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Peut-être que j'ai voulu tué ma psy aussi 

Peut-être que j'ai voulu tué ma psy aussi 

Publié le 8 déc. 2020 Mis à jour le 8 déc. 2020 Bien-être
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Peut-être que j'ai voulu tué ma psy aussi 

Et pourquoi tu ne prends pas un amant ?

C'est sa mère qui lui a proposé ça l'autre jour. Elle raconte ça à sa copine tout à côté d'elle, en terrasse. L'une blonde, l'autre brune, toutes les deux plutôt chics en apparence. Elles se partagent une planche mixte, cochonnailles et fromages. Et un pochon de rouge. Et moi je suis à deux tables de là, Grimbergen et cacahuètes.

J'aime bien me poser là, des fois, pour écrire. C'est juste derrière l'UNESCO et c'est calme d'habitude. Et là, j'ai envie d'écrire sur un moment un peu fou, l'autre soir, quand j'avais un couteau dans ma musette avant d'aller chez ma psy. J'ai pourtant décidé de ne plus écrire sur mes séances en divan parce que je sens bien que ça interfère avec mon analyse. C'est une forme de répétition aussi. Oui, je rejoue l'enfant qui fait son malin, qui veut se donner à voir en publiant des choses très intimes. Et puis, comme je lâche un peu les défenses, ça paraît de plus en plus fou mes séances. Ma psy m'a demandé si j'espérais être compris en publiant des histoires comme ça, mes histoires très privées. Et ça m'a un peu calmé sa question parce que, non, évidemment ça vient de l'inconscient et c'est souvent incompréhensible.

Je regarde à la table d'à-côté celle qui devrait prendre un amant – la brune je crois –, elle ferait mieux de prendre un psy, je me dis. Surtout que visiblement c'est plutôt un fantasme de sa mère cette histoire d'amant. L'instant d'avant, la blonde parlait de maladies et d'antécédents familiaux et ça m'a fait penser que même si l'amour, ce n'est pas vraiment une maladie, on a tous des antécédents de ce côté-là aussi. Oui, notre manière si particulière de tomber en amour et puis alors de se coller, s'entrelacer, se chercher, ou de se chipouiller, bouder, attaquer et même parfois de s'entre-tuer, tout ça ressemble tellement à ce qui se passait sous notre nez ou dans la chambre des parents, enfin à ce qu'on imaginait des ébats ou des combats de ces deux-là. Et comme ce n'est pas génétique l'amour, c'est juste un copié-collé plus ou moins subtil, c'est important de remonter aux antécédents familiaux si on veut un peu sortir de l'histoire.

Et je reviens à mon histoire. Donc l'autre soir, j'avais un couteau dans ma musette et, au moment d'entrer chez ma psy, je ne sais pas trop comment – sans doute en rangeant mon mobile ou en préparant l'argent de la séance –, le couteau est tombé sur le sol. Je n'ai pas du tout envie de la tuer ma psy, enfin pas consciemment en tous cas, mais c'était comme un acte manqué.

La même chose, s'il vous plaît !

La blonde d'à-côté commande un autre pochon, un côtes-du-ventoux. Et maintenant la brune raconte ses prochaines vacances d'été. Trois semaines en août, sur le mode repas en famille et picole, avec la belle-mère, le beau-frère, les enfants – enfin, les enfants ne picolent pas, pas encore –, et tous les repas qui s'étirent ainsi jusque tard, l'après-midi et le soir. Et c'est comme ça chaque année. Elle n'en peut plus. Et elle n'est même pas partie qu'elle a déjà hâte de rentrer, reprendre les déplacements d'affaires et l'hôtel, parce que là, au moins, elle ne fait plus à manger, on la sert. Mais pourquoi tu n'essaies pas de changer les choses ? lui demande sa copine. Je tends l'oreille mais la réponse n'est pas très claire comme si elle préférait cette vie-là au fond. Et continuer de se plaindre. Là aussi, il doit y avoir plein d'antécédents familiaux. Mais les gens préfèrent répéter leur histoire. 

Et donc le couteau qui est tombé de ma musette c'était un couteau à huîtres que j'avais à l'atelier. Mais je ne mange plus du tout d'huîtres à Paris, alors je le ramenais à la campagne.

Il a une lame très courte et un bout rond ce couteau-là pour éviter de se blesser et donc ce n'était pas vraiment dangereux. Mais en le ramassant j'ai aussitôt pensé à une histoire où une patiente est soupçonnée d'avoir assassiné son psychanalyste avec un couteau. C'est un roman et, jusqu'à la fin, on ne sait pas trop si c'est un coup de folie passager, une vengeance ou l'étape ultime du transfert. On ne sait même pas si c'est elle l'auteure du meurtre. (*)

Et une fois sur le divan j'ai raconté ça à ma psy mais elle n'a absolument rien dit. Pourtant les huîtres, le couteau, c'était plein de signifiants je trouve. Mais ça a fait un flop ! Alors c'était peut-être ça mon acte manqué : trouver un nouveau truc, un peu sensationnel, que je pourrais ensuite écrire et publier, une manière de me donner à voir encore. Avec les mots.
Et puis j'ai repris le fil de mon histoire et j'ai bien vu alors à qui je voulais m'en prendre au fond, encore.

***

(*)Viviane Elisabeth Fauville - Julia Deck - Editions de Minuit - 2014

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