LA SIESTE DU COLIBRI !
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LA SIESTE DU COLIBRI !
Ma fille est pour moi la source essentielle de mon pouvoir d'admiration. Nous évoluons toutes les deux en tourbillons ascendants d'amour. Notre amour est en perpétuelle évolution, chaque jour est pour nous une découverte vivante du fil de soie presque translucide qui nous relie. Nous sommes ainsi les seules à en distinguer la force !
Laura a grandi d'un an déjà. Elle se rapproche de son état de jeune fille, ses formes prennent forme. Son allure de danseuse fait des émules, lorsqu'elle tangue au rythme des chansons de concert de Ricardo, avec son "amie adulte" Marie, elle reçoit avec une large joie les compliments des autres danseurs et danseuses qui l'entourent. Elle fait le show !
Elle existe par elle-même, je suis fière de cela. Par exemple parfois, dans une discussion entre elle et Ricardo, au travers d'une relation de "belle-filiation", je me permets de m'effacer pour mieux goûter mon plaisir d'espoir : que cela dure et dure encore... Laura exprime souvent cet espoir, que Ricardo reste dans notre vie jusqu'à notre mort ! Ce qu'il confirme à chaque fois avec conviction.
La conviction d'être au bon endroit au bon moment, avec les belles personnes, voilà ce qui nous arrive. La balance du bonheur est équilibrée. Elle nous porte, comme une pirogue à balancier justement, à travers la jungle, les dangers restent sur le rivage. Notre présent est sans conteste apaisé et épuré, presque aussi simple que lorsque nous avions l'âge de Laura.
Il est pour moi important de "fixer" comme dans une peinture ce présent multicolore, de style naïf qui est une nouvelle naissance. Le passé n'est pas oublié, il me permet de nouveau, comme dans mon enfance heureuse, de poser un regard enchanté sur les êtres que j'aime, sur les situations que je vis, sur les personnes que j'aide en informatique.
Un an de sieste, avant de reprendre ma plume d'oiseau chérie ! J'ai bien pris le temps d'observer notre bonheur à trois.
Aujourd'hui le réveil vient de se bouger les aiguilles ! A la suite d'une discussion avec un ami, j'ai acquis la conviction que transmettre des connaissances en informatique me manquait. Une inscription à une commission bénévole de ma résidence plus tard, me voici de nouveau le cerveau pétillant d'inventivité pour coudre sur mesure la réponse la plus accessible à chaque sollicitude. Le remerciement attentionné que je reçois en retour m'apparaît sous forme de miel d'or. Parfaitement inutile mais tellement bon !
Je prends mon rôle au sérieux, je ne sais pas faire autrement. C'est sérieux et léger : pas de contrainte majeure, pas de notion de compétitivité, pas d'urgence. Au service de ces novices de l'informatique, je "dé-couvre" des expériences de vie foisonnante, comme des photos que l'on ne sait pas envoyer par mail à ses petits-enfants. L'échange est richissime. La multitude des idées de mises en pratique en est le reflet. Sur la toile du net il existe leur pendant : celui du réseau des synapses de leur intelligence truffée de bon sens.
Il est bientôt l'heure de se lever, l'horloge s'étire durant les quelques minutes qu'il reste. La journée s'annonce créative, j'ai besoin d'écrire encore aujourd'hui. Les mots, en guise d'alliés, vont mener leur vie de papillons aux couleurs éclatantes. Les uns tout proches des autres apporteront une métamorphose de mon âme devenue plus légère qu'hier.
En effet, juste sur les côtes de mon balcon le vent et la pluie ondulent les branches du prunier de mon horizon rouge et vert. Une nuée de rouge gorges vient soudain s'abreuver aux gouttes suspendues après les feuilles penchées de mon arbre fidèle. La nature brillante donne alors tout son spectacle de l'automne.
Quel "plaisir des yeux" comme disent les artisans des souks du Maroc... ! Evidemment que je retrouve dans ce paysage les motifs de leur poterie. Les palmiers ou les feuilles au bleuté sombre d’un olivier rappellent la vision de leur désert berbère parcouru par des caravaniers drapés de fierté ! Je voyage vers des contrées chaudes, mon salon a changé paradoxalement de saison.
Eté dedans, bientôt l'hiver dehors. Mon cœur est gonflé de pépites si petites et si solides à la fois, des détails de bonheur. Les fleurs de mon humeur forment un bouquet de pensées positives. Je poursuis cette journée sous les auspices de l'enthousiasme.
Le jour avance et pour le déjeuner nous mangeons, avec Ricardo, un plat épicé préparé par lui. Le curry ocre acheté chez les indiens et l'odeur du riz blanc m'ont tirée de mon repos de fin de matinée. Cet homme est un cadeau : il concocte très souvent des plaisirs délicieux. Laura adore ce qu'elle a baptisé "les pâtes surprises". Elles sont en forme de coquillages dans lesquels se logent de minuscules bouts de viande marinée.
Ce soir, c'est bientôt l'heure de rêver. Rêver que demain sera aussi une journée généreuse et maternelle. Néanmoins tout de suite le temps de l'accalmie prend place dans nos sens. Un à un ils s'ensablent dans un sommeil aux couleurs de nos imaginations.
Dans la nuit, la neige, invitée par une proche pleine lune jaune, a habillé de son manteau blanc la campagne de mes grands-parents, vers Lyon. Les voilà pelotonnés dans les bras de leur grande maison si accueillante. Un coup de fil tout à l'heure sera ponctué de rires immuables avec ma grand-mère, un peu de chaleur entrera dans la demeure de notre irremplaçable connivence.
Avec ma grand-mère, nous n'avons jamais fini de partager un regard espiègle sur nos vies respectives. Le long échange en est presque extravagant : par exemple nous pouvons parler de sa mort sans tabou. La séduction dans le couple est aussi sujet à plaisanter. Elle dit souvent de ne pas trop se "bisouiller" sinon il n'en restera plus pour elle ! Ou alors, selon elle, la sagesse en amour n'a aucune justification. Elle nous demande de bien en profiter car elle, elle a été heureuse et maintenant c'est notre tour.
Ainsi c'est ce que nous tricotons intentionnellement ; maille après passionnante maille le pull grenat de notre quotidien construit sa force. Nous sommes soudés dans cette famille, même si c'est à notre manière. La parole épanchée est vraiment une magicienne. Hop, un pas en arrière, deux pas en avant ! Une danse s'engage, finalement nous sommes éloignées mais pas tant que cela.
"Voici le soleil, voici le soleil, et je dis que tout va bien" chantent les Beatles après un click annonciateur, c'est super conforme à notre temps de ce matin. Les couleurs de mon balcon sortent avec douceur de leur ombre. Plus loin, les écureuils qui se camouflent dans la cime des arbres géants semblent animer leur fourrure, des taches brunes sautent à tire-d'aile dans les branches.
C'est dimanche, l'aura blanche de ma fille dort encore. Le réveil s'est mieux tu pour la maintenir au chaud de ses plumes de sommeil. Tout à l'heure nous pourrons encadrer le dessin au fusain qu'elle a réalisé hier. Un tigre noir et blanc l'attend impatiemment, comme moi !
Somnolente Laura se lève enfin, elle fait semblant de foncer dans les murs les yeux fermés. La coquine comédie commence ! Je joue la maman affolée qui la retient par les épaules juste avant l'accident. Petit chat, elle consent ensuite à s'asseoir devant son premier repas, celui qui va raviver ses papilles, les faire pétiller sous la saveur du cacao.
Trois jours ont passé j'écoute en cadence "Is this Love" de Bob Marley. Le temps d'une chanson me ramène deux ans en arrière, c'est l'anniversaire de notre rencontre avec Ricardo. Toute une mutation intérieure j'ai vécu depuis. Dire qu'il y a trois années, j'ai déclaré avec force que je renonçais à former un couple avec quiconque ! Expression d'un deuil douloureux peut-être nécessaire pour traverser de nouveaux horizons... Notre horizon aujourd'hui c'est une histoire magique que nous goûtons comme une grappe de raisin rouge, l'admiration sans faille et la confiance apaisée sont les douces inclinations de mes sentiments pour lui. Je pourrais aussi toucher son respect pour moi tellement il est palpable, je n'en crois pas mes sens ! Le sort de ma solitude est conjuré. Qu'il soit dans la pièce ou par monts et par vaux, sa compagnie m'habite.
A l'aune d'une de ses absences, je visionne une conférence intitulée "L'optimisme est une discipline". Ah bon ? Une discipline ? Mais oui ! Je commence à approuver : l’optimisme je le travaille chaque jour dans mon récit, chaque mot n'a de valeur que par son poids de positivité. La pleine conscience enlace et choie les petites gerbes de secondes après les petites gerbes de secondes qui font des petites minutes, des petites heures et des grandes vies. D'autre part ce temps est mis à profit, les briques argileuses de mon corps se rapprochent pour former les murs d'une maison appelée Ma personnalité. Celle-ci se nourrit de beaucoup de soleil, de beaucoup de couleurs, et de beaucoup d'émotions. Communiquer avec d'autres "maisons" est la fondation de l'enrichissement.
Dans l'aube pas encore éclairée, alors que toute la maisonnée est bien endormie, les minutes sont plus lentes. Le temps que le jour ne se lève elles donnent l'opportunité d'étendre comme des élastiques nos vies. La valeur de nos instants personnels et intimes est sublime ! Ils nous sautent au cou pour nous câliner tendrement ; sur nos joues ils laissent les traces de souvenirs que jamais personne ne pourra nous dérober, même au pire d'une tristesse. Sans prévenir, la liberté et les forces nous sont attribuées par un coup de baguette magique ! Mon stylo en est le conteur émerveillé.
Cela fait l'effet du sourire reçu d'une personne inconnue. Vous voyez ? Je ne sais pourquoi je le reçois ce sourire gratuit mais je l'accueille avec une franche gaieté, presque de la gêne tellement c'est inattendu. Cet échange nous fait toucher des lèvres le meilleur de notre humanité puisque nous ne sommes pas en face de machines métalliques.
Un jour de fête, une voisine de table, déjà grand-mère, me dit : "Votre fille a un gros problème, elle dessine des formes colorées et n'utilise pas de tablette !", l'ironie de son regard bleu translucide en disait long sur son admiration ; "cela existe encore !". Voilà de quoi sentir d'un coup, autour du cou, le poids d'une belle médaille d'or qui couronne ce quotidien de moments passés entre personnes aimées.
Tout est bon pour être encore en décalage sur l'air de la liberté. Par exemple, ce soir c'est Laura qui prépare le repas : au menu sandwichs 3 couches de pain de mie agrémentées de salami. De la cuisine de pique-nique sous la lune d'un dernier croissant de petit déjeuner.
Freedom de George Michael scande alors le rythme de nos petites bouchées blanches et roses. Une fois le repas avalé, ce sont nos mains qui marquent la cadence, le sourire des mannequins du clip donne la pêche ! Mais pas seulement ! Ce passage : "Maintenant je vais me rendre heureux" n'est certainement pas dû au hasard même si je prends fortuitement connaissance de la traduction qu'après avoir lancé sa lecture !
"Ne laisse pas le soleil s'effondrer sur moi", "Pluie violette" s'ensuivent... mais si, vous connaissez ces airs mythiques en anglais !
C'est déjà le printemps en février dans le sud de la France cette année. Les tapis de violettes justement embaument le pied d'un saule pleureur sur notre trajet entre l'école et le goûter chez les grands-parents de Laura. Avec la commission espaces verts de notre résidence nous avons le projet de planter des oliviers pour rajouter une variété à l'extrême variété végétale déjà présente. Cela me rappelle une randonnée dans l'Hérault, un acolyte m'avait encouragée à croquer dans une olive noire fraîchement cueillie de la branche qui me la tendait généreusement... Son goût brutalement amer fut un vrai étonnement, et mon incrédulité déclencha une salve de rires dans la troupe des joyeux drilles !
Evidemment Happy s'étonne d’arriver à brûle-pourpoint sur la playlist de mon ordinateur, pourquoi autant de synchronicité se dit-elle.
Un nouveau jour se lève, grâce à la perspective d’un passage chez Eliette, le café chaudement noir qui m’attendra me donne l’envie chatouillante de sortir du douillet de mon lit et de celui des bras de mon chéri.
Je découvre alors un temps gris qui génère une pluie fine et révèle ainsi consciencieusement les couleurs brillantes de notre dame nature. Par la baie vitrée, les verts, débarrassés d’une fine poudre de sable blond, sont plus vifs. Les jaunes mouillés des mimosas rendent tout leur éclat tandis que le rose prunier fonce de ses minuscules feuilles bordeaux.
Avec Eliette, nous nous retrouvons de bon matin chez elle avec un plaisir frais. Et c’est très vite que, sur le toit de son immeuble, le soleil pointe le bout de son nez rond pour réchauffer encore davantage nos retrouvailles ! Nous prenons soin de ce moment, chaque détail compte, chaque attention de l’une est accueillie par l’autre avec un sourire malicieux. Mais le plus étincelant dans nos yeux, c’est notre capacité à nous comprendre. Nous n’avons ni le même âge, ni le même parcours de vie, nos situations respectives ne sont pas comparables et pourtant ! Pourtant le précieux fil d’or nous lie, celui qui brille par son intelligence. A ces moments-là, je ressens intensément que la complicité est une des intelligences que je préfère : celle du cœur. Comprendre nos idées et partager nos sentiments, c’est l’essence de notre empathie loyale ! Elle ne piétine ni l’une ni l’autre, nous sommes en somme trois ce matin dans son salon : chacune de nous, et notre relation : la fameuse troisième ! Que serions-nous sans elle ?
De retour à la maison, je suis accueillie par les effluves d’un linge fraîchement essoré par la machine, personne en vue mais, avant de partir en ville, je reçois 5 sur 5 que Ricardo a veillé à laisser un “je prends soin de nous” de plus. Comment vous dire que pour moi le bonheur c’est de disposer ce linge propre sur les barres bleues cyan de mon étendage ? Je choisis l’emplacement des habits multicolores en fonction de leur destination, les chaussettes d’untel dans tel placard, toutes ensemble, les pulls de Laura, réunis ailleurs, etc... Parce que moi aussi je pense à nous. En effet, si plus tard ce n’est pas moi qui range le linge sec, j’imagine comment faciliter la vie de Ricardo ou Laura qui s’en chargerait par surprise. Je tente le destin de l’amour à mon tour.
Un jour de plus où il nous est donné la possibilité de veiller sur la magie de nos existences. D’ailleurs, dans une gracieuse approbation, dehors les rayons du soleil se faufilent entre les branches de cyprès jusqu'à atteindre mon clavier. Ils caressent les petites lettres carrées de mon bonheur.
Bientôt ces lettres feront silence et c’est le rythme des premiers pas de danse du week-end de Laura qui prendront le relai. Une haie de rayons obliques de fin de journée l’accompagnera vers le tendre rituel du goûter chez ses grands-parents. En chemin, la couleur verte de nos confidences est équilibrée. Nous avons toutes les deux des choses à nous raconter.