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Deuxième partie : La remise en question - Chapitre 10 : La migration - Section II : Puis vinrent les années dorées en Europe... - Séquence c : Des vagues successives

Deuxième partie : La remise en question - Chapitre 10 : La migration - Section II : Puis vinrent les années dorées en Europe... - Séquence c : Des vagues successives

Publié le 24 oct. 2024 Mis à jour le 24 oct. 2024 Société
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Deuxième partie : La remise en question - Chapitre 10 : La migration - Section II : Puis vinrent les années dorées en Europe... - Séquence c : Des vagues successives

Bien sûr, si les pays en tant que tels ont accepté à l'époque de "marcher dans la combine", c'est qu'ils ont pensé y avoir un intérêt en tant que pays.

Les pays d'accueil manquaient de main-d'œuvre - après tout, la génération des actifs venait tout juste de sortir d'une guerre, et pas de n'importe laquelle mais de l'une des plus meurtrières, sinon de la plus meurtrière, de celles que l'Histoire avait connues à ce moment-là, donc elle avait été largement décimée - et il fallait des bras pour le travail, pour reconstruire ce qui avait été détruit et pour faire repartir l'activité économique puisqu'au moins il y en restait une qui ne demandait qu'à repartir pourvu qu'il se trouvât quelqu'un pour la faire tourner. 

Et les pays d'origine, quant à eux, se dédouanaient de la subsistance de leurs propres citoyens en leur proposant ailleurs des perspectives d'avenir qu'ils n'étaient pas en mesure de leur proposer chez eux. Au moins ils faisaient mine de se soucier du sort de leurs gens en leur proposant des alternatives, même si c'était au loin et même si ce n'était pas le genre d'alternatives que leurs gens auraient souhaitées de prime abord. Ce faisant, ils se soulageaient eux-mêmes d'une population de pauvres que non seulement ils n'avaient pas les moyens d'entretenir sans aucune contrepartie, mais qui risquaient en plus de devenir un ferment de contestation sociale et politique, voire de révolution, s'ils étaient laissés sur place à eux-mêmes et à leur pauvreté, voire à leur misère. Ceux qui seraient en mesure d'améliorer leur sort et celui de leur famille n'auraient pas envie de contester l'ordre existant, puisqu'ils y auraient des perspectives d'avenir, et plus ils seraient nombreux, plus la paix sociale du pays d'origine serait garantie. Après tout, que cherchaient la plupart des gens sur terre, sinon une vie meilleure pour eux-mêmes et leurs familles ? La plupart d'entre eux, surtout s'ils savaient ce que c'était qu'être pauvres, seraient déjà bien contents de pouvoir en obtenir autant que ce qu'on leur proposait dans les pays d'accueil, ils trouveraient déjà miraculeux qu'on s'intéresse à eux depuis l'étranger, au point de venir jusque chez eux pour les chercher en plus, et ne demanderaient certainement pas plus. En tout cas c'était ça le calcul à l'époque.

Et les populations ?

Bien entendu, à partir du moment où le phénomène migratoire prenait cette ampleur-là, les populations respectives des pays d'origine et des pays d'accueil ne pouvaient plus, elles non plus, y rester indifférentes.

Les populations des pays d'origine se créaient à ce sujet une mémoire de tristesse (du départ et de la séparation), d'attente et d'espoir mêlés. Émigrer commençait à représenter l'espoir d'une vie meilleure - parfois le seul que l'on avait, et parfois juste celui que l'on croyait le plus rentable et qui générait à ce titre les plus grandes espérances. Au point, parfois, de tenir pour négligeables les perspectives d'avenir sur place. Même s'il s'y mêlait le regret de ce que l'on quittait, la nostalgie et le mal du pays. Même si, la concurrence diminuant avec le départ des migrants, chacun de ceux qui restaient au pays d'origine recommençait petit à petit à y trouver sa place - même si c'était encore toujours avec moultes difficultés et au prix de beaucoup de clientélisme, de réseautage ou de magouilles (malheur, comme toujours et comme partout, à tous ceux qui n'avaient pas les relations qu'il fallait là où il le fallait). Mais même alors, comment s'empêcher d'avoir les yeux qui brillaient face à l'Eldorado supposé de l'étranger ? Surtout en considérant le marasme sur place ? 

Quant aux populations des pays d'accueil, il faut reconnaître qu'elles ne voyaient pas toujours cet arrivage de migrants d'un très bon œil et que le fait qu'il s'agissait principalement de contingents d'hommes seuls n'aidait pas trop leurs filles et leurs femmes à se sentir en sécurité. Mais, enfin, il y avait du travail pour tout le monde, alors ça passait. Voir les migrants se montrer "courageux", "travailleurs" et "durs à l'ouvrage" - sans toujours très bien réaliser qu'en fait, ils étaient exploités - aidait les autochtones à les accepter, et comme les migrants n'étaient pas difficiles sur la qualité ni le niveau de l'emploi, cela aidait les travailleurs autochtones à se montrer plus exigeants quant aux leurs, et aussi quant à leurs salaires et à leurs droits. Sans avoir de scrupules à penser que si ces migrants, qui faisaient l'effort d'apprendre sur le tas une langue qu'on ne leur avait jamais enseignée, en étaient là où ils en étaient, c'était tout simplement parce qu'ils étaient plus bêtes...

Et parfois les travailleurs autochtones les pensaient "fayots", "frotte-manche", "jaunes" et "briseurs de grève"... jusqu'au jour où ils ont réalisé qu'en fait, les migrants n'étaient pas souvent au courant de leurs droits sociaux... qui étaient pourtant censés être les mêmes que ceux des travailleurs autochtones

Alors la première vague de migrants, désormais défendue par des syndicats accusés (et pas toujours à tort) de gauchisme et d'intentions révolutionnaires, s'est fait concurrencer et repousser par une deuxième vague venue d'un autre pays d'origine et aussi peu au courant de ses droits que la première l'était au départ... jusqu'au jour où... et ainsi de suite... chaque vague de migrants s'amalgamant avec les populations autochtones et les vagues précédentes à l'arrivée de la suivante... et les employeurs reprochant à chaque fois aux syndicats de leur flinguer le coup de la main-d'œuvre meilleur marché, ignorante et docile qui faisait tout l'intérêt de cette migration de masse et en dehors duquel elle devenait tout d'un coup beaucoup moins intéressante.

Et c'est ainsi que l'Europe, de vagues en vagues, intra-européennes d'abord puis en dehors de l'Europe, a connu des migrations qui ont concerné à l'échelle du continent des millions, voire des dizaines de millions de personnes - pendant que les "Nouveaux Mondes", eux (États-Unis, Canada, Australie) restaient encore toujours candidats à l'accueil de migrants (et, eux aussi, par millions). Ceux qui leur préféraient l'Europe avaient dans le viseur des perspectives de retour au pays d'origine plus tangibles et plus proches : les Amériques et l'Australie, ça restait toujours loin... tout le monde n'en avait pas les moyens... alors ils laissaient les Nouveaux Mondes aux populations qui en étaient géographiquement plus proches, et ils se contentaient quant à eux de ce qui était comparativement à leur porte... et plus à leur portée.

Regroupement familial 

Et, surtout, les migrants se sont aperçus entre-temps qu'ils avaient été piégés par un gigantesque différentiel de niveau de vie, et que les sommes qui leur avaient paru - à eux comme aux leurs - mirobolantes dans leurs pays d'origine, se révélaient n'être dans leur pays d'accueil qu'une pauvre misère, un minimum vital qui leur permettait à peine de survivre sur place, même en se contentant d'habiter dans des phalanstères mal tenus histoire de pouvoir envoyer le maximum possible d'argent à leurs familles restées au pays. Parce que si leurs salaires leur paraissaient élevés au départ, ils n'ont pas tardé à s'apercevoir que les prix de tout étaient, eux aussi, à l'avenant. Leur première réaction fut la honte à l'idée qu'avoir tout laissé derrière eux et quitté tout et tous, notamment leurs familles et tous ceux qu'ils aimaient, n'avait pas servi à grand-chose et leur rapportait beaucoup moins que ce qu'ils avaient calculé. Ils s'en culpabilisaient en se demandant si ce n'était pas plutôt eux qui s'étaient mal débrouillés... ou qui avaient loupé quelque chose dans leur projet de migration. Mais on ne peut pas indéfiniment cacher la réalité... et finalement, toutes les familles concernées ont refait leurs calculs, financiers et autres, pour en conclure que la solution la plus sensée, c'était que les migrants ramènent leurs familles avec eux dans leurs pays d'accueil. D'ailleurs, certains avaient déjà fait souche sur place en y fondant des foyers avec des autochtones. À l'époque, les préjugés de part et d'autre n'étaient pas encore devenus des barrières quasi infranchissables... 

Et c'est ainsi qu'a commencé à s'organiser le regroupement familial et que des migrants qui, au départ, n'étaient censés être venus que de manière provisoire, ont fini par faire souche dans leurs pays d'accueil

Changement de perspective 

Bien sûr, cela a provoqué une certaine grogne de part et d'autre, dans les pays d'accueil évidemment, mais aussi dans les pays d'origine. Ce n'était pas du tout ainsi que les choses avaient été prévues au départ. Tout le monde n'avait tablé que sur du provisoire, personne n'avait prévu qu'il deviendrait définitif. L'évolution de la situation telle qu'elle se produisait changeait toute la donne. Et pour les pays d'origine, ce qui devait être au départ une série de missions provisoires et de rentrées d'argent se transformait désormais en une gigantesque fuite de bras... et aussi, potentiellement, de cerveaux. Et aussi en une dégradation de leur image à l'étranger du fait de la réputation parfois désastreuse de leur diaspora. Les pays d'origine n'avaient pas du tout prévu ça. 

Les pays d'accueil non plus, d'ailleurs. Mais, ma foi, tant que l'économie tournait, on s'en accommodait. On y soutenait même le regroupement familial pour des raisons d'éthique humanitaire. Enfin, officiellement - et aussi sincèrement... du moins pour certains. Dans la population. Tant que les familles nouvellement arrivées ne venaient pas faire une concurrence inattendue aux autochtones ou leur poser problème d'une quelconque manière. Au moins les hommes n'étaient plus seuls et cessaient donc de constituer une menace du fait même de leur solitude. Et aussi, moins idéalistement - surtout du côté des élites - parce que des consommateurs en plus, ça faisait vendre le commerce, ça faisait produire les usines, donc ça faisait tourner l'économie et ça créait des emplois. Et puis, mieux valait voir les immigrés et leurs familles dépenser leur argent au pays d'accueil que de voir les travailleurs immigrés vivre radinement et transférer un maximum de leurs paies dans leur pays d'origine pour faire vivre leurs familles, parce que ça, c'était peut-être bon pour l'économie du pays d'origine, mais ça l'était beaucoup moins pour celle du pays d'accueil - en fait, pour le pays d'accueil, cela s'apparentait, toutes proportions gardées, à une fuite de capitaux (même si en la matière, il se passait beaucoup plus grave à un tout autre niveau). Le regroupement familial était donc, sinon une bonne chose, du moins la moins mauvaise solution vu l'évolution de la situation. Donc tout allait bien.

Jusqu'au jour où le premier choc pétrolier a sonné le glas des années dorées - peu importe finalement le nom qu'on leur donne - et le début de "la crise". Une crise qui, bon an mal an, dure depuis cinquante ans et n'a jamais vraiment pris fin depuis. 

Et depuis lors, rien n'a plus jamais été pareil. En tout cas pas en matière de migration. 

 

Crédit image : © tableau d'élocution Rossignol 1462194157

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