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Deuxième partie : La remise en question - Chapitre 8 : Le tourisme

Deuxième partie : La remise en question - Chapitre 8 : Le tourisme

Publié le 22 oct. 2024 Mis à jour le 22 oct. 2024 Société
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Deuxième partie : La remise en question - Chapitre 8 : Le tourisme

Nous sommes en train de parler d'environnement et c'est une excellente chose, car s'il y a une activité dont l'impact sur l'environnement est indéniable, c'est bien le tourisme de masse, et pas seulement à cause du volume des déplacements qu'il implique par définition. 

Un touriste isolé, ou une famille, peut-être même deux ou trois familles un peu aisées qui ont une seconde résidence à la mer, à la montagne, à la campagne ou en forêt, cela n'a pas un impact considérable sur l'environnement. 

Tout d'abord, au départ, leur seconde résidence, la plupart du temps, ce n'est ni un château ni un palais, mais une simple maison - éventuellement un peu cossue - qui leur sert juste de pied-à-terre dans leur lieu de villégiature. Si ça se trouve, ils commencent même par loger chez l'aubergiste du coin ou même chez une famille d'habitants locaux qui est tout heureuse de pouvoir se faire ainsi un revenu complémentaire - cela, s'ils n'ont pas déjà de la parentèle installée dans la région qui, tout naturellement, les logera gratuitement au nom de l'hospitalité familiale (ce qui est souvent un critère de choix du lieu de villégiature au départ). 

Puis, bien sûr, au fur et à mesure, ils améliorent leur petit refuge - assez vite pour que l'état présent des choses ne soit pas devenu aux yeux de l'entourage une véritable institution sacro-sainte qu'il serait quasi sacrilège de modifier, mais assez lentement tout de même pour que l'environnement puisse s'y faire et s'y adapter sans que ce soit un choc. Puis, comme c'est leur refuge à eux, ils l'aménagent généralement avec goût en l'intégrant à la nature alentour. 

Déjà à ce stade, bien sûr, il y aura toujours des gens qui vont râler, mais la plupart du temps, les changements seront assez lents et assez progressifs pour que tout le monde puisse s'y habituer et pour que la nature puisse les absorber, d'autant mieux que leur ampleur totale sera trop réduite pour constituer même à long terme un réel bouleversement. 

Mais quand il s'agit d'accueillir des dizaines ou des centaines de milliers de touristes, voire des millions, en rotation quatre, six ou huit mois sur douze, là, évidemment, ce n'est plus du tout pareil. Les besoins à couvrir n'ont plus la même ampleur, d'autant moins que la plupart du temps, tout le monde vient à peu près aux mêmes époques aux mêmes endroits. Tous ces gens-là ont besoin d'être logés, nourris, abreuvés, chauffés, habillés, soignés, promenés et distraits. 

Tous n'ont pas leur propre villégiature sur place, tant s'en faut, et si les plus jeunes ont encore la résistance physique et l'esprit d'aventure - ou le goût de la sobriété et plus encore les moyens financiers réduits - nécessaires pour les motiver à faire du camping, sauvage ou non, la plupart des touristes vacanciers sont des adultes dans la vie active qui ont envie de prendre un mois (ou moins) de repos et de recul par rapport à tous les problèmes et à tout le stress des onze autres mois de l'année, que ce soit sur le plan professionnel ou sur le plan personnel - familial ou individuel. Ce qu'ils veulent, ce sont des vacances, avec tous les clichés qui peuvent être liés à ce mot. Ce sont des gens qui cherchent avant tout le repos et le confort, et qui n'ont pas la moindre envie de passer leurs nuits dans un sac de couchage sur un matelas pneumatique qui est plus souvent dégonflé que gonflé, ni de se contenter de sandwiches, de fast food ou d'autres en-cas plus "couleur locale" (et/ou "spécial turista") en guise de nourriture, ni non plus de se déplacer à pied, à vélo, à moto ou en auto-stop. Et ce ne sont pas des nomades qui replieront le moment venu armes et bagages pour rendre à la nature les lieux qu'ils désinvestissent. 

Ce qui veut dire, concrètement, qu'il faudra bien construire pour tous ces gens tout un tas d'infrastructures (dont la plupart resteront vides hors saison touristique) pour les abriter, eux, leurs familles, leurs bagages et leurs véhicules (et aussi, de plus en plus, leurs animaux domestiques) : des immeubles à appartements et des hôtels pour les loger (parce que l'espace est trop réduit pour leur assurer une maison à chacun, surtout si elle doit être en situation favorable), des garages et des parkings pour leurs véhicules, des routes pour leur permettre d'accéder à l'endroit voulu, de le quitter et de s'y déplacer quand ils y sont, des magasins pour les approvisionner, des restaurants pour les nourrir en toute quiétude, des attractions et des lieux de distraction, etc. 

Et voilà comment et pourquoi ce qui était autrefois de magnifiques sites naturels disparaît sous le béton (d'autant plus que les promoteurs immobiliers, flairant la bonne affaire, ne feront rien pour inverser la tendance mais feront au contraire tout pour l'accentuer). 

Une belle illustration de plus du "si tout le monde faisait comme toi"... Ce qui est vivable ou même simplement supportable quand ce n'est qu'une minorité qui le fait ne l'est plus quand c'est tout le monde qui s'y met.

Problème d'échelle encore une fois. 

Et si ce n'était encore que ça (même si rien que ça est déjà considérable à soi tout seul).

Du respect - et pas que de l'environnement 

Mais une chose qui est souvent reprochée aux touristes, c'est qu'ils ne respectent pas les sites et pays qu'ils visitent, ni les populations locales qui y vivent, ni non plus leurs cultures. Et c'est qu'avec ça, le tourisme réduit aux yeux de ceux qui le pratiquent les cultures qui leur sont étrangères à du simple folklore : un peu d'artisanat, quelques objets, quelques vêtements, quelques bijoux, une façon de s'habiller, un peu de maquillage, quelques tatouages peut-être aussi - toutes choses que l'on essaie un temps pour se montrer un peu plus original, et surtout pour montrer à son entourage que soi aussi on a voyagé et on est allé loin, et puis c'est tout, ça se résume à cela. Alors qu'en réalité, derrière tout cela, il y a toute une philosophie et tout un mode de vie, mais la plupart des touristes qui cherchent l'exotisme et le dépaysement passent tout à fait à côté.

Et à côté de ça, on se promène à demi-nu(e)s, voire aux trois-quarts, parmi des gens qui ont des règles de pudeur beaucoup plus strictes - auxquelles on leur reproche de se tenir quand ce sont eux qui font le voyage en sens inverse, alors qu'eux tolèrent qu'on ne les respecte pas quand on est chez eux (certes, tourisme et migration, ce n'est pas pareil, et quel que soit le sens du voyage, on sera toujours plus tolérant vis-à-vis de touristes qui après tout ne font que passer que vis-à-vis de migrants qui, eux, sont là pour rester, du moins à plus long terme - mais le sentiment d'injustice et d'inégalité de traitement n'en est pas moins là). 

Et ces populations locales, plus strictes dans leur pudeur mais aussi dans leurs règles morales, reprochent plus d'une fois aux touristes d'apporter avec eux des mœurs plus relâchées, non seulement entre eux - ce qu'elles pourraient tolérer comme étant leur "problème" d'étrangers tant que cela reste entre eux et qu'ils ne font que passer - mais aussi dans leurs interactions avec elles, de voyager même parfois exprès pour cela, et de s'imaginer que tout leur est permis à eux parce qu'ils ont de l'argent et qu'elles n'en ont souvent pas (et elles reprochent à ceux (et à celles) de leurs membres qui se prêtent au jeu contre rétribution de se vendre et de brader leur culture, leur identité et leur peuple avec). Avec toutes les conséquences que cela peut avoir, et qui mériteraient tout un développement à elles toutes seules. 

Les sites ne sont pas plus épargnés, et pas seulement parce qu'ils sont bétonnés. 

Renaud chantait dans "L'Hexagone" que les touristes vacanciers "par leur unique présence abîm[aient] tous les paysages". C'est sûr, il était un peu injuste en disant cela en "mettant tout le monde dans le même panier", mais il faut reconnaître qu'il n'avait pas tout à fait tort non plus. 

Prenez une plage magnifique et regardez-la quand elle n'est encore qu'un paysage vierge. Puis regardez-la de nouveau quand il n'y a que quelques personnes étendues sur le sable et l'un ou l'autre promeneur qui prend le vent du large. Et enfin, regardez-la quand elle est bondée comme la plage d'une grande station balnéaire très courue peut l'être au mois d'août, avec tous ces gens pratiquement les uns sur les autres. On ne peut pas nier que dans ces trois cas, on aura peut-être la même plage et le même paysage de base, mais on n'aura pas la même image. Pas du tout, même. 

plage bondée et bétonnée
Crédit image : © www.vacacionesbulgaria.com / Infobgv

Et les paysages encore vierges semblent être devenus bien difficiles à trouver - ou peut-être pas... mais alors ils sont difficiles d'accès et loin des sentiers battus... et loin aussi de tous les aménagements qui facilitent la vie des touristes lambda et leur procurent un certain confort (voire un confort certain) même loin de chez eux. 

Parfois ils ne sont pas exploitables en tant que lieux touristiques parce que peu accessibles, trop dangereux ou pas assez spacieux, et il faut un certain goût du risque et l'âme d'un aventurier (ou d'un voyageur de hasard...) pour oser partir à leur conquête. 

D'autres fois, ils pourraient être exploitables mais ne sont pas exploités parce que les habitants des lieux, ou leurs dirigeants, préfèrent leur garder leur authenticité et aussi leur calme et leur paisibilité en limitant l'afflux de touristes, quitte à le faire au milieu de maintes protestations. 

Et puis, il ne faut pas se voiler la face non plus : la concurrence est aussi rude dans ce domaine-là que dans n'importe quel autre, et personne n'a envie de voir de nouveaux concurrents émerger, ce qui, en parlant d'émergence, limite aussi celle de nouvelles possibilités comme de modèles alternatifs. Après tout, ceux qui mettent leur lieu de vie en avant le font moins pour cultiver leurs semblables ou pour leur révéler de magnifiques coins de nature que pour en tirer un revenu. 

Mais dès qu'un paysage vierge est estampillé exploitable pour le tourisme, il ne met pas longtemps à perdre sa virginité et son authenticité, et à ressembler à un nombre incalculable d'autres destinations du même genre (parce que les besoins des touristes vacanciers lambda sont tous à peu près les mêmes). Et hors saison touristique, la toute nouvelle bourgade ainsi créée ressemble, comme à peu près toutes les stations balnéaires et autres stations de ski, à une ville fantôme.

Et les gens qui les visitent sont-ils sensibles à la beauté de ces lieux, ou à la part d'Histoire qu'ils portent ? Même pas nécessairement, et c'est ça le pire.

Certes, quelques progrès ont été faits depuis la grande époque du tout-jetable, et les gens jettent moins qu'avant leurs détritus n'importe où à tort et à travers (ce qui est l'une des raisons qui ont poussé un peu partout à interdire le camping sauvage et à n'autoriser tentes, caravanes et camping cars que dans des aires spécialement aménagées à cet effet). 

Les sites naturels sont donc un peu mieux respectés. Il faut dire aussi que plus de poubelles y sont prévues. 

Et puis, il y a l'éco-tourisme qui commence à percer et à faire son chemin. 

Mais il reste malgré tout nécessaire de sensibiliser les gens pour qu'ils ne s'amusent pas à cueillir ces plantes exotiques certes magnifiques mais très rares et peut-être en voie de disparition, pour qu'ils ne nourrissent pas les animaux avec du pain qui leur fait plus de tort que de bien, pour qu'ils n'essaient pas de les attirer avec des cris qui les effraient plus qu'autre chose, pour qu'ils leur respectent leur habitat - entre beaucoup d'autres choses. 

Tourisme et culture

Et tout cela, comme disait en son temps mon professeur de langues anciennes, pour des gens qui, la plupart du temps, se contentent d'aller au restaurant un peu plus loin que là où ils le font habituellement, et de sortir en boîte de nuit un peu plus loin que là où ils le font habituellement. Et aussi, ajouterait immanquablement ma mère, qui se fatiguent à faire de longs trajets pour finalement trouver des endroits où ils sont moins bien que chez eux et pour en être déçus. 

Autrefois, on envoyait les jeunes de familles aisées faire "le grand tour" (le mot "tourisme" vient de là d'ailleurs), c'est-à-dire visiter de hauts lieux de culture à l'étranger et s'imprégner de leur atmosphère et de leur âme pour enrichir leur esprit. C'était dans ce sens-là que l'on disait alors que "les voyages forment la jeunesse". Mais les touristes d'aujourd'hui voyagent-ils encore dans l'esprit du "grand tour"

Les touristes retraités, peut-être - parce qu'ils ont désormais le temps, parfois l'argent, et qu'ils tiennent à profiter de leurs "années dorées" tant que leur santé leur permet encore de le faire. 

Les touristes aisés, ou plutôt carrément riches, qui peuvent se permettre de prendre leur temps parce qu'ils n'ont pas besoin d'en consacrer à gagner de l'argent, peut-être aussi. 

Mais la plupart d'entre eux sont des adultes dans la vie active, pressés par le temps, qui ne demandent qu'à souffler un peu, et aussi à se reconnecter à un foyer qui est censé être leur famille mais que tout le reste de l'année, ils ne voient que de temps en temps quand le travail et les études leur en laissent l'occasion - ils passent tous plus de temps avec leurs collègues de travail ou avec leurs condisciples de l'école qu'avec leurs conjoints, leurs enfants, leurs parents ou leurs fratries - et dans ce contexte-là, le programme du voyage, c'est bronzette, farniente, et restaurant et quelques excursions si on en a les moyens, plutôt que le tour des richesses culturelles ou naturelles de l'endroit histoire de se cultiver et de meubler son esprit, ce qui sont certes des objectifs tout à fait louables mais pas vraiment leur priorité du moment. Leur priorité n'est pas de se casser la tête à apprendre encore de nouvelles choses dont l'utilité dans leur vie quotidienne n'est même pas garantie. Leur priorité, c'est de se reposer.

Certains - comme ma mère - diraient que si c'est pour en tirer si peu de parti - à part pouvoir se vanter auprès d'autrui d'être allé ici ou là et d'en ramener, au mieux un beau bronzage, au pire des coups de soleil - on y gagne encore plus à rester chez soi ; d'autres - comme le professeur que j'ai mentionné tout à l'heure - y verraient là toute la vulgarité du tourisme de masse. Ceux-ci, qui pensent avec Renaud que ce tourisme de masse "abîme tous les paysages", sont encore relativement nombreux ; mais y voient-ils une solution, vu que ceux-là, qui disent qu'il vaut encore mieux rester dans son "home sweet home" plutôt que se fatiguer sur de longs trajets pour ne trouver qu'un pied-à-terre dont on est déçu et où l'on est moins bien que chez soi - tout cela pour faire exactement la même chose que ce qu'on ferait chez soi, sauf qu'on le fait des centaines voire des milliers de kilomètres plus loin que chez soi - sont de moins en moins nombreux

Dans les pays occidentaux à tout le moins, partir en vacances au moins une fois par an et passer ses vacances ailleurs que chez soi est tellement entré dans les mœurs que rares sont ceux qui pensent encore à remettre cela en question.

 

Crédit image couverture : © Gérard Julien - AFP/Archives

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