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Syndrome de Stockholm (1/2)

Syndrome de Stockholm (1/2)

Publié le 27 oct. 2020 Mis à jour le 27 oct. 2020 Santé
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Syndrome de Stockholm (1/2)

Troisième séance 

– Comment on commence ? elle commence par me dire.

– Vous dites tout ce qui vous passe par la tête. Comme d'habitude.

– Oui, c'est la troisième fois aujourd'hui, alors j'aimerais savoir ce que vous pensez de moi ? Enfin, si vous pensez que je suis folle ?

Elle compte les séances, là, c'est normal, il n'y en a que dix, c'est un coaching d'entreprise. Et déjà, la première fois, elle m'avait demandé ce que je pensais d'elle parce qu'elle avait peur d'avoir le « syndrome de Stockholm ». Quand l'otage devient amoureux de son ravisseur, elle avait précisé. 

Tout ça parce que son boss lui avait dit ce qu'il pensait d'elle. Très directement. Même si elle ne lui avait rien demandé. En tout cas, pas explicitement, là. Bref. Il lui avait « donné un feedback » lors d'un rituel de management, un entretien de fin d'année, l'E.F.A, elle avait dit. Et c'est vrai que, d'après ce qu'elle en disait, ça semblait plutôt sadique tout ça. Alors elle « voulait sa peau » aujourd'hui. Mais elle aimait bien aussi peut-être ce genre de liens, j'ai pensé. 

Je ne lui ai pas demandé, j'ai plutôt questionné les antécédents familiaux pour savoir s'il y avait ça plus ou moins, autour d'elle. J'ai dit « autour » pour ne pas aborder de front le symptôme affiché, sinon ça dresse les défenses. Elle a cherché dans sa tête, mais non ! Pas du tout, elle ne voyait pas. En tout cas, pas dans sa famille. Mais un peu quand même avec son prof de patin à glace quand elle était enfant. Oui, son entraîneur lui collait souvent des baffes. Sur la tête. Ou bien aussi une tape sur les fesses. Et même les deux parfois. C'était pour qu'elle « performe » et qu'elle monte sur le podium plus souvent.
Mais c'est comme ça dans ce milieu-là, c'est normal. Comme ici peut-être, enfin comme en-dessous, à l'Académie de danse. Elle vient tous les mercredis, alors elle a dû voir plein de jeunes filles en tutu dans l'escalier et ça lui rappelle tout ça en montant peut-être. Et donc pour monter sur le podium les baffes ça marchait bien avec elle visiblement. Je ne lui ai pas demandé si elle était amoureuse de son prof de patin à glace, comme dans le syndrome de Stockholm, mais juste après, elle a parlé de son premier amoureux qui commençait à devenir violent avec elle. Alors elle l'a quitté. C'était quand elle faisait ses études à Toulouse. Ensuite, elle est revenue à Paris, tout à côté de sa famille, de ses parents et de ses sœurs. Ça c'était les premières séances donc.

– Alors, que pensez-vous de moi ?

– C'est quoi être folle pour vous ? je lui demande.

Elle reparle un peu du syndrome de Stockholm et, pour la décaler, j'évoque un instant le syndrome de Lima. Quand le ravisseur tombe amoureux de ses otages et les libère un par un alors. Et c'est là que, de fil en aiguille, elle en vient à la question de la maternité et du désir d'enfant. Je ne sais plus trop comment elle a exprimé ça, mais cette question-là ce n'était pas du tout une question pour elle, jusqu'à présent. 

Non, parce qu'elle a deux sœurs et chacune a déjà fait trois enfants. Elle est la dernière et pendant un long moment il y a eu pas mal de rififi entre les deux aînées, parce qu'elle voyait la cadette qui prenait son temps pour faire des bébés. Et donc avoir trois enfants c'est normal, c'est comme ça dans toute sa famille. Et pour son mari ? j'ai demandé. Ça lui semble aussi normal tout ça. Et donc elle a déjà fait le premier bébé, il y a deux ans, mais c'est bizarre, elle n'arrive pas à faire le deuxième. 

Là, j'ai bien envie de lui demander si son bébé se sent pris en otage de tout ça, comme à Stockholm. Parce que forcément ça imprègne ce genre de programme, mais je garde ça pour moi. Et puis elle continue sur ce fil-là. L'horloge biologique tourne et ça risque de devenir critique pour en avoir trois, dit-elle. Et donc, en ce moment, elle fait plein de diagnostics, elle a d'ailleurs les résultats aujourd'hui et puis après elle se lancera dans la procréation médicalement assistée, une P.M.A elle précise. Non pas une fécondation in vitro, pas une FIV, quelque chose « un peu en-dessous », moins lourd donc pour commencer. Je ne vois pas trop ce que c'est mais peu importe, là, je lui dis que tout ça interroge son désir à elle, son désir d'enfant. 

Elle dit qu'elle ne croit pas que ce soit « un problème psychologique » si c'est à ça que je pense. Non, vraiment pas, elle me lance. Mais si le protocole ne marchait pas, si elle n'y arrivait pas, ce ne serait pas normal, elle ne serait pas normale, elle dit. Elle serait quand même sur le podium, j'ai pensé, parce qu'il y a toujours trois places sur un podium. Mais peut-être aussi un peu « folle » alors par rapport au programme familial.

Et c'était la fin de la séance. 

***

A suivre...

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