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État des lieux 2021 : la lutte contre les violences faites aux femmes 

État des lieux 2021 : la lutte contre les violences faites aux femmes 

Publié le 13 janv. 2021 Mis à jour le 13 janv. 2021 Politique
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État des lieux 2021 : la lutte contre les violences faites aux femmes 

Les actes de violence à l'encontre des femmes sont réprimés de plus en plus sévèrement en France. Ils donnent lieu à de fortes mobilisations, facilitées par les réseaux sociaux. La parole des femmes se libère peu à peu. Au-delà de la répression des violences, la politique de prévention passe par une action sur les stéréotypes sur sur les femmes.

État des lieux 2021 : la lutte contre les violences faites aux femmes

Violences faites aux femmes : de quoi s’agit-il ?

Les violences subies par les femmes constituent l’une des violations des droits de l’homme les plus répandues dans le monde.

L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) a adopté en 1993 la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes(nouvelle fenêtre). Elle définit la violence à l’égard des femmes comme tous les “actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée” (article 1er).

Ces violences peuvent prendre des formes très diverses :

  • violences domestiques (coups, violences psychologiques, viol conjugal, féminicide) ;
  • harcèlement ou agression sexuelle (viol, avances sexuelles non désirées, harcèlement dans la rue, cyber-harcèlement) ;
  • mariage précoce et forcé  ;
  • mutilation génitale féminine ;
  • trafic d’êtres humains (esclavage, exploitation sexuelle).

Ces violences constituent la manifestation la plus aiguë de l’inégalité homme-femme. La déclaration des Nations unies les lie explicitement à la domination des hommes et à la subordination des femmes.

Le cyber-harcèlement est une forme de violence assez récente qui se développe. Les menaces de viol, les injures sexistes et autres invectives font partie du quotidien de nombreuses femmes sur le Web.

La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique sanctionne sévèrement la pratique de la “vengeance pornographique” (revenge porn), qui consiste à diffuser des images à caractère sexuel sans le consentement de la personne concernée. L’auteur de cette infraction encourt une peine de deux ans d’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à 60 000 euros.

Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) a publié en 2018 un rapport intitulé “En finir avec l’impunité des violences faites aux femmes en ligne : une urgence pour les victimes”. Ses conclusions sont alarmantes : 73% des femmes déclarent en être victimes, et pour 18% d’entre elles sous une forme grave. Ces violences visent, selon le Haut Conseil, à contrôler la place des femmes et à les exclure de l’espace public. Elles se manifestent principalement sous deux formes :

  • le cyber-contrôle dans le couple : un conjoint ou un ex-conjoint violent surveille l’activité de sa conjointe (conversations, déplacements, dépenses, etc.), éventuellement à son insu via des applications dédiées ;
  • le harcèlement sexiste et sexuel en ligne, qui consiste à envoyer des messages ou à publier des propos insultants, dénigrants, voire menaçants.

Une prise de conscience récente

À la suite de la 4e Conférence mondiale sur les femmes(nouvelle fenêtre) qui s’est tenue à Pékin en 1995, la France doit fournir des statistiques précises sur les violences faites aux femmes.

En 1997, le Service des droits des femmes et de l’égalité commandite l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff)(nouvelle fenêtre). Les données sont collectées en 2000, et les résultats publiés en 2003.

Il s’agit de la première enquête nationale qui porte sur des violences sexuées, c’est-à-dire visant les femmes en tant que telles. Elle montre que le phénomène atteint des femmes de tous les milieux, dans la vie privée, dans les espaces publics comme au travail. Par ailleurs, l’image traditionnelle et trop restrictive de la femme battue doit être sérieusement revue. Au sein du couple et de la famille, les femmes concernées sont confrontées à de multiples agressions qui peuvent être physiques mais aussi verbales, psychologiques et sexuelles.

L’enquête estime qu’environ 50 000 femmes entre 20 et 59 ans sont victimes de viol chaque année. Ces viols sont principalement commis par des proches et, dans leur immense majorité, ne sont pas déclarés à la police.

Parmi ces agressions, le viol conjugal occupe une place importante et méconnue : près de la moitié des femmes victimes de viol l’ont été de la part d’un conjoint. L’Enveff a ainsi mis en évidence l’ampleur du silence et l’occultation des violences par les femmes qui les subissent.

Cette étude a soulevé des critiques, notamment de la part du démographe Hervé Le Bras et de la philosophe Élisabeth Badinter, qui ont dénoncé un féminisme victimiste selon lequel les femmes seraient partout victimes de la domination masculine. Néanmoins, l’étude a permis de lever le tabou sur les violences subies par les femmes, particulièrement au sein du couple.

La mesure de ces violences reste difficile. Le développement de l’information statistique sur ce sujet figure dans tous les plans gouvernementaux de lutte contre les violences faites aux femmes. Une meilleure connaissance du phénomène et sa diffusion publique doivent aider les femmes victimes à briser le silence dans lequel les maintient la crainte de violences répétées.

En 2013 a été créée la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF). Elle est chargée de rassembler, d’analyser et de diffuser les informations et données relatives aux violences faites aux femmes. Elle publie notamment la Lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes(nouvelle fenêtre).

La première enquête sur la violence à l’égard des femmes dans les 28 États membres de l’Union européenne(nouvelle fenêtre) a été menée en 2014 auprès de 42 000 femmes. Il en ressort qu’une sur trois a subi au moins une forme de violence physique ou sexuelle depuis l’âge de 15 ans et qu’une femme sur deux a déjà été victime d’une ou plusieurs formes de harcèlement sexuel. Mais le signalement de ces abus aux autorités reste faible.

D’après l’enquête sur les viols et agressions sexuelles en France réalisée en 2015 par l’Institut national d’études démographiques (INED)(nouvelle fenêtre) :

  • les violences sexuelles les plus graves touchent les femmes et sont le fait d’un ou plusieurs hommes ;
  • les mineures et les jeunes femmes sont les plus exposées ;
  • les agressions se produisent en priorité au sein de la famille et de l’entourage proche.

La dernière enquête “Cadre de vie et sécurité” de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)(nouvelle fenêtre) révèle qu’entre 2011 et 2018, 295 000 personnes de 18 à 75 ans, dont 72% de femmes, se sont déclarées victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Ces violences conjugales ne sont pas souvent suivies de plaintes, surtout lorsqu’elles ont un caractère sexuel : seules 27% des victimes les ont signalées à la police ou à la gendarmerie.

Selon une étude de la Délégation aux victimes du ministère de l’intérieur(nouvelle fenêtre), les morts violentes au sein du couple ont concerné 173 victimes en 2019 (contre 149 en 2018), majoritairement des femmes (146 contre 121 en 2018). Sur ces 146 femmes tuées, 41% avaient déjà subi des violences de la part de leur partenaire et 43% avaient déposé une plainte.

Le HCEfh, dans son deuxième état des lieux du sexisme en France(nouvelle fenêtre), paru en 2020, rappelle sa définition du sexisme : il s’agit d'”une idéologie qui repose sur l’infériorité d’un sexe par rapport à l’autre, mais aussi un ensemble de manifestations des plus anodines en apparence (remarques, plaisanteries, etc.) aux plus graves (viols, meurtres) qui ont pour objet de délégitimer, stigmatiser, humilier ou violenter les femmes et entraînent pour elles des effets en termes d’estime de soi, de santé psychique et physique et de modification des comportements”.

En France, 99% des femmes disent avoir été victimes d’un acte ou comportement sexiste en 2019. Le Haut Conseil a étudié plus précisément trois domaines de la vie publique :

  • le milieu de l’entreprise, où le sexisme demeure très important mais où naissent aussi beaucoup d’initiatives pour le combattre ;
  • les médias : les émissions de divertissement, notamment la téléréalité, diffusent une image caricaturale des femmes ;
  • le monde politique, qui fonctionne encore comme une “chasse gardée des hommes” malgré les avancées de la parité sous l’effet des contraintes légales.

Une réponse pénale croissante

Pour prévenir et sanctionner ce phénomène, un important arsenal législatif s’est peu à peu constitué et cinq plans interministériels de lutte contre les violences faites aux femmes ont été adoptés. Le 5e plan, couvrant la période 2017-2019(nouvelle fenêtre), visait en particulier à lutter contre le sexisme et la culture des violences et du viol.

Le gouvernement a organisé, à l’automne 2019, le premier Grenelle contre les violences conjugales, sur la base d’un constat : en France, une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint. Une stratégie nationale de lutte contre les violences conjugales(nouvelle fenêtre) a été annoncée à l’issue des discussions, afin de :

  • mieux prévenir les violences ;
  • protéger davantage les victimes et leurs enfants ;
  • mettre en place un suivi et une prise en charge des auteurs de violences pour éviter la récidive.

En 1980, le viol est devenu un crime passible de 15 à 20 ans d’emprisonnement. Le viol entre conjoints est reconnu par la jurisprudence à partir de 1990. La violence au sein du couple acquiert un statut particulier avec la loi du 22 juillet 1992,(nouvelle fenêtre) qui dispose que la qualité de conjoint ou de concubin de la victime constitue une circonstance aggravante des “atteintes à l’intégrité de la personne”.

La loi du 26 mai 2004 relative au divorce(nouvelle fenêtre) introduit dans le code civil un dispositif permettant à la victime de violences de saisir le juge, avant même toute requête en divorce, pour organiser la résidence séparée du couple en bénéficiant d’une priorité à son maintien dans le domicile conjugal.

La loi du 4 avril 2006(nouvelle fenêtre) vise à améliorer la réponse pénale à ces violences au sein des couples. Elle généralise la circonstance aggravante résultant de la qualité de conjoint ou de partenaire de la victime, et crée une mesure d’éloignement du domicile du conjoint violent.

La loi du 9 juillet 2010(nouvelle fenêtre) précise la circonstance aggravante et crée un délit de harcèlement au sein du couple. Elle autorise également l’expérimentation pour une durée de trois ans du bracelet électronique afin de maintenir à distance les ex-conjoints violents. Ce dispositif ne concerne que les auteurs de violences graves condamnés à au moins cinq ans de prison.

En 2013 est transposée dans le droit interne la définition juridique de la traite des êtres humains du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains,(nouvelle fenêtre) adoptée le 16 mai 2005.

La France ratifie, le 4 juillet 2014, la convention du Conseil de l’Europe(nouvelle fenêtre) sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Premier instrument européen contraignant, elle définit et érige en infractions pénales les différentes formes de violence contre les femmes.

La loi du 27 février 2017(nouvelle fenêtre) prévoit un allongement des délais de prescription à six ans pour les délits comme les violences par le conjoint, les agressions sexuelles autres que le viol (attouchements, baisers forcés, etc.), le harcèlement moral, les menaces de meurtre, de viol ou d’agression sexuelle. Les délais de prescription en matière de crime sont allongés à 20 ans pour les viols, les violences d’un conjoint ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, les meurtres, les enlèvements et les séquestrations.

La loi du 3 août 2018(nouvelle fenêtre) étend à 30 ans le délai de prescription des crimes sexuels commis sur des mineurs à partir de la majorité de la victime, renforce des dispositions du code pénal destinées à réprimer les infractions sexuelles sur les mineurs(nouvelle fenêtre) et crée une infraction d’outrage sexiste pour réprimer le harcèlement dit “de rue” et élargir la définition du harcèlement en ligne.

La loi du 28 décembre 2019 fixe à six jours maximum le délai de délivrance d’une ordonnance de protection par le juge aux affaires familiales. Le juge peut ainsi mettre en place les mesures d’urgence sans attendre que la victime porte plainte. La loi prévoit aussi l’attribution d’une aide financière aux victimes qui souhaitent changer de logement et élargit le port du bracelet électronique anti-rapprochement et les conditions d’attribution d’un téléphone grave danger.

La loi du 30 juillet 2020 transcrit dans la législation les travaux du Grenelle contre les violences conjugales. Pour renforcer la protection des victimes, elle prévoit :

  • la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur dont dispose le parent violent ;
  • l’inscription automatique au fichier judiciaire des auteurs des infractions les plus graves ;
  • la décharge de l’obligation alimentaire pour les ascendants, descendants, frères et soeurs d’une personne condamnée pour violences conjugales ;
  • la levée du secret médical quand les violences mettent en danger immédiat la vie d’une personne majeure qui se trouve sous l’emprise de l’auteur des faits.  

Les réponses sociétales apportées aux femmes

À côté de la réponse pénale aux violences faites aux femmes, des actions sont entreprises afin de repérer et prendre en charge les femmes victimes de violences. Des campagnes d’information sont régulièrement menées, et à partir de mars 2007 est institué un numéro d’appel unique destiné aux victimes ou aux témoins de violences conjugales : le 3919, qui est toujours effectif.

Les “téléphones grave danger”, des portables dotés d’une touche directe pour appeler les secours en cas d’urgence, ont permis plus de 400 interventions des forces de l’ordre en 2018.

Une plateforme de signalement en ligne(nouvelle fenêtre), disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, a également été créée pour permettre aux victimes de dialoguer anonymement avec un policier ou un gendarme formé aux violences sexuelles et conjugales. Elle permet aussi de recueillir les signalements de témoins.

De même, afin d’accueillir et d’accompagner les femmes victimes de violences, des structures d’hébergement sont mises en place, et la loi du 5 mars 2007 relative au droit au logement opposable(nouvelle fenêtre) (dite “loi Dalo”) prévoit que les femmes victimes de violences font partie des publics prioritaires pour l’attribution de logement sociaux.

La loi du 7 mars 2016(nouvelle fenêtre) facilite l’accès des femmes étrangères victimes de violences à un titre de séjour.

La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017(nouvelle fenêtre) reconnaît également les femmes menacées de mariage forcé comme prioritaires pour l’accès à un logement social. Elle ouvre la possibilité aux associations en faveur des droits des femmes d’exercer les droits reconnus à la partie civile des crimes et délits sexistes, avec l’accord d’un ayant droit d’une victime décédée.

Le HCEfh a publié le 13 octobre 2020 un rapport qui met en lumière le parcours des femmes, de leurs enfants et de leurs proches depuis la révélation des faits jusqu’à la sortie effective et durable du cycle des violences. Il déplore des carences et des dysfonctionnements persistants dans la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales et de leurs enfants : il y a trop de moments où “elles sont laissées seules et exposées face à un conjoint ou un ex-conjoint violent alors qu’elles ont osé briser le silence imposé par l’agresseur”, écrit le HCEfh sur son site. 

Violences conjugales et confinement

L’annonce du premier confinement lié à la pandémie de Covid-19, en mars 2020, a suscité l’inquiétude des pouvoirs publics et de la société civile, face au risque de recrudescence des violences envers les femmes. Le gouvernement a lancé rapidement un plan d’urgence pour protéger les victimes de violences conjugales pendant cette période(nouvelle fenêtre). Il renforçait les dispositifs :

  • d’alerte et d’écoute, qui ont fait l’objet d’une large communication ;
  • d’intervention à domicile et de mise en sécurité des femmes et des enfants (le traitement judiciaire des violences intrafamiliales a été priorisé) ;
  • d’accompagnement des victimes (hébergement, soutien financier).

Le bilan des violences faites aux femmes durant le confinement(nouvelle fenêtre), publié par la MIPROF en juillet 2020, confirme leur forte hausse entre le 16 mars et le 10 mai 2020.Le nombre d’appels au 3919 a bondi : la plateforme a reçu 44 235 appels et déclenché une prise en charge pour 15 610 d’entre eux. Les appels pour violences conjugales ont triplé par rapport à 2019 sur la même période : ils représentaient 9% des appels en 2019, 19% au début 2020 et 25% pendant le confinement. Le ministère de la justice a enregistré moins de féminicides mais plus de tentatives de meurtre.

La crise sanitaire et le confinement auraient eu un effet révélateur (et non déclencheur) des violences conjugales, et un effet aggravant dans certaines situations. Le rapport de la MIPROF recommande de pérenniser et de renforcer les dispositifs et les actions mis en place durant le confinement car ils s’avèrent bien adaptés aux spécificités des violences au sein du couple. Dès l’instauration du deuxième confinement, en novembre 2020, le gouvernement a communiqué sur les mesures prévues(nouvelle fenêtre) en la matière.

Les violences envers les femmes sont parfois banalisées, voire encouragées par des stéréotypes. L’école a un rôle à jouer pour prévenir les violences entre jeunes, lutter contre des comportements sexistes et assurer une éducation au respect afin d’éviter que ne s’ancrent à l’âge adulte des comportements de domination générateurs de violences envers les femmes.

De même, les médias contribuent à la formation des représentations sociales. Les chaînes de radio et de télévision doivent remettre chaque année au Conseil supérieur de l’audiovisuel des indicateurs qualitatifs et quantitatifs sur la représentation des femmes et des hommes dans leurs programmes.

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