Souvenir de l'aube
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Souvenir de l'aube
Dans la rue, il pleut des hommes et des femmes et des enfants parfois, et leurs pas ruissèlent, et ce parfum mouillé qui agite les narines, avant les nuits d’orage, les soirs d’été où l’on sait, peut-être, que le matin la fraîcheur sera au rendez-vous, dans les ruelles presque séchées de l’aube, me saisit le cœur larmoyant de bonheur, ce parfum semblable à la menthe fraîche dans la tiédeur des chambres d’été.
Plus loin, au-delà des jardins, se trouve la mer, immensité liquide d’écumes bruyantes, origine des brumes et des orages, d’où la vie est née, avant même que le monde eût vu l’aurore. lI s'agit d’une naissance assez lointaine, qu’en général nous voyons s’éloigner, cette mer aux eaux lointaines, souvenirs de poissons glissants que les profondeurs hébergent.
Dans ces recoins de sables et de roches où les rayons du ciel ne sont jamais parvenus, tout m’échappe, tout s’éloigne au loin du bord de ces brumes originaires d’où mes os, ma peau étanche, la sécheresse de mon cœur et de l’écriture sont nées, et ma soif est aussi insatiable et apatride que la mer dont elle est fille, cette mer qui s’éloigne comme une larme quitte l’œil, souvenir lointain d’une noyade dont il ne reste que le sel aride et déchirant ; je ne suis plus que la peau, l’argile, et le souvenir de l’aube qui s’aiguise désespérément ; et, peut-être, la plante sèche qui respire à toutes les gouttes invisibles de l’air, comme un vieux malade à qui on fait écouter, dans sa chambre aseptisée, quelques notes d’un vieux morceau de jazz où la douleur peut enfin s’évaporer.