Chapitre 16 - Famille, enfer et trahison
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Chapitre 16 - Famille, enfer et trahison
Les discussions familiales n’avaient jamais été ma tasse de thé, vous savez. D’une part parce que je n’aimais pas raconter ma vie, que la personne soit du même sang que moi ou non. Et d’autre part parce que ma famille était beaucoup trop atypique pour ça. Entre un oncle alcoolique. Un cousin qui prétend être un extraterrestre et un grand-père qui se croit encore à la guerre, les repas de famille étaient très mouvementés. Je me souviendrais toujours de ce jour où mon grand-père avait jeté une pomme sur la table en criant : « Grenade ! À couvert ! ». Tout le monde s’était pris au jeu à ce moment-là sauf moi, ce qui me valut une punition par mes parents.
En tout cas, tout ceci n’était rien comparé aux retrouvailles entre archanges. Le sang sur ma bouche en témoignait. Vous l’aurez compris, c’était la guerre. Et dans celle-ci, on n’utilisait pas des pommes mais plutôt des tartes, bien sèches. J’essuyai donc le sang et repartis dans la mêlée à l’assaut de Gabriel. Je le balayai de mes ailes et le frappai au ventre, ce qui le projeta sur plusieurs mètres.
Du coin de l’œil, je vis Lucifer faire face à Azrael et Mickael. Il s’en sortait plutôt pas mal au début et je ne pensais pas qu’ils allaient réussir à le toucher. Mais le combat tourna vite à l’avantage des deux autres archanges qui jouaient au ping-pong avec le roi des enfers. Je voulus faire quelque chose mais Gabriel me prit par le bras et m’envoya valser quelques mètres plus loin. Puis, il alla s’attaquer à son frère. Une petite voix me chuchota dans ma tête.
– Libère-moi qu’on puisse protéger Lulu.
– OK, mais tu les laisses en vie.
– Bien évidemment.
Une énergie fulgurante me traversa le corps et comme à l’accoutumée, je fus envoyé au lac. L’éther me laissa quand même une vision de ce qu’il se passait. Les princes de l’enfer, derrière moi, s’avançaient pour affronter les archanges mais l’éther les arrêta d’un signe de main.
Il fonça, telle la foudre parcourant le ciel, et frappa Gabriel avec une telle force que l’impact produisit une onde de choc. L’énergie en profita pour emmener Lucifer auprès des démons et alla finir le boulot. Il était intouchable et enchaînait les coups. Le combat, qui devait être loyal au début, s’était vite transformé en boucherie dont l’équipe des enfers sortit vainqueur.
L’éther les avait tellement amochés qu’ils ne bougeaient plus. Je repris donc possession de mon corps et avec Lucifer, on décida de les enfermer chacun dans une cellule. Cela me fit mal au cœur mais je savais que c’était la meilleure chose à faire.
Durant les semaines qui suivirent, je passais les voir. Généralement, ils ne m’adressaient pas la parole. Par conséquent, je laissais un mot et repartais d’où j’étais venu. Plus ça allait, plus je me sentais mal de cette situation. Je trouvais ça injuste. Un soir, au repas, je décidai d’en parler à Lucifer.
– Tu ne penses pas qu’il faudrait faire quelque chose pour tes frères et sœurs ?
– Comment ça ?
– Je ne sais pas, les laisser repartir au paradis par exemple.
– Et pour quoi faire ? Pour qu’ils reviennent encore et encore. Non, crois-moi, ils sont très bien ici.
– Mais tu ne trouves pas ça injuste ?
– Et me laisser pourrir ici depuis tant d’années, tu ne trouves pas que c’est injuste. Ils n’ont que ce qu’ils méritent !
– Alors tu te venges ? m’indignais-je.
– Bien sûr ! Pourquoi ?
– Je ne pensais pas que tu en serais capable…
– Pitié, je suis le diable. Bien sûr que j’en suis capable. En revanche, toi, apparemment pas.
– Ils ne m’ont rien fait à moi…
– T’en es sûr ? Tout ce qu’ils veulent c’est ton pouvoir, le reste, ils s’en moquent.
– Et ce n’est pas ce que tu désires toi ?
– Bien sûr que non ! Je te veux à mes côtés car tu es un très bon tortionnaire et que je t’apprécie.
– Alors tu peux m’expliquer pourquoi tu désires l’éther ?
Il leva la tête, intrigué par ma question.
– Que veux-tu dire ?
– Des rumeurs circulent entre les portes. Et surtout à l’intérieur. Un de ceux que je torture m’a révélé que tu comptais extraire l’éther de mon corps pour te rendre plus puissant.
– Des foutaises ! Tu ne vas quand même pas croire un fou.
– Au début non, je n’y ai pas cru. Puis j’ai vu tes ingénieurs préparer une machine pour moi.
– Mais non, c’est pour faire des gâteaux.
– Parce que tu as besoin de schémas de mon corps pour faire des gâteaux ? répliquais-je, abasourdi par ses mensonges.
– Non…
– Donc tu m’as menti !
– En partie. Au début oui, je voulais juste ton énergie, mais j’ai fini par t’apprécier.
– Alors pourquoi tu ne leur as pas demandé d’arrêter la construction ?
– Parce que je crains ton pouvoir…
Au fur et à mesure de la conversation, mes mains s’illuminaient comme si mon pouvoir voulait exploser. Pourtant, je parvenais à le contrôler. Il m’avait, certes, trahi mais il restait néanmoins une personne qui comptait pour moi. Je quittai la pièce, fracassant la porte au passage, et je partis vers les cellules des archanges. Je les ouvris toutes et me cachai afin de ne pas provoquer une nouvelle bagarre. Ils partirent sur le champ vers le portail des enfers et je fis de même, non sans jeter un regard en arrière. Je ne sais pas si j’y reviendrai. Je me sentais vraiment à ma place dans cet endroit.
Mais comment pourrais-je vivre dans un endroit où l’on a peur de moi ? Comment pourrais-je vivre tout court ? Si le diable en personne a peur de moi, alors les autres, je n’osais même pas imaginer.
Néanmoins, ce n’était pas ce qui m’importait actuellement. Il me restait plus qu’une seule chose à faire. Pour être de nouveau accepté en enfer, il fallait que l’éther disparaisse de mon corps. Et seules quatre personnes pourraient m’aider là-dessus. Ma mission désormais était de les trouver, de leur botter les fesses et d’enlever cette puissance de mon corps. Une fois tout cela fait, je rentrerais dans mon chez-moi, espérant que Lucifer ne soit pas trop en colère.
Je traversai donc le portail des enfers et la vision de la Terre me glaça le sang. Il ne restait plus rien. Tout était détruit, calciné. La vie sur ma planète, telle que je la connaissais auparavant, n’existait dorénavant plus.