Sport et autisme, incompatible ?
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Sport et autisme, incompatible ?
Le sport a toujours fait parti de ma vie. J’ai toujours aimé m’activer. Petite, c’était le vélo, puis les Quads, vous savez ces espèces de trucs roulants en fer, qu’on attaché avec des lanières.
Rapidement, j’ai fait du sport en club, puis un peu de compétition, je détestais ça, j’en parle plus en détails plus bas. J’ai testé beaucoup de sport, j’en ai pratiqué certains durant plusieurs années et encore aujourd’hui comme le roller, d’autres n’ont fait que passer comme l’escalade, le pancrace et je reviens à certains comme le jiu-jitsu. J’apprécie avant tout la performance technique. Je me fiche que tel ou tel autre brûle 1000 calories en 30 mn (bon, j’exagère un peu) ou encore qu’un sport soit populaire. J’aime voir l’athlète mettre en pratique des années entraînements, ça me fascine de voir cette belle machine en mouvement. Bien qu’aimant le sport, celui-ci ne me le rend pas super bien, je me suis beaucoup blessée et je me blesse encore aujourd’hui, mais j’y retourne. À l’école j’étais souvent dispensée, je me faisais des entorses régulièrement ou alors c’est parce que je m’étais fait du mal intentionnellement, mais ça c’est une autre histoire. Donc j’étais souvent sur le banc de touche à regarder mes camarades qui eux auraient bien aimé être à ma place. En revanche, il y a une chose qui ne me manquait pas, c’était les sports collectifs, déjà je n’ai pas l’esprit d’équipe et en plus, j’étais souvent choisis en dernière. Même à l’âge adulte, j’ai tenté un sport collectif, le roller derby et bien je n’ai pas tenu longtemps. Je n’ai pas vraiment réussi à m’intégrer, j’ai essayé mais je n’étais pas naturelle et pas du tout à l’aise et en plus il y avait la compétition qui était omniprésente et comme quand j’étais enfant, je n’aime pas ça. D’autant plus que perdre à cause de personnes de l’équipe ne me dérange pas plus que ça, mais être responsable d’une faute, je ne supporte pas.
Après cette trop longue introduction, je vais vous parler de certains qui m’ont marqués.
La gymnastique, mon 1er amour.
J’adorais ça, j’étais très souple, très légère et j’étais assez douée. Sauf pour la poutre. Je l’avais en horreur, la peur de tomber me tétanisait. Parfois on s’entraînait sur une poutre à 20 cm du sol et là pas de problème, j’enchaînais les roues, les équilibres et les grands écarts dessus, en revanche lorsqu’on montait sur celle à environ 1 m du plancher des vaches, c’était plus la même. Je n’avais pas le vertige, mais la peur de ripper et de me faire mal. J’en ai fait entre l’âge de 7 et 11 ans et je ne mettais pas encore blessée. J’ai finalement arrêtée à cause de la compétition. Comme dit plus haut je n’aimais pas ça, être jugée pendant un instant donné, je ne trouvais pas ça juste. Je n’aimais tellement pas la poutre qu’au moment de faire la roue, je faisais exprès de retomber à côté. Je ne me faisais pas mal car je maîtrisais ma réception. Et donc je remontais dessus sans refaire la roue et je continuais mon enchaînement qui était plus simple. Je perdais des points évidemment, mais je contrôlais la chute.
Le roller, mon sauveur.
Je remonte sur des rollers, oui remonte, car comme je l’ai dit en introduction, je faisais du « quad » enfant, là c’est du roller en ligne. La personne qui me donne envie d’en faire, c’est mon père. Nous sommes en 2000, j’ai 23 ans et mon père 51. Je suis en BTS et mon père travaille toujours à l’usine. Il s’y est mit avec un copain à lui qui à l’époque à plus de 60 ans, comme ils font beaucoup de vélo ensemble, ainsi que de la marche, ils se mettent au roller pour continuer à entraîner leur cardio. Pour moi qui suis à la limite de la dépression dans une ville paumée pour mes études, sous anxiolytiques et antidépresseurs, je ne fais plus grand chose comme sport à cette époque, j’ai pris 15 kgs, je suis mal dans ma peau mais je souris. Je suis la fille rigolote et cool de ma promotion, mais à l’intérieur je suis un clown blanc. Mon père me parle de cette association où il apprend le roller, ça à l’air super sympa et bon enfant. Je me dis pourquoi pas, ça me fera penser à autre chose. Mon père s’achète de nouveaux rollers et je lui emprunte les siens. Il chausse du 41 et moi du 37, pas grave, je mettrais des semelles et plusieurs paires de chaussettes. Je me lance dans un 1er temps sur la route, proche du travail de mon père. Les débuts sont un peu chaotiques, le temps que je trouve mon équilibre. Après 2-3 séances, j’accroche bien, je me décide à m’acheter une paire à ma taille et Wow quel changement, j’en ai pris avec des supers roulements, j’appuie à peine que ça roule, avec 2 cours par semaine, je suis de plus en plus stable. L’association est vraiment chouette, j’y rencontre de belles personnes, que je côtoie toujours aujourd’hui. Au bout de 2 ans, on me demande si je veux bien être la secrétaire de l’association, j’accepte. Nous organisons plusieurs fois le Téléthon dans notre ville, nous participons à diverses randonnées à Paris, à Troyes pour le Sidaction, à Dijon pour mardi gras … je revis, je me sens mieux dans ma tête et mon corps. Je suis tellement à fond (coucou l’intérêt spécifique, je ne savais que s’en était un à l’époque, mais je pouvais partir seule une journée à 100 kms pour faire du roller sur une voie verte par exemple ou refaire des exercices mentalement dans mon lit avant de m’endormir.) Puis notre entraîneur décide d’arrêter, nous voilà dépourvus, mais on ne veut pas que ça s’arrête. Avec 3 gars de l’association, on s’inscrit pour obtenir un diplôme fédéral et pouvoir enseigner bénévolement, fraîchement diplômés de notre BIF (brevet d’initiateur fédéral) nous prenons la relève des cours. Nous montons même une petite équipe de roller/hockey, c’est l’éclate totale. Beaucoup de monde vient pour apprendre, en famille ou entre potes. Certains se sont rencontrés là et sont aujourd’hui mariés et ont des enfants ensemble. Mieux que Tinder lol. Enfin nous nous inscrivons au 24 h du Mans en roller. C’est comme à moto, mais sur des patins, par équipe de 10. Sans s’entraîner pour cette course, nous terminons dans les 300/600. Nous sommes courbaturés, pleins d’ampoules, fatigués mais on ressignera l’année suivante avec 2 équipes. Quelle époque formidable, je suis même devenue Présidente de l’association, surtout car personne ne voulait s’y coller. Puis petit à petit les couples se sont créés, mis en ménage, déménagés, les études sont terminées et c’est le monde du travail qui nous attend et naturellement nous arrêtons. L’association continuera sans nous encore quelques années, mais est aujourd’hui dissoute. Je continue toujours à rouler, moins qu’avant évidemment, mais c’est toujours un plaisir de remonter dessus.
Le jiu-jitsu, la renaissance.
En 2004, dans les derniers temps où je faisais du roller en club, je me suis inscrite au ju-jitsu, art-martial japonnais, ancêtre du judo. Un ancien formateur en communication que j’ai connu par mon travail de l’époque et avec qui j’avais sympathisé était adhérent à un club depuis 2 ans. Il m’en parle et je me décide à aller y faire un tour. Au début, je regarde seulement, je suis au bord du tatami et j’observe. Le prof Michel est cool. Les élèves ont l’air sympas aussi et puis je connais une personne, ça me rassure. Finalement la 2e fois que j’y vais pour m’imprégner, je vois une ex à un copain de mon village d’enfance, ainsi que sa sœur que j’ai connue au lycée. Me voilà encore plus rassurée, je m’inscris la séance suivante. J’adhère tout de suite, c’est technique, précis et il y a un respect mutuel qui me convient totalement. Les valeurs véhiculées par cet art me parlent et me correspondent (politesse, le respect, le courage, la rectitude, la bienveillance, l’amitié…). À nouveau, je rencontre de belles personnes, j’en fait jusqu’à l’obtention de la ceinture bleue, je suis super fière de moi. Je reprends confiance en moi et suis moins stressée. Malgré moi j’arrête car je déménage à 200 kms, je retrouve un club mais ce n’est pas pareil, je n’arrive pas à m’intégrer et finalement j’arrête, jusqu’à cette année. J’ai redéménagé et je retrouve mon ancien club avec toujours le même prof, 12 ans sont passés et mon corps me le fait bien ressentir, mais qu’est-ce que ça fait du bien.
La course à pied, la révélation.
Pourquoi moi aussi je m’y suis mise ? Pourquoi est-ce que je fais comme tout le monde ? Et pourquoi je continue de courir ?
Depuis que je suis enfant j’ai toujours fait du sport, tout y est passé avec plus ou moins de succès mais il y en a que j’ai aimé plus que d’autres.
Alors pourquoi le running (oui course à pied ou jogging ça fait ringard, on dit running maintenant, c’est du marketing mais ça fonctionne) nous y voilà. Mon ami d’enfance s’y est mis il y a plusieurs années, au début je ne pensais pas qu’il continuerait et puis si, ensuite une amie s’y est mise aussi et une autre et encore une autre. Hohoho c’est moi normalement la sportive, c’est mon égo qui parle là et juste pour faire comme eux je m’y suis mise, enfin remise j’avais essayé il y a longtemps avant que ça soit à la mode et j’avais tout simplement détesté, des points de côtés, mal partout, pas d’endurance, le flop total mais c’était pas grave puisque je faisais d’autres sports. Mais là, mon égo a pris le dessus et j’ai persisté, car après 3 kms en soufflant comme une vache je me suis demandé comment je réussirais à aimer ce sport. J’ai refait une tentative quelques jours après, un peu mieux mais c’était pas l’extase quand même. Et puis j’ai persévéré il était hors de question que mes ami(e)s y arrivent et pas moi. Et au fil du temps j’y ai pris un réel plaisir. Les personnes qui courent parlent d’un bien être, d’avoir l’impression d’être sur un nuage, d’être dans un état second, les endorphines tout ça et bien oui c’est ça, je ne me l’explique pas c’est la science. De tous les sports que j’ai pu faire (loisir ou compétition) je n’ai jamais ressenti ce sentiment de plénitude après. C’est assez hallucinant comme sensation, l’impression que rien ne peut me résister du coup ça motive encore plus car les progrès arrivent assez rapidement. Le souci c’est que comme j’ai la poisse, 5 mois après mes débuts, bim blessure au genou après une journée au ski. Les médecins ne savent pas trop ce que j’ai, se contredisent, me font faire des examens supplémentaires (radio, podologue, rhumatologue) et le verdict tombe, tendinite de la patte d’oie et lésion méniscale me voilà bien. Direction le kiné pour 10 séances de renforcement et de rééducation. J’ai arrêté de courir environ 7 mois, j’ai cru devenir folle tant ça me manquait. Heureusement le kiné a bien fait son boulot et à la fin des séances j’ai pu reprendre tout doucement. Et ça a été dur, il faut savoir que le running est un sport ingrat, vous arrêtez quelques mois et tout est à refaire. Bon comme je débutais quand je me suis blessée je ne partais pas de bien loin vous me direz, mais quand même c’est rageant.
J’ai donc repris et ma première satisfaction a été de tenir 1h sans m’arrêter, je vous dis pas comment ça fait plaisir. Et puis des petits ennuis de santé m’ont ralenti dans ma quête de kilomètres mais j’ai continuais quand même doucement mais sûrement et deuxième grande satisfaction, j’ai passé la barre des 10 kms, c’était une étape symbolique pour moi, mon égo est hyper satisfait.
Alors je ne sais pas jusqu’à quand je vais courir, si je vais continuer à y prendre toujours autant de plaisir, j’ai envie de me fixer des objectifs réalistes pour me pousser à continuer, on verra ce que l’avenir me préserve et si je ne me blesse pas à nouveau. Il faut savoir que quand tu cours, tu te découvres des muscles, des tendons dont tu ne soupçonnais même pas l’existence, j’ai l’impression d’avoir eu toutes les douleurs possibles qu’un coureur peut avoir. Mais les endorphines prennent le dessus et pour l’instant je m’accroche.
Le Golf, l’instant zen.
Comme beaucoup, pour moi le golf était quelque chose l’inaccessible. Je regardais ça d’un œil très lointain. Jusqu’au jour où mon ami d’enfance s’y est mis. Je l’interroge et lui dit que j’aimerais bien tester pour voir. Août 2018, il m’emmène sur un green avec l’oncle de sa compagne, ce dernier me prête les clubs principaux. Pendant toute la matinée, il m’expliquera comment me positionner, comment tenir un club, le B.A.-BA en somme. Mis à part le mini-golf en vacances, mon expérience s’arrêtait là. Finalement, j’arrive à faire avancer cette balle de plusieurs 10aine de mètres à chaque fois. Au bout de 2 h, je me dis que c’est pas mal. On est en pleine nature, c’est un sport technique, précis où la moindre erreur est tout de suite sanctionner. Mais c’est assez cher pour s’équiper. Le mois suivant, il y a des séances découvertes pas très loin d’où j’habite. Mon compagnon a bien accroché lui aussi. On fait plusieurs séances, on s’améliore un peu, le prof est très sympa. Finalement, nous prendrons 1 mois de cours avec lui, grâce à une promotion. Mais le coût du matériel reste élevé, ce qui nous ennuie fortement. On se rend chez Emmaüs et là surprise, des clubs de toutes les tailles, en bon état, des sacs de transports, et même des petits chariots pour les transporter, tout ça à un prix dérisoire. Nous voilà équipés et prêts à conquérir les greens. Nous y allons le dimanche, sur un parcours pour débutant. Mon swing est rapidement assez bon, j’ai quelques soucis de réglages et l’évaluation de la distance entre le club et la balle est un peu compliquée pour moi, mais j’y arrive et je prends du plaisir et c’est bien là l’essentiel.
Pour conclure et répondre à la question, je dirais que oui le sport et l’autisme sont tout à fait compatibles. Mais il faut absolument écouter ce qui dit l’enfant (là, je m’adresse aux parents). Il suffit d’une personne, d’un mot pour qu’il-elle ne veuille plus y aller alors qu’il/elle aime le sport. L’écouter dans son choix, s’il/elle ne veut pas faire du foot comme son cousin alors qu’il/elle aime le regarder à la TV, c’est peut-être juste parce qu’il/elle n’est pas à l’aise avec les autres, il/elle se sent peut-être exclu, il/elle ne comprend pas l’intérêt de tel exercice, les douches dans les vestiaires sont peut-être juste une horreur pour lui. Par exemple au collège, je gardais toute la journée mon jogging et je ne me changeais pas après le sport. Alors oui vu comme ça, c’est un peu cracra, mais je ne supportais déjà pas de devoir me déshabiller devant mes parents alors imaginez devant mes camarades de classe….Si besoin lui poser des questions pour savoir exactement ce qui le/la rebute, il va peut-être juste vous dire, j’ai mal au ventre, j’ai mal à tel endroit pour ne plus y aller, alors pour vous c’est juste une excuse, pour lui/elle c’est plus profond que ça, il y a un vrai problème derrière, ne minimiser jamais sa justification.
Pour les adultes (hé oui maintenant je suis une grande fille de 43 ans lol), le sport est pour moi indispensable à mon équilibre mental. J’aime le regarder, comme je disais plus haut, car j’admire avant tout la technicité de chaque sport, en revanche même si j’aime un athlète en particulier ou si je soutiens une équipe, je ne supporte pas la triche, à tel point que je peux m’énerver vraiment et arrêter tout de go si je joue. Une équipe chère à mon cœur si elle perd, je ne suis pas triste si c’est justifiée. Un jour Platini a dit à propos de l’arbitrage vidéo que c’était inutile, car les erreurs d’arbitrage font partis du jeu. Non mais WTF, pour moi c’est impensable. Moi-même si lors d’un randori (combat d’entraînement) en ju-jitsu je perds, ce n’est pas grave, seulement si on joue à armes égales et si aucune suspicion de triche n’est possible. Je sais reconnaître qu’une personne est tout simplement plus forte que moi.
Vous constaterez que j’aime particulièrement pratiquer des sports où je suis seule maître à bord. J’ai besoin de contrôler mon environnement, mon échauffement, ma technicité sans me soucier des autres. Un jour, mon club propose une compétition amicale d’enchaînement de katas (mouvements codifiés) pour les ceintures jaunes. Une personne avec qui je m’entraînais, mais qui était un peu dilettante me demande de participer avec elle. L’enchaînement était composé de 12 techniques et c’est le binôme qui les exécute le mieux qui gagne. J’ai tout bonnement refusée, car je savais qu’elle ne s’entraînait pas suffisamment et donc nous n’avions pas toutes les chances de notre côté. Le roller m’a permis de me prouver que j’étais capable de belles performances, avec le ju-jitsu j’ai appris à mieux me contrôler, la course à pied me permet une explosion d’endorphine et le golf m’apporte de la sérénité. Pour une personne non-autiste c’est utile et pour moi, c’est indispensable. Grâce au sport, j’ai retrouvé de la confiance en moi et je suis moins angoissée.