis mes ongles à gratter comme un fou furieux avant d’apprendre par ma nièce Loulou l’existence du médiator, ce qui améliora considérablement mon duende, d’après mes voisins.
Je voulus vouer mes dons à la littérature mais j’avais tellement tapoté ma console pour jouer à Resident Evil que ma main était inapte à l’usage d’un stylo, je dus renoncer, au grand désespoir de la poésie.
Je fis du running tous les matins, mais il m’était impossible de me haïr à ce point, je me fixai un arbre après l’autre comme ligne d’arrivée, puis ce fut un banc après l’autre, enfin je ne passai plus mes baskets tendance et restai au lit où je consultai Doctossimo tout le long de la journée, on ne saurait être brillant en tout. C’est mieux pour les autres.
Les autres, justement. J’avais atteint mon but, je n’étais plus moi-même. J’étais différent, j’étais les autres et vous n’allez jamais me croire : l’enfer c’est bien les autres.
[Auteur de l’image non identifié]
A suivre dans http://impeccablemichelcastanier.over-blog.com/