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L'attrape-rêves

L'attrape-rêves

Publié le 29 mars 2023 Mis à jour le 21 juin 2024 Poésie et chanson
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L'attrape-rêves

"Le sombre charognard s’en va crever le ciel.

D’une élégance macabre, il s’envole.

Dans son costume noir, il danse, l’immortel.

D’un battement d’ailes immenses, il décolle.

La lumière de la lune, grisâtre et spectrale,

impose sur ses plumes

des lueurs fantomatiques.

La nuit est son royaume

et les vacillantes flammes

reflètent, en ses globes,

le fragile du feu des âmes.

Je veux être ce corbeau

et transcender ma conscience

pour enfin changer de peau,

foudroyer le silence

par mes cris,

annonciateurs d’une arrivée imminente,

faire naître la peur,

une angoissante attente.

Que le rampant se morde la queue,

qu’il s'étouffe d’arrogance.

Sinistre serpent silencieux

sifflant sa subtile sentence.

Retourne au fond de ta vieille terre,

toi le sombre, le solitaire.

Ta malveillance a fait de toi

une proie qui ne m’échappera guère.

Quant à toi, dors ma colombe,

j’accrocherai la toile

au-dessus de ce monde,

au-dessous des étoiles.

Que les esprits des songes chagrins

se consument au matin

et que demeurent tes blanches lèvres

dans les plumes de l’attrape-rêves.

 

Je suis l’oiseau ténèbres,

le passeur des trépassés.

J’emporte dans mon bec

leurs ombres désincarnées.

Je plane dans les cieux,

les ailes déployées,

bien plus libre que mes aïeux, jadis,

sur les portes, crucifiés.

Les pieds nus dans les braises,

la tête dans la Lune,

je brasse la poussière

comme la mer brasse l'écume.

D’avant en arrière,

le corps balancé,

dans l’hypnotique désert d’un horizon embrasé.

Je suis homme, je suis corbeau,

tout comme un loup peut être agneau.

Je cherche ton âme égarée

dans les paradis fantasmés

dont je sais le mensonge, l’inexactitude.

Du royaume des songes,

je connais toutes les latitudes…

Et le vil serpent qui se glisse entre tes draps,

de son cynisme sifflotant

et de son souffle sournois,

tout autour de ta gorge, bientôt, il s’enroulera,

te privant par son étreinte

du peu qui préserve du trépas.

Ne craint rien ma douce colombe,

j’accrocherai la toile

au-dessus de ce monde,

au-dessous des étoiles

de l’araignée qui, au matin,

lorsque Tsohanoaï se lève,

consume le malsain

dans les perles de l’attrape-rêves.

Moi l’oiseau de nuit,

je veille dans ton sommeil,

quand ton corps s'endort

dans ce monde sans soleil.

Qu’il est vaste, labyrinthique,

le royaume nocturne.

Décor fantasmatique

d’amour perdu sous d’anciennes lunes.

Qui est donc ce chamane,

ce sorcier du malheur,

qui déposséda de sa flamme,

la bougie de mon cœur ?

Qui te garde prisonnière

de son étreinte reptilienne ?

Il peut bien dévorer ta chair,

mais tes pensées demeureront miennes.

Assis en tailleur, dans la fumée odorante

s’élevant, vers les hauteurs,

de poudres incandescentes,

je m’envole chaque nuit,

délesté du poids du corps,

sombre corbeau je suis,

du crépuscule à l'aurore.

Dans ton ciel sans nuage, par-dessus ton désert,

j’apprivoise les mirages

de ton monde éphémère.

Je chasse le venin, qui t’empoisonne les veines,

du serpent assassin qui vient coloniser ta plaine.

Reliées à tout jamais,

toute une vie sur l’épiderme,

nos deux ailes tatouées

de ces motifs qui nous ramènent,

L’un à l'autre toujours,

jusqu'à ce que le réel se lève

et que ton nouvel amour

te fasse oublier l’attrape-rêves.

 

Alors, comme tout bon charognard,

j'attends tranquillement l’heure

où ses crocs, tels des poignards,

te transperceront le cœur,

te laissant agonisante, malheureuse éperdue,

entre les bras d’une mort lente

que le désert n'apaisera plus.

En attendant, Lune après Lune,

je fais ma révolution,

occupant ton ciel nocturne

et tes pensées à l'occasion.

Je préserve ce qui reste

de l’incendie d’autrefois ;

une petite flamme dansante

sur les braises de toi et moi.

Je suis un corbeau,

illusion au sombre plumage,

d’un passé qui se refuse

de faire partie d’un autre âge.

D'être oublié

comme tout ce qui finit en fond de mémoire.

Comme ces gens tant aimés,

qui ne sont plus qu’anciennes histoires.

Que celui qui me remplace

ne cesse de scruter le ciel

car chaque oiseau qui croasse

peut être un souvenir potentiel.

Une ombre furtive,

un léger bruissement d’aile,

une pensée qui dérive

et la colombe se fait la belle.

Le grand amour ne meurt jamais,

il se tait simplement.

Il se fait plus discret,

reste dans l’ombre d’un serpent.

Mais dans le désert des paupières closes, parfois il se relève,

prend son envol

puis se repose

dans les plumes de l’attrape-rêves."

Extrait de ''Nous n'étions que des Pantins sans filtre''

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