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Paul Kammerer — Un biologiste et ses crapauds

Paul Kammerer — Un biologiste et ses crapauds

Publié le 1 mars 2024 Mis à jour le 29 avr. 2024 Science
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Paul Kammerer — Un biologiste et ses crapauds

Paul Kammerer, un biologiste autrichien du début du XXe siècle, suscite un intérêt particulier à travers son histoire captivante. Sa renommée a traversé les âges, apparaissant même dans les écrits de Bernard Werber, l'auteur qui s'inspire souvent de faits réels pour ses œuvres. Kammerer, qui vécut de 1880 à 1926, était zoologiste à l'Institut de biologie expérimentale de Vienne. En plus d'être un scientifique, il se démarquait comme socialiste, pacifiste, philanthrope et amateur de musique. Il était connu pour défendre la théorie de l'hérédité acquise, une idée auparavant soutenue par Lamarck et Darwin, mais tombée en désuétude après la mort de ce dernier.

Explication: Hérédité acquise versus sélection naturelle

Charles Darwin avançait que dans la nature, les organismes les mieux adaptés à leur environnement ont plus de chances de survivre et de se reproduire, transmettant ainsi leurs caractéristiques avantageuses à leur descendance. Ce processus conduit à l'évolution des populations au fil du temps, les caractéristiques favorables devenant plus fréquentes tandis que les caractéristiques moins adaptatives déclinent.

Paul Kammerer, quant à lui, proposait l'idée que les caractéristiques acquises par un individu au cours de sa vie peuvent être transmises directement à sa descendance. Contrairement à la théorie de Darwin basée sur la sélection naturelle de variations génétiques aléatoires, Kammerer postulait que les caractéristiques acquises par l'expérience individuelle pouvaient être héritées par les générations futures.

L'expérience des crapauds

Kammerer mena des expériences pour démontrer sa théorie. Il observa l'apparition de coussinets nuptiaux sur les pattes d'une première génération de crapauds accoucheurs communs après un changement dans leur environnement. Ces animaux, habituellement enclins à se reproduire sur la terre ferme, furent exposés à la chaleur et se mirent à préférer se reproduire dans l'eau fraîche. La peau glissante des femelles due à l'eau aurait conduit les mâles à développer ces coussinets afin de s'agripper et d'éviter de glisser dans l'eau.

Dans une série d'expériences, Kammerer démontra que ces coussinets étaient transmis héréditairement à leur descendance. Ainsi, il parvint à obtenir six générations de crapauds accoucheurs avec des callosités de rut. Enthousiasmé par cette découverte, Kammerer alla jusqu'à embrasser un crapaud, ce qui lui valut le surnom de "Krötenküsser", l'embrasseur de crapaud.

Vu le succès de son expérience, Kammerer pensa avoir démontré que certains organismes vivants, ayant acquis au cours de leur existence de nouvelles propriétés mieux adaptées à leurs conditions de vie, pouvaient les transmettre à leurs descendants. La théorie de Darwin, basée sur le principe de la sélection naturelle par le hasard dans l'évolution, ne représentait plus une vérité absolue : l'hypothèse selon laquelle les espèces se développaient selon le principe de la transformation systématique et logique devait également être acceptée comme partiellement vraie.

Cependant, les choses n'étaient pas si simples. Kingsley Noble, conservateur des reptiles au Musée américain d'histoire naturelle de New York, examina le matériel expérimental de Kammerer et démontra que les prétendus coussinets nuptiaux avaient été simulés par des injections d'encre de Chine. Quelques semaines plus tard, pour cette raison entre autres, Kammerer se suicida.

Cette histoire, racontée par Arthur Koestler dans son essai "Le cas du crapaud accoucheur", le défendit. Dans sa biographie, Koestler décrit comment, quels que soient les résultats interprétés, les expériences de Kammerer constituaient un travail pionnier réel, qui enthousiasmait à juste titre les biologistes de toute l'Europe. On aurait pu s'attendre à ce qu'une foule de chercheurs suive fiévreusement ses traces. Mais rien ne se passa. Personne ne fit sérieusement d'effort pour confirmer ou réfuter son travail. De son vivant, il fut victime d'une campagne de dénigrement organisée par les défenseurs de la nouvelle orthodoxie. Ses opposants refusaient d'admettre que ces expériences fournissaient au moins une donnée à vérifier, mais ils étaient incapables ou peu disposés à les reproduire. Après sa mort, ils se sentirent soulagés de toute obligation à cet égard.

Ainsi... ces petits crapauds étaient-ils vraiment capables de s'adapter si rapidement, d'une génération à l'autre ? Nous ne connaîtrons jamais la vérité sur l'expérience de Kammerer, mais espérons que les scientifiques se pencheront à nouveau sur cette question intéressante.

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