Félicitations ! Ton soutien à bien été envoyé à l’auteur
(III, 3) : L'homme providentiel

(III, 3) : L'homme providentiel

Publié le 14 avr. 2021 Mis à jour le 14 avr. 2021 Entrepreneuriat et start-up
time 6 min
1
J'adore
0
Solidaire
0
Waouh
thumb 0 commentaire
lecture 213 lectures
1
réaction

Sur Panodyssey, tu peux lire 30 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 29 articles à découvrir ce mois-ci.

Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit ! Se connecter

(III, 3) : L'homme providentiel

Scène 3

Le Philosophe, Le Boss, Le Stagiaire

 

Soudain, on entend  un bruit sourd dans le lointain. Cela vient des coulisses. On tape sur une cloison, le bruit sonne sourd, étouffé, ponctué par quelques chuintements faibles.

LE PHILOSOPHE

Vous avez entendu ?

LE BOSS

Ma foi oui. D'où cela vient-il ?

LE PHILOSOPHE, pointant le fond du bureau

Au bout du couloir, les toilettes sans doute.

Les deux hommes se lèvent, ils se rapprochent de la source de bruit.

LE PHILOSOPHE

On avait le même souci la semaine dernière. Les canalisations ne sont plus toutes jeunes. C'est pire depuis que l’entretien a colmaté la fuite. Personnellement, je n'aurai pas cherché les pièces aux puces de Saint-Ouen.

LE BOSS

Il y a des sacrifices incompressibles : tout siège social mérite son immeuble haussmannien au centre de Paris. À côté, on rogne où on peut. La fuite a été résorbée de presque deux-tiers, c’est un excellent ratio.

LE PHILOSOPHE

Si on exclue l'étroitesse des locaux, les revêtements à l'amiante et la tuyauterie au plomb, nous jouissons d'un cadre extraordinaire. Notamment le fumoir en roof-top ou la baie vitrée de la salle de réunion qui donne sur le Sacré Cœur... Le hammam privé des membres du Comex semble cosy. Quand je vais chercher des rames de papiers, dans le local technique, je vois toute la fumée de notre classe dirigeante qui s’élève jusqu’à moi. Les barreaux à la fenêtre laissent passer un peu de fumée à l’intérieur. J’aime l’odeur du cèdre de l’atlas qui donne un fumet exquis aux rames de papiers du local 3A06. Rien que pour ça j’y vais dès que l’occasion se présente.

LE BOSS

C’est la récompense bien méritée de toute une carrière. Pour ma part, je suis plutôt chaleur humide, le sauna ne me fait pas plus envie que ça. J’avais négocié de passer rang sept dans deux ans, j’étais à deux doigt d’avoir mon accès. Mais je profite avec allégresse des buffets post-réunions : les macarons y sont délicieux. Rien à voir avec les ersatz de la cantine et vos petits fours picards.

Pour le reste, l’amiante, le plomb, les poussières, le café, ce sont des modes, des phases. Tout est bon de nos jours pour se plaindre et éviter de bosser. Regarde Charles : il a passé toute sa vie ici, ça se saurait si on risquait quoi que ce soit à cause de ces fadaises.

On cogne davantage, de manière régulière. Le Boss s'est avancé et est hors de vue des spectateurs. Les gens tendent l'oreille.

LE BOSS

Tout de même étrange.

LE PHILOSOPHE

Le bruit est régulier.

Le bruit se répète, inlassablement, avec davantage de virulence.

LE BOSS

J’étais éclaireur scout dans ma jeunesse. On dirait du morse. C’est assez simple, élémentaire même : S.O.S.

LE PHILOSOPHE, au bord du plateau

Cela ne vient pas des toilettes mais du local technique.

On cogne encore et on entend le chuintement

LE BOSS

Il y a quelqu'un ?

On entend une voix

LE STAGIAIRE, étouffé

Au secours !

Le Philosophe et le Boss se regardent, épouvantés. Ils laissent échapper un cri de surprise.

LE BOSS, pressé, des coulisses

Vite, les clefs, dans mon bureau !

Le Philosophe disparait à l’autre bout du plateau et on entend des bruits caractéristiques de tiroir qu’on force. Il ouvre un tiroir et en sort les clefs. Le Philosophe retourne sur le plateau et jette le trousseau de clef jusque dans les coulisses, là où se trouve Le Boss.

LE PHILOSOPHE

Attrape !

LE BOSS

Merci !

On entend bientôt un bruit de serrure suivi d'un soupir de délivrance. Le Boss revient avec le Stagiaire qu’il épaule. Le Stagiaire a un coquard à l’œil. Il porte un lourd fardeau dans un carton. On l’escorte jusqu'à son bureau vide et on l’assoit dans le fauteuil auparavant occupé par Charles.

LE BOSS

Je l'ai trouvé enfermé dans le local, le corps à demi-écrasé par le carton. Il n'a pas voulu le lâcher.

LE PHILOSOPHE

Mon dieu qu'il est pâle !

Le Stagiaire halète.

LE BOSS

Mais cherchez lui donc un peu de camomille !

LE PHILOSOPHE

Bonne idée, un sédatif !

Le Philosophe ouvre à la hâte la thermos et veut servir un autre verre, mais la thermos est vide. Finalement il se souvient du dernier verre sur le bureau d’Astrid. Il le ramène. Le Stagiaire est encore en piteux état, il tremble. Le Philosophe se penche et le fait boire. Il reprend un peu son souffle. Le Boss reprend son habituel ton paternaliste.

LE BOSS

Que t'est-il arrivé ?

LE STAGIAIRE

Le carton, ouvrez-le.

L'attention du personnel se reporte sur le carton. Chacun s'échine à l'ouvrir avec les doigts, ce qui n'est pas évident vu qu'il est fermé à l’adhésif. Quand le couvercle s'ouvre enfin, les gens poussent un cri de surprise et reculent d'un pas, impressionnés.

LE PHILOSOPHE, LE BOSS, à l’unisson

Un... Percolateur !

LE STAGIAIRE, débite d’une traite toute la phrase

J'ai dû réseauter durant deux bonnes heures pour finalement trouver quelqu'un qui savait où il avait été rangé. J'ai saisi le carton, tout en haut de l'étagère et l'échelle a cédé. Je suis tombé au sol, le percolateur m'a assommé. Quand je me suis réveillé on m'avait enfermé par mégarde.

LE BOSS

Quelle histoire !

LE PHILOSOPHE

Tu es resté toute la nuit enfermé ?

LE STAGIAIRE

Il faisait noir, impossible de savoir l’heure. Hier, je suis parti en quête de la machine à seize heures trente.

Le Stagiaire a le réflexe de se retourner pour voir l’horloge. Il interroge ensuite du regard ses collègues.

LE PHILOSOPHE

Il est neuf heures.

LE STAGIAIRE

Oh… J’ai passé une agréable nuit. Il faisait bon chaud, meilleur que dans la cave, je n’étais pas dérangé ni par les bruits de klaxon ni par le local de pompier voisin. La chaleur moite de Lary le doberman me manquait un peu mais l’air sentait le pin. Je pourrais y retourner la nuit prochaine ?

LE BOSS, lui tapotant le dos

Compte sur moi pour faire remonter ta demande.

Le Philosophe inspecte le carton, il le tourne, l'occasion de voir, écrit au marqueur, la mention « Café » en grand. On voit de grandes traces de sueur qui composent la trace d'une main, imprégnée dans le carton.

LE PHILOSOPHE, inspectant les doigts du stagiaire, encore crispées en une étreinte fictive, et le carton.

Ses mains blanchies aux jointures ont laissé la trace de son martyr comme le Christ a autrefois marqué son suaire.

LE BOSS, lui prenant la main et la levant brusquement.

Le prophète du café crème-blanc-beurre. Grâce à toi, nous allons retrouver l’âge d'or de notre productivité. Mille mercis.

LE PHILOSOPHE

Et cette machine faisait un bon café, ce qui ne gâchait rien.

LE BOSS, guilleret, regardant sa montre

Je vais annoncer à Margaret la bonne nouvelle sur le chemin du CODIR ! Mettez-la en marche, il faut absolument ravitailler tout l’étage d’ici cette après-midi.

Le Boss embrasse le front du Stagiaire et s'éclipse.

lecture 213 lectures
thumb 0 commentaire
1
réaction

Commentaire (0)

Tu aimes les publications Panodyssey ?
Soutiens leurs auteurs indépendants !

Prolonger le voyage dans l'univers Entrepreneuriat et start-up
Comptable
Comptable

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, votre sourire, ma joie.

Bernard Ducosson
1 min

donate Tu peux soutenir les auteurs qui te tiennent à coeur

promo

Télécharge l'application mobile Panodyssey