Biorythmes
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Biorythmes
Qu'est-ce que cela peut-il bien changer de rester à la maison ?
Nous avons tout prévu : les courses à distance, la conciergerie, impôts.gouv, amendes.fr, la visioconf, le elearning et les encombrants de Paris dans l'heure. Bien avant les confinements et les crises sanitaires et sécuritaires.
Qu'est-ce que cela peut-il bien changer alors ce nouveau confinement qui bénéficie des apprentissages du premier ? Chacun a ZOOM, TEAMS ou WHATSAPP et chacun peut enfin cesser de se justifier lorsqu'il est en télétravail. En est-il des désorientés ?
Si. Il en est.
Il en est qui ne souhaitent pas poser de congés.
Nos contradictions subjectives l'emportent. Nos liens maudits, mal dits, nos dépendances.
Ce jour télétravaillé serait-il moins travaillé, et alors, proche d'un congé ? Congé de quoi, congé de qui lorsque rien ne nous attend et que personne est là pour nous ?
Je suis indépendante. Cela fait alors dix ans que je ne me fie plus ni à l'heure ni au jour de la semaine ni au mois du calendrier pour recréer mon metier, pour repenser ma contribution existentielle. Mes rendez-vous sont scrupuleusement fixés en heures ouvrables. Mes idées, elles, naissent et meurent au rythme de la vie, sans cloisons en plexiglass ni distances de précaution. Aussi, si un client ou un partenaire s'immiscent dans ces espaces à ciel ouvert dans le même esprit, ouvert, je les accueille et je file. Et eux aussi ils filent. Jusqu'au prochain biorythme de rapprochement naturel, inaliénable, librement consenti sans rien à perdre ni à gagner.
L'infantile est, lui, corporatiste.
L'infantile que la vie "corporate" prolonge nous retiendrait de vivre ainsi. Les longs dimanches en famille enfermés au coeur de la ville, les soirées faites de devoirs et de fatigue accumulée, le bus scolaire au petit matin, la cantine bruyante en rangs prédisposés. Non. L'enfance qui me revient, qui peut vous revenir, indépendants ou salariés, serait celle "d'un invincible été", de Camus et de l'hiver de nos vies qui battent le plein.
L'enfance est tenue à un lieu. Mais dès qu'elle est libre de son temps, elle est libre de ses vides et de ses pleins, de ses liés et de ses déliés.
L'enfance est, elle, divinément corporelle.
C'est de l'enfance que nous vient la vie la vraie. De la traite de la vache sans hâte et sans la douleur du réveil. Des courses ménagères à vélo dans le hameau. De l'odeur du four à pain. De la cueillette de fruits au verger. Des ordures ménagères brûlées dans une clairière. Du repas familial en désordre et en longueur. Avec un ou deux copains, de passage et de fous rires. La sieste tardive en lectures. Les veillées aussi en musique.
Avec ou sans ce grand air et ces apports minuscules, à présent, chacun, peut être confiné à l'enfance, et au près de ses besoins qui ne sont que rythmes de vie, libérés.
L'espace confiné n'est pas un temps arrêté mais, peut-être, retrouvé.
L'existence est l'infini de nos expériences sensibles, inévitables en enfance, indispensables à la maturité pour continuer de grandir sans ployer, jusqu'au bout glorieux.
Les horizons ouverts à l'arrêt ne sont pas le gage de la liberté.
Qu'est-ce que cela peut bien changer de pouvoir quitter la maison au sens de son "chez-soi" et de ses cadences discrètes et marquées ? Ne plus abandonner les mouvements de l'âme, du coeur et de l'esprit à la fois vifs et reposés.
Eva Matesanz exerce en tant que consultant indépendant en psychochodynamique et écosystémique depuis 2010, après avoir exercé des responsabilités en entreprise multinationale. Elle est chargée d'enseignement universitaire de ces mêmes disciplines et conférencière en LeadershipS et Empowerment des liens faibles pour la saison 2020-2021