Jeune Trio
Sur Panodyssey, tu peux lire 30 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 29 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
Jeune Trio
Le plus beau aussi c'est de sortir, un soir, entre amis, dans un bar pour écouter de la musique en live. Au détour de cette soirée, le chanteur, Ricardo, me tend la main, une perche dansante vers le début d'une histoire délicieusement intime.
Son sourire enchanteur est le reflet du mien, le premier rendez-vous dans l'alcôve d'un canapé en tissu grenat, au dossier haut, protègera du regard des autres notre jeu de séduction... La proximité de nos genoux et nos mains est instantanée, nos regards sont d'une complicité évidente, mon cœur fond dans un hors du temps magiquement rare. Nous avons appris, lors de notre retour à la conscience d'être au milieu des autres, qu'un orage avait éclaté, au même moment que nos sentiments, sans que nous n'en n'ayons perçu ne serait-ce que les gouttes de pluie à travers la vitre de notre café !
Ce soir, c'est avec Laura que Ricardo improvise un karaoké sur le thème des dessins animés : ils commencent par la chanson de Belle et Sébastien, chantée par Zaz. Sous mon regard tendre et amusé, un foyer chaud prend place dans mon salon tamisé. Les mots enchantés sont en suspension comme des notes de musique accrochées aux branches de notre sapin de Noël.
Sous ce fameux sapin de Noël, un piano attendait le sourire de Laura. Heureux clin d'œil en ces temps de mélodies multicolores. C'est une nouvelle vie à trois qui s'annonce dans la douceur cotonneuse d'une harmonie joyeuse.
L'hiver a pris des couleurs blanches. Un matin nous avons fait découvrir à Laura, pour sa première fois, les joies de la confection d'un bonhomme de neige. La carotte-nez était un peu de travers mais les photos de nos bananes familiales en guise de sourires furent réussies !
A sauts de puce, le temps a passé dans le lit d'un cours paisible, il fait souvent escale sur les côtes du bonheur à trois ; l'hiver aussi, c'est maintenant l'éclat du printemps qui a pris le relai. Le rose du prunier sur tons de verts aux panels clairs prend naissance dans le champ de vision de notre balcon. Parmi les fleurs, celles un mimosa salue avec élégance notre soleil du sud de la France.
Nous en avons profité pour astiquer la maison, les moindres recoins ont été visités par nos chiffons bleutés-attrapes-poussière ! En ce moment de renaissance de la nature, quoi de plus tentant que de faire voyager les meubles du salon d'un mur à l'autre comme des papillons ? C'est chose faite, et quelques plantes s'invitent même au joyeux remue-ménage de notre espace transformé ! Quelle fraîcheur dans le regard et dans nos têtes ! Evidemment le vent est au rendez-vous, un grand courant d'air nous a offert, on ne sait comment ni d'où, l'odeur sucrée d'un jasmin étoilé mystérieusement cachottier.
Après toute cette effervescence, la fin de soirée s'attarde sur une partie d'échecs. Le feu de cheminée est presque dans nos esprits, il fait bon sous ce parasol chauffé au gaz ! Un vin chaud dans la main gauche, de l'autre j'avance prudemment mes pions, sans catastrophe pour le moment. Pour le moment ! La catastrophe va venir de mon cher adversaire Ricardo qui va, au moment de déplacer son fou, renverser sa bière sur le jeu en bois prêté par le bar où nous avons atterri. Aucune chance de distraction qui vaille pour lui, je vais perdre la partie certes, mais avec une malicieuse pointe d'admiration dans les yeux que je pose sur la partie perceptible de son intelligence...
Le lendemain Ricardo nous laisse entre filles, c'est une soirée Aretha Franklin qui endiable nos cœurs et nos pieds, les chaussons sont de rigueurs, sinon c'est le voisin ronchon du dessous qui montera activer la sonnette et suspendra le rythme de notre danse, un vrai goujat anti-partage !
Pendant ""ce-temps-dans", comme dirait Laura qui aime les jeux de sons, le vent du nord souffle dans les arbres au-delà de nos fenêtres alors que nous, nous avons chaud dans le pull d'une voix ronde, qui chatouille nos oreilles de ses mailles de laine brune.
Un week-end de Pâques orienté en grande partie vers l'optique de la fête d'anniversaire de Laura s'en est suivi : préparation d'un concours de piano couronné par des diplômes faits maison ; confection, pour essai, d'un gâteau au chocolat trop fondant pour être partagé entre des mains passe-partout ; entrainement au jeu de croquet afin d'asseoir ses chances de gagner secrètement l'admiration de ses camarades... Un effet rigolades à venir assuré !
Fort heureusement son ami Timéo est venu lui donner un sérieux coup de main, peut-être qu'il brigue amoureusement la place de Roi de la fête de Laura, qui sait ? Ils ont aussi lancé une grande chasse après des œufs aux couleurs de vaches dissimulés dans des cachettes improbables, trop petites pour elles en théorie ! Mais le couronnement du week-end s’est révélé dans un énorme œuf en chocolat personnalisé du prénom de l'héroïne de la famille ! De quoi provoquer de notre part un enthousiasme enfantin autour de Laura et sautiller sur le déclencheur de nos appareils photos... De vrais gamins !
C'est maintenant l'heure du sommeil pour Laura. Le registre de musique a changé, je me retrouve en compagnie d'un live, waouh ! Mes mains dandinent au-dessus du clavier qui écrit ces mots, les cœurs sont aussi bons à écouter que Alicia Keys elle-même. C'est la magie d'une complicité aboutie qui force les portes de presque tous nos sens à la fois. Avec une rare intensité je savoure ma solitude. Aucune interférence autour de moi, mon âme rentre dans le jeu de cette mélodie des instruments et des voix.
Je voyage aussi dans le temps et l'espace. Je ne sais comment, mais je me souviens la plupart du temps de la première fois où j'ai entendu chaque chanson : le pays, la pièce, la lumière de la journée ou de la nuit, les personnes présentes. Celle-ci m'emmène à Paris, dans mon salon, un soir musical entre amis où je découvre en même temps le clip. Pour mon plus grand bonheur, le piano y joue un rôle central.
Pour moi il s'agit d'une histoire de transmission familiale, ma grand-mère paternelle y jouait, elle l'avait eu en héritage du père qu'elle n'avait jamais connu, et en avait transmis le goût à son fils aîné, mon père. Adolescente je collais mon dos à la tranche du piano quand mon père jouait La lettre à Elise par exemple. Laura reprend le flambeau de la danse des mains sur les touches noires et blanches. Et cela me ravit.
Tiens ! C'est avec une telle sollicitation auditive que je me retrouve au volant d'une voiture, en route vers la mer, ma radio, elle, est en route vers New-York, New-York... Comment transcrire l'air de cette chanson sur ce papier blanc ? Ce qu'il y a de sûr c'est qu'il est salé, il vient de loin et de nombreuses gouttes de pluies mettent en mouvement les notes noires et blanches, encore et toujours elles !
Je suis à même de profiter de ce moment délicieux parce que je sais que tout à l'heure, un peu plus tard dans la nuit, quand rentrera mon homme, je pourrai me lover peau contre peau, en route pour un sommeil affectueux. Bien-sûr bien avant il m'aura raconté sa soirée, les relations entre des personnes que je ne connais pas mais le sujet deviendra passionnant lorsqu'il me délivrera son analyse effilée des situations qu'il a rencontrées. La soirée des délices n'a pas encore atteint sa fin, les rêves turquoise de l'apaisement prendront la bonne suite. La journée de demain pourra exploser de nouvelles bulles aux reflets orange de vitalité.
Le temps est maussade ce matin mais le sourire du réveil de Laura dans son odeur de paille éclaire l'horizon de cette nouvelle aube. Mon petit chat jaune s'étire en longues-longues minutes à travers les dunes bleues de ses draps, ses pieds sont "chauds comme des petits pains au chocolat qui sortent du four de la boulangerie"... Ces mots reviennent souvent entre nous : dès que Laura a chaud comme à la sortie d'un bain blanc de vapeur. Après un petit déjeuner en chanson, c'est au moment de s'habiller que l'on en profite pour se faire de gros câlins. Entre deux bises, Laura me déclare : "tu es une trop maman gentille !". Voilà, la journée débute avec son chapelet de bulles de vitalité, c'est confirmé ! Elle a ce don d'égayer son entourage. En effet, Laura verse son aura multicolore sur "ses" autres.
Ma petite Laura inonde ma vie de plumes blanches d'un amour chatouilleux. Il y a quelques jours, à la sortie de la salle de bain, elle m'affirme que si je ne mets pas de culotte la nuit je vais avoir un bébé parce que mon amoureux pourra mettre sa petite graine dans ma marguerite ! Véridique ! Je suis prise alors d'un rire absolument physique qui, in petto, éclate en joie irrépressible. J'aime le champagne de la Vie qu'elle m'offre ! Le bonheur s'acharne à accompagner et à encourager notre complicité.
Aujourd'hui après aujourd'hui les nuages-passants de la vie ne sont pas là. Un vent de sa fraîche jeunesse anime mon souffle. C'est un soleil puissant qui émane de nos âmes et "C'est pas-pas bon..." !
Le temps lui aussi est au beau fixe, je suis à la terrasse d'un café devant un jus vitaminé. La vie fourmille autour de ma feuille blanche, les bruits sont familiers et enveloppants, comme la lumière. Un léger coup d'air vient rabattre une mèche de mes cheveux rebelles sur mes lunettes de soleil. Tout une somme de sensations qui me ramènent vers un passé marocain. La nature en pleine ville y apprécie ce doux printemps. Nous n'avons pas le choix : nous aussi !
Après le déjeuner, l'invitation à la sieste, entre les gazouillis des oiseaux et les bourdonnements des insectes butinant, est insistante. Très dur de résister ! Un livre sur l'enfant Roi s'invite dans le balancier d'une lente chaleur.
La fin de la journée se clôture par une partie d'échecs sur le balcon près d'une bougie jaune au parfum de citronnelle, celle de l'enfance. Laura s'est vue héritière du gène de la mémoire olfactive familiale, son enthousiasme est immédiat et l'évocation de Madagascar naturelle.
La nuit tombe petit à petit, un écureuil cherche le sommeil dans un arbre, tout là-haut. Il déconcentre Laura ; la partie s'éternise, le bonheur de la jouer aussi...
Dire que la vie c'est pour l'instant çà : des détails logés dans notre quotidien qui ont leur part de magie et d'exception.
L'été est passé et l'école a repris son rite d'apprentissage. Laura adore et c'est plaisant de respectueusement l'observer dans cet état d'esprit.