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le premier mot

le premier mot

Publié le 26 déc. 2024 Mis à jour le 26 déc. 2024 Conte
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le premier mot

il est possible 

que tout a déjà été écrit 


qu’il n’ait un nom à quoi ne s’est apposé chaque adjectif


lune mouillée

lune châtrée

soleil cou coupé

oliviers déshérités

impavides silences


tout est déjà usé trop usé

avili répertorié par consternation voyance ou même par erreur

ce que je veux dire par-là c’est qu’un.e autre au moins y a déjà

                                                                                                      trébuché


car il n’est sûrement infinité de combinaisons

il n’est c’est sûr au verbe d’imaginaires prépositions


tout n’est qu’apocryphe cela mine l’écriture de l’intérieur comme un cancer la création m’est impossible


et où est mon territoire

que veut dire l’auteur

de revendiquer une phrase 

qui a encore l’orgueil


faut-il donc se résoudre à redire sans cesse pour chaque époque la finitude de l’être humain

rappeler de l’oubli chaque trace effacée avec regret hâtivement sans lendemain


tout a commencé par un trait tracé aux tréfonds des montagnes de l’Elam sur l’argile ou sur le sable ou était-ce autre part

        plus loin dans la vallée

était-ce le matin était-ce le midi le soir

qu’importe et je n’ose imaginer le délice absurde la secousse déchirante d’avoir été la première à tracer le plus simple des mots


(quel était-il ce premier mot cette question 

il faudrait que l’on s’interdise de la poser

car à y répondre il se pourrait que cela change la face du monde

et si ce n’était pas le cas alors je trouverais enfin le règne humain affreusement immonde

mais un jour peut-être j’écrirai un livre sur ce premier mot tracé-là par son doigt

il ne faudra pas ou peu que ça se sache

ou du moins faudra-t-il le présenter comme une grande blague

mais je parlerai longuement de cette première écrivaine car déjà je sens qu’en écrivant ces prochaines lignes j’en serai tombé éperdument amoureux)


celle-là était poète


(je pense oui qu’il s’agissait d’une femme car j’eus l’audace un soir d’avoir pensé qu’il y a peut-être au fond des saintes écritures quelque vérité du rôle qu’elle a joué en traçant elle la première son doigt sur le sable et qu’il y eût probablement quelques jaloux parmi les hommes pour lui en reprocher péché d’orgueil et s’en attribuer force du prêtre et du chaman et substituer le miracle du mot par elle inventé à quelque idole à tête d’hibou ou de faucon et

et bien plus tard à ce dieu unique à la drôle tête d’homme qui était propriétaire en son jardin et le jaloux gardien de quelques pommes

mais qu’importe femme ou homme

il fallait surtout une âme d’enfant pour se jouer ainsi du feu)


celle-là était poète

celle-là a senti le fond de la pierre être secouée confuse d’avoir été ainsi par un mot subtilisée

celle-là a senti le tonnerre le déchirement de l’ombre le divorce atroce du sens et de la chose

celle-là a senti qu’il y avait espace magique et interdit entre le signe 

et tout ce qu’il désigne


ce jour-là le ciel s’est brisé fendu grisé

ce jour-là le soleil avait le cou coupé

ce jour-là l’ombre s’est éclaboussée au fond des foules

ce jour-là la poussière haletait et cherchait désespérément un souffle

et l’air s’était faite silhouette à la bouche


et je suis sûr sûr qu’elle a ri sous la montagne 


(et c’est ce même rire qui s’est perdu qui s’est erré qui a longuement divagué par gorges et vallées

en résonnant dispendieusement et se cognant souvent sur la paroi des creux et des cavernes

un rire caverneux ne dit-on pas un écho euphorique qui aura traversé l’écorce des années

et un homme un jour l’a entendu et baissant les yeux disant coupablement au revoir à Khadija s’en alla en sa propre et solitaire caverne chaque jour amoureusement écouter cette voix de cristal résonner sur les parois l’impair de son émoi

il aura confondu ce rire frais sous la montagne avec la voix d’un ange qu’il prénomma ghabriel ce nom qui n’est que le bruit que le raclement d’une gorge qui rit

il aura confondu ce rire avec la parole d’un dieu unique et sans visage

et d’où il annonça finalement à ses pairs qu’il y avait entendu le Verbe au large de la Mecque

mais tout cela n’était qu’au fond le rire délicieux d’une écrivaine dont il était tombé impossiblement amoureux


mais de tout cela je parlerai une autre fois

je dirai de qui seuls ont connu quelque forme de ce rire

ces femmes et ces hommes en quête de sens qui s’était réunis

un beau soir dans le Caucase et qui

tour à tour frappèrent leur tambour 

pour savoir enfin ce qui distinguait leur dieu de leur amour 

et par surprise retrouvèrent le rythme par lequel rebondissait son rire sur les roches


je te dirai alors comment le Coran n’est que le chant mensonger du plus beau des adultères

d’un amour follement vécu avec sa voix que seul s’est su s’avouer Mahomet à son beau-fils

qui s’appelait alors qui s’appelait Ali

avant qu’il ne comprit avant qu’il ne comprit

l’amoureux subterfuge et devint à son tour Mahdî


et je te dirai tout de cette lignée des entrailles de Fatima sortie

de ceux qui en ont emporté avec eux le Secret et dont le fils onzième pour mieux l’entendre a disparu un soir dans le brouillard de la montagne

je te dirai alors ce que m’a dit le douzième fils du rire de cette femme

qui s’était rendu compte de la beauté commise en traçant ligne sur l’argile

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Commentaire (1)

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Gand Laetitia il y a 1 jour

Je me suis perdue dans la lecture. J'essaierai de le relire au calme...

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