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Ne plus jamais marcher seuls (2020) Laurent Seyer

Ne plus jamais marcher seuls (2020) Laurent Seyer

Pubblicato 17 giu 2020 Aggiornato 17 giu 2020 Cultura
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Ne plus jamais marcher seuls (2020) Laurent Seyer

My cab driver is not rich

Déjà en 2018, Laurent Seyer parlait du monde du football avec son premier roman. Les poteaux étaient carrés évoquait la vie d'un adolescent passionné de ballon rond dans les années 1970. La dimension autobiographique semblait avoir un grand rôle puisque l'auteur, né dans les années 1960, ne cache pas son amour pour ce sport. C'est encore une fois dans cet univers qu'il nous embarque avec Ne plus jamais marcher seuls. Ici il n'est pas question de l'AS Saint-Étienne mais plutôt de l'équipe de Liverpool : le titre du livre fait en effet référence à l'hymne du stade, You'll Never Walk Alone. Comme il l'explique dans son roman, cette chanson écrite au sortir de la guerre pour une comédie musicale est aujourd'hui chantée dans de nombreuses enceintes footballistiques. Plaçant son récit au tout début des débats sur le Brexit, l'auteur y confronte une journaliste collet-monté et un supporteur tendance hooligan.

Nous sommes à la fin de l'année 2015 et Naomi Strauss, journaliste parisienne de 32 ans, spécialisée dans les sujets culturels, s'engage pour de nombreux combats. Elle travaille dans l’hebdomadaire de gauche La voix, et a une liaison avec Benoît, le rédacteur en chef adjoint. Lors de la conférence de rédaction, il demande qui pourrait écrire le prochain article de la rubrique Eux et nous, qui confronte des points de vue contradictoires. Le sujet est le prochain référendum anglais sur l'Europe, et l'idée étant que ce ne soit pas un journaliste du service politique qui s'y colle, Naomi tente sa chance. Ravi de pouvoir partir écrire un article à Londres, elle est refroidi en apprenant que l'entretien se fera à Liverpool, où les sondages sont plus favorables aux partisans du Brexit. Elle se dit que finalement ce n'est pas plus mal de découvrir une nouvelle ville, d'autant que c'est là où les Beatles ont commencé leur carrière.

L'humour qui se dégage de Ne plus jamais marcher seuls est très revigorant. Avec malice, Laurent Seyer fait s'entrechoquer deux mondes qui n'auraient jamais dû se rencontrer, et le résultat ne manque pas de piquant. D'un côté nous avons une jeune parisienne complètement bobo, qui fait du yoga et boit des tisanes detox, qui fréquente les pince-fesses et ne manque aucun festival d'art dramatique ou lyrique. De l'autre côté se trouve Nick, chauffeur de taxi de la banlieue de Liverpool, marié à Lisa avec qui il a eu un fils, Terry. Il a dix ans de plus qu'elle et sa vie se résume à son quotidien, rythmé par les matchs de football qu'il va voir au pub avec ses deux meilleurs amis. Inutile de dire que politiquement ou culturellement ces deux là n'ont rien en commun, mais que bien sûr les circonstances vont faire qu'ils vont petit à petit apprendre à se connaître, voire à s'apprécier.

Difficile de savoir si la caractérisation grossière des personnages de Ne plus jamais marcher seuls est volontaire, et si elle a plus une visée ironique que sincère. Car il faut bien avouer que les traits de Naomi et de Nick manquent de subtilité. On a beaucoup de mal à croire à cette jeune pimbêche superficielle et qui n'a visiblement pas grand chose dans la caboche. Par exemple, lorsqu'elle rencontre la Reine d'Angleterre, non seulement elle ne connaît pas les usages, ce que l'on peut l'en excuser, étant française, mais la seule question qu'elle trouve à lui poser est sur le Brexit. On a beau être au début des débats sur la question, elle est censée représenter un « journal français de gauche influent » et devrait être un tantinet plus au courant du fait que la Reine ne s'exprime jamais sur des sujets politiques. On sent bien que c'est l'opposition des deux personnalités qui intéresse Laurent Seyer, mais un peu plus de finesse ne serait pas du luxe.

L'accroche de Ne plus jamais marcher seul favorise en tout cas l’antagonisme de notre héroïne et de son interlocuteur. Un sujet sur le Brexit semble assez efficace comme métaphore des divisions culturelles entre les peuples, et donc entre les individus. Il faut dire que le processus de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne inspire les auteurs, qu'ils soient français comme ici ou bien britanniques comme Jonathan Coe ou bien Nick Hornby. Une autre thématique unit Laurent Seyer et ce dernier, le football.  On se souvient de Carton jaune, roman d'inspiration biographique qui évoquait un fan d'Arsenal. Ici on est vers Liverpool, et si certains passages ne sont captivants que pour des amateurs de ballon rond, l'évocation des drames du Heysel ou de Hillsborough ne manque pas d'intérêt. Et voir ça sous le regard d'un hooligan est une audace narrative qui mérite d'être notée.

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