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5ème (et dernière) cérémonie

5ème (et dernière) cérémonie

Publié le 3 avr. 2023 Mis à jour le 3 avr. 2023 Voyage
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5ème (et dernière) cérémonie

Bon, j'espère que je ne vous effraie pas trop avec ces narrations de cérémonies ! Mais au delà d'un certain caractère repoussant de prime abord, j'essaie de vous faire percevoir aussi tout le travail sous jacent qui se joue et qui fait la valeur de l'expérience...

 

Nous nous retrouvons donc une nouvelle fois dans la Maloca, pour le dernier soir, avec José et Claudio. Cette fois ci, pas de tabac liquide à inhaler, pas de preparation autre qu'un produit que José m'a versé dans les yeux pour mieux percevoir les visions. José prend le temps comme chaque soir de me narrer et de m'expliquer un certain nombre de choses que je ne comprends pas toujours, mais dont j'essaie de saisir l'essence, sur son travail, sur ce qu'il a perçu de moi et me donne ses dernières recommandations. Puis nous réalisons le rituel habituel, je bois la coupe qu'il me tend, croque un grain de raisin tellement bienvenu pour en effacer l'amertume, prend position assise en tailleur et attend la montée de l'effet de la potion. Le temps est assez long jusqu'à ce que je perçoive à nouveau l'énergie monter, la chaleur me gagner, la vibration gronder et s'intensifier, au milieu du bruit de fond de la forêt, rythmé par les milliers d'insectes et d'oiseaux.

J'essaie de me concentrer sur ma respiration et sur un état de calme et de détente, en ignorant ce qui vient tout autour progressivement le perturber. Je franchis des étapes, les unes après les autres, poursuivant vaillamment mon chemin, en centrant mon attention là où je me sens bien, sans me laisser disperser. Puis, quand l'appel se montre déterminé, je n'essaie pas de résister, et je m'exécute. Mais finalement, au delà de fortes éructations et de grands bâillements, plus rien de concret n'a besoin de s'extérioriser. La fatigue me gagnant, je m'allonge, même si je sais que l'effort sera plus pénible quand il faudra me relever.

Je monte. Je redescends. Je me tends. Je me détends. Le malaise se fait plus insistant, puis il se dissipe. J'y réponds quand je sens que c'est le moment. Les redescentes se font désormais de plus en plus fréquentes. Je ne fuis pas le travail, je m'exécute quand l'appel, que je perçois toujours extérieur à moi, me dit « Allez, c'est le moment ». Je ne réagis pas, je ne porte pas de jugement négatif sur ce que j'éprouve. Au contraire : J'ai conscience et me raccroche à l'idée que cette perturbation de mon bien-être que je ressens cycliquement, même si elle est désagréable à traverser, est in fine salutaire et purificatrice pour moi. Elle participe d'un effort de tout mon organisme pour s'assainir, se rééquilibrer, se débarrasser de tout ce qui lui pèse et qui est trop lourd à porter.

 

Je comprends peu à peu que c'est parce que je la crains et que je lui attribue une connotation négative que je me la représente sous des formes maléfiques. C'est mon imaginaire qui la représente, de manière imagée et symbolique, sous des apparences sombres et inquiétantes, tiraillantes et nauséabondes, conséquence de la valeur que je lui attribue. Mais ces visions ne sont que des illusions ! Si j'apprends à porter un autre regard sur ces sensations, à leur reconnaître leur valeur purificatrice et guérisseuse, alors elles peuvent prendre une tout autre forme.

Tel un blessé qui redoute les piqures et les soins de son infirmière et l'accuse de sa douleur, comme un enfant qui crie contre ses parents qui sont méchants de lui refuser ce qu'il veut, tel un élève qui dénigre la sévérité de son professeur qui lui pointe ses erreurs pour l'aider à progresser, tel un ami ou un conjoint qui met en exergue nos failles et nos insuffisances pour nous en faire prendre conscience et nous aider à les dépasser... Voir le mal à l'extérieur, c'est refuser de voir ce qui nous appartient, et projeter en dehors, sur autrui, la responsabilité de notre souffrance, alors qu'au contraire il est là pour la soulager et l'évincer.

Il importe de ne pas confondre ce qui peut nous soigner, aussi inconfortable cela soit-il, et le mal effectif à guérir. Au contraire, il importe de savoir regarder et accepter la réalité de nos zones d'ombre, de nos souffrances, de nos imperfections et de notre impuissance, avec le plus de bienveillance, le plus de compassion, le plus d'amour possible. Comme on le ferait pour un enfant ! Seulement l'enfant en question ici c'est nous-mêmes, notre propre enfant intérieur, plein de réticences et de craintes. C'est savoir le rassurer, lui faire comprendre que ces soins ne sont pas une mauvaise chose, au contraire, c'est un mal pour un bien, un mauvais moment à passer pour un mieux être après. C'est regarder nos zones d'ombre en face, les remplir de lumière pour pouvoir mieux les dissiper.

 

Alors c'est ce que j'essaie de faire ce soir : ne pas attribuer de valeur négative à ces sensations désagréables et à ce travail de purge, mais voir au contraire leur rôle salvateur de rétablissement de mon équilibre. A l'image du stress qui met notre organisme en état de vigilance et d'alerte pour mieux réagir, de la peur qui nous aide à nous protéger d'un possible danger, de la douleur qui nous pousse fait réagir pour éviter qu'une blessure s'amplifie.. Toutes ces sensations, si désagréables soient-elles sur le moment, ont pour fonction notre survie et la protection de notre intégrité. Et alors, quand je comprends cela, je n'ai plus aucune réticence à faire ce que je dois faire, à sortir ce que je dois sortir, j'y vais en confiance et avec détermination, aussi éprouvant et pénible cela soit-il.

 

C'est probablement ça, le travail avec l'Ayahuasca, en tout cas celui que j'apprends à faire ici ! Venir questionner le regard que je porte et le rapport que j'entretiens avec les multiples forces qui animent et agitent mon être. Me confronter physiquement et sensitivement à tout ce qui me constitue, mes parts d'ombre autant que mes zones de lumière, percevoir en puissance l'affectivité et les représentations que je leur attribue, comprendre qu'elles ne sont que les revers d'une même pièce et qu'elles participent toujours d'un équilibre.

Et ainsi, part un travail symbolique qui agit aux différents plans de ma conscience, ceux de la conscience ordinaire, mais aussi de l'inconscient personnel et de l'inconscient collectif, de la dimension énergétique et spirituelle ; venir soulager de la charge émotionnelle cristalisée à ces différents niveaux afin de rétablir un équilibre.

J'en suis de plus en plus convaincu : l'être humain est avant tout un être symbolique, dont la psyché fonctionne et réagit par images et représentations pour définir et donner du sens à tout ce qui l'entoure.

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