Munkey Diaries (2018) Jane Birkin
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Munkey Diaries (2018) Jane Birkin
Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve
Dès ses 11 ans, Jane Birkin a rédigé son carnet intime, dont Munkey diaries est la quasi-intégralité, qu’elle a elle-même traduite avec l’aide de Gabrielle Crawford, une photographe devenue sa meilleure amie. Née après-guerre, Jane grandit dans une famille dont les personnalités sont déjà reconnues. Son père David avait fait partie de la réserve des volontaires de la Marine britannique malgré une santé très fragile, qu’il cachait à ses supérieurs. Durant la Seconde guerre mondiale, il avait ainsi été un relai auprès de la Résistance française, qu’il admirait. Sa mère était une actrice anglaise, Judy Campbell, elle-même issue d’une famille de comédiens. Ils ont eu deux autres enfants : Andrew, qui est devenu scénariste, et Linda, confidente de Jane depuis leur enfance. Au gré de ses études, puis de ses mariages et de la naissance de ses enfants, Jane Birkin continuera à griffonner, bon gré mal gré, les pages de son journal intime, jusqu’à la mort de sa fille Kate, en 2013.
Andrew, Jane et Linda sont envoyés dans des internats pour parfaire leur éducation. Jane est ravie d’y aller pour faire comme ses amies. Elle a 12 ans, admire sa head girl et fait tout pour ne pas la décevoir. La jeune fille ne reste pas plus de deux ou trois ans dans cet univers strict où ses bêtises passent difficilement, tout comme celles de son frère Andrew, viré de son internat pour être allé voir La fièvre dans le sang au cinéma. Durant son adolescence, Jane raconte à son journal ses peines et ses inquiétudes de ne pas être à la hauteur, ses joies parfois. Mais surtout l’ennui qui l’étreint, les doutes qui l’habitent, et ses craintes ou ses espoirs pour son avenir. Elle y consigne son crush pour cette jolie fille à qui elle voudrait ressembler, sa frustration de ne pas être aussi féminine que ses camarades, en particulier de ne pas voir ses seins pousser à la puberté, et sa tristesse de voir mourir ses grand-mères.
L’exercice que mène Jane Birkin avec Munkey diaries est à la fois périlleux et fascinant. Périlleux car l’actrice fait le choix de quasiment tout garder des notes qu’elle a prises au cours du temps. Titrés par année, les chapitres sont plus ou moins longs et incomplets, certains carnets ayant été perdus, et elle ajoute a posteriori des détails ou des commentaires qui éclairent certains passages. Ne pas trier la fait apparaître sous un jour pas forcément plaisant, le prisme de son propre estime de soi n’étant pas le plus flatteur, et nous fait découvrir des anecdotes très intimes. Cela risque de ne pas plaire à toutes et à tous, notamment à ses proches : sa fille Lou Doillon a d’ailleurs déclaré qu’elle avait refusé de relire ces notes, ne voulant pas découvrir l’ensemble des détails de la vie de sa mère. Pa contre, pour un lecteur externe c’est fascinant de rentrer dans l’intimité de cette famille, d’autant plus qu’au cours du temps, leurs fans ont pu se sentir paradoxalement proches de Serge Gainsbourg, Jane Birkin et de leurs enfants.
Car on se rend compte avec Munkey diaries du parallèle qu'entretiennent les paroles des chansons que Serge Gainsbourg a pu écrire pour lui et pour Jane Birkin avec leur vie personnelle. Ainsi lorsque sort Je t’aime… moi non plus, Jane et Serge viennent de passer leur première année de passion, et 69 Année érotique ne peut pas mieux décrire leur état. Les aventures qu’ils vivent durant les années 1970 décrivent parfaitement le bouillonnement social que vit la France, de leur escapade coquine dans un hôtel miteux de Pigalle aux soirées mémorables qu’ils passent à l’Élysée Matignon, boîte de nuit à la mode où ils retrouvent toute la jet set de l'époque. Jane Birkin raconte d’ailleurs plus les moments personnels qu’ils vivent alors, de leurs nuits de débauche à leurs vacances plus tranquilles, que leur vie professionnelle, pourtant riche et célébrée. On se rend compte combien ce qui compte avant tout pour l’actrice, c’est sa famille et ses proches.
Se dresse alors dans Munkey diaries le portrait d’un être fragile, en proie aux doutes et à l’angoisse. Jane Birkin a une sensibilité à fleur de peau et un besoin d’être aimée insatiable. Elle s’interroge sans arrêt sur sa capacité au bonheur, et questionne ses choix, qu’elle fait souvent de façon impulsive. On se rend compte aussi combien la vie quotidienne auprès d’un génie comme Serge Gainsbourg pouvait être insupportable, et à quel point sa dépendance à l’alcool pouvait le conduire à une violence verbale et physique qu’il regrettait aussitôt. C’est parce qu’elle ne trouve pas sa place dans cet appartement de la Rue de Verneuil, et parce qu’elle craint pour ses filles, qu’elle aime d’un amour inconditionnel, qu’elle choisit de quitter l’amour de sa vie pour Jacques Doillon. On retrouve ici le portrait d’une femme libre, qui cherche à être heureuse et qui n’est pas tendre avec elle-même, à l’image de cette star malgré elle, qu’on a pu apprécier au fil du temps.