Chapitre 15 - Bienvenue en enfer
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Chapitre 15 - Bienvenue en enfer
Entre buffet à volonté et torture, mes journées étaient toutes similaires et passaient très vite. Je dois dire que j’appréciais le principe de la torture. Même si quelques fois, c’était vraiment affreux, cela ressemblait quand même pas mal à de l’art. Un art macabre certes, mais un art. Quelque chose où l’on peut développer sa créativité. Je prenais plaisir à observer Lucifer pendant ces moments.
Puis un jour, il décida de me laisser faire sur une âme bien particulière, un humain qui m’avait harcelé sur Terre quand j’étais gosse. Je souriais de toutes mes dents en le voyant. Lucifer me raconta qu’après quelques braquages à mains armées, tous ratés, il sombra dans l’alcool et mourut d’une overdose.
L’idée de la torture me vint presque aussitôt. Puisqu’il était mort à cause de l’alcool, autant que ça continue. Je passai la porte déterminée et le vis, terré dans un coin, le regard apeuré. Lorsqu’il me vit, il se détendit et rigola, comme s’il était rassuré que ce soit moi. Il commença donc à prendre ses aises, se fichant royalement de ma présence. Cet endroit sous mes yeux devait sûrement être une copie de son appartement car il trouvait rapidement ce dont il avait besoin.
— Joseph, qu’est-ce que tu fais en enfer ?
— Je…
— Laisse-moi deviner, toi aussi tu as fait des trucs pas jolis, jolis. Ça m’étonne, toi, le petit génie à lunette.
— Je viens pour te torturer Georges.
— Toi ? Laisse-moi rire… T’es aussi pathétique qu’à l’époque.
— N’en sois pas si sûr…
Je dépliai mes ailes d’archange, ce qui illumina la pièce, qui depuis tout à l’heure était plongé dans la pénombre, d’une couleur rouge vif. Il tomba en arrière de sa chaise.
— Alors tu es un…
— Archange ! Et maintenant tu vas payer pour toutes tes immondices.
J’attrapai une bouteille de bourbon sur le comptoir et le plaquai contre le mur. Il avait enfin le regard que je voulais. Il me craignait et ça me faisait d’autant plus plaisir. Je le fis boire jusqu’à l’étouffement. Il mourut et ressuscita aussitôt. Je continuai donc pendant un long moment, reproduisant les mêmes gestes.
Plus je le faisais et plus je me sentais libérer de son emprise qui m’avait tant fait souffrir. La roue tourne finalement. Au bout d’un certain temps — pour tout vous dire je ne sais pas vraiment combien d’heures j’ai passées avec lui — je le laissai par terre, posa une bouteille à côté de lui et sortis de cette pièce.
Pour la première fois depuis le début de mon existence, je me sentais épanoui. Comme si j’avais lavé tous mes maux, ou presque. Lucifer m’accueillit les bras ouverts.
— Alors JoJo, comment c’est passé ta première torture ?
— Parfaite ! Il me tarde de recommencer.
— Ah ! Ça, c’est la réponse que j’attendais.
Nous partîmes en rigolant et je lui racontai mon idée de torture. Il fut satisfait de mon idée, ce qui me fit rougir. J’en profitai donc pour le remercier de sa confiance.
Les mois qui suivirent furent remplis de tout un tas de torture, et c’était que des personnes que j’avais croisées dans ma vie. J’avais déjà eu le sentiment qu’une deuxième vie s’offrait à moi lorsque j’eus mes ailes, mais là, ce sentiment était amplifié. C’est comme si je l’avais ma vie, comme si je remettais les compteurs à zéro.
Je n’avais pas un seul instant connu l’ennui. Même l’éther ne s’ennuyait pas. De temps en temps, je lui laissais le contrôle pour certaines tortures et je dois dire qu’il était inventif. La dernière fois, il a fait faire le supplice de la planche à un marin. La seule différence était qu’il n’y avait pas d’eau. À la place, un portail était sur le sol. Un autre, au plafond, faisait office de point de passage. L’éther debout sur la planche attendait patiemment. Et chaque fois que l’âme torturée passait à son niveau, l’éther balançait un couteau, essayant de viser des membres de la personne.
J’entends encore ses cris la nuit quand je dors. Petite correction, j’entends les cris de toutes les âmes torturées lorsque je dors. Je crois que c’est la seule partie embêtante dans les enfers. Dormir est très compliqué. Et même les boules quies ne peuvent rien à ce calvaire. Et maintenant que je le pense, j’ai l’impression que c’était un peu bête d’utiliser des boules quies. Ce n’était en aucun cas un bruit extérieur.
Du coup la plupart du temps, je faisais un poker avec Lucifer et quelques âmes damnées. Et si ces âmes gagnent, elles ont droit à une journée de répit. Bien ficelé comme principe, vous ne trouvez pas ?
Un an après mon arrivée, je reçus une grande fête. Tous les démons étaient présents. Lucifer avait fait cesser les tortures pour ce jour spécial. Il m’avait même construit un trône à côté du sien et avait imposé aux cuisiniers de faire le plus gros gâteau qui pouvait exister. Eh oui, même en enfer, il y a des cuisiniers. J’étais ravi, je mangeai à m’en détruire l’estomac. Le diable fit même un discours en mon honneur.
— Ça fait maintenant un an que tu es ici. Et je dois dire que c’est la première fois que je ne m’ennuie pas. Tu illumines nos journées. Et je dois dire que tu es très doué pour les tortures. C’est pourquoi j’ai fait construire une statue en ton honneur.
Des démons s’empressèrent de retirer un drap et une statue de trois mètres de haut éblouissait mes yeux. J’étais représenté, les ailes dépliées, en train de faire boire du bourbon à Georges. C’était magnifique. J’eus les larmes aux yeux.
— Mais ce n’est pas tout, reprit-il. Je fais aussi de toi mon bras droit. Désormais, toutes les décisions prises par les démons devront passer par toi. Tu seras le gérant officiel des enfers.
J’entendis quelques démons, dont notamment les princes des enfers, râlaient. Mais je m’en moquais. J’avais la confiance du chef de ce lieu, c’était tout ce qui comptait.
— C’est un honneur Lucifer, dis-je en m’inclinant. Je m’en montrerai digne.
— Je n’en doute pas.
Après cette fête, nous nous retrouvâmes sur le trône, contemplant l’enfer.
— Alors, content de ta fête ?
— Très, c’était fantastique !
— Je confirme ! Mais ça manque un peu de destruction à mon goût, renchérit l’éther.
— Je suis content. Maintenant, nous allons pouvoir présider à deux.
— Tout à fait.
Et c’est à ce moment qu’ils apparurent dans le ciel. Azrael, Gabriel et Mickael arrivèrent à notre rencontre. Ils ne m’avaient peut-être pas oublié finalement. Mais quoi qu'il en soit, cela ne changeait rien. Notre place, à l’éther et moi, était en enfer et rien ne pourrait changer ça. Ce qui est sûr cependant, c’est que la tension devenait électrique. L’échange promettait de mal tourner.