5. Je ne sais pas : Brian
Sur Panodyssey, tu peux lire 30 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 29 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
5. Je ne sais pas : Brian
Je ne sais pas ce qui s’est réellement passé au cœur de cette forêt il y a dix ans. Je ne sais qu’une chose : je ne me suis jamais senti aussi bien de toute ma vie. J’ai longtemps eu honte de me l’avouer, et j’ai enfoui ces sentiments au plus profond de moi parce que trois hommes ont trouvé la mort dans cet accident d’hydravion, dont deux de mes collègues. Le stage de survie tant attendu avait tourné au cauchemar lorsque le pilote avait perdu le contrôle de son appareil. Pourtant, dans les semaines qui ont suivi, je n’ai jamais ressenti un tel épanouissement… Une traversée de près de mille kilomètres à pied, seul, sans équipement, en plein cœur de la forêt boréale. Seul ?
Je ne sais pas, je ne sais plus… je ne faisais qu’un avec mon environnement, partie d’un tout, élément d’un ensemble si vaste, si complexe, et cependant si harmonieux… J’étais sur le point de tout savoir, de tout décoder, de trouver les réponses à toutes mes questions. Chaque jour, ma conscience frôlait un peu plus un degré de perception absolu, sans jamais parvenir à l’atteindre tout à fait. Comme un rêve qui s’étiole au petit matin et que l’on sent irrésistiblement nous échapper. La promesse de la plénitude et de la compréhension, si proche, et pourtant hors de portée.
Je ne sais pas ce qui m’a poussé à retourner à la civilisation. Sur les derniers jours de mon périple, toutes les fibres de mon corps me criaient de faire demi-tour, de m’enfoncer au cœur de la forêt et de m’y fondre à tout jamais. Suis-je revenu pour ma femme ? Où ai-je quitté la forêt parce que je n’étais pas encore prêt pour ce qu’elle avait à me révéler ?
Je ne sais pas si mon thérapeute a raison, si je n’ai pas tout simplement été victime d’un syndrome post-traumatique. Mon esprit pouvait avoir altéré ma perception du temps, de mon environnement, de la douleur et de la fatigue pour me permettre de tenir le coup jusqu’au bout.
Je ne sais pas ce qui s’est réellement passé au cœur de cette forêt il y a dix ans. Je ne sais qu’une chose : je ne peux pas partir sans savoir, je ne peux pas mourir sans retourner là-bas une dernière fois…