Fantine illusionnée
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Fantine illusionnée
Au seuil d’une porte ce soir dort une mère.
Drapée de noir, on croirait voir, âme dupée!
Si maigre et osseuse sous ses deux couches usées,
Une momie contemporaine et échotière.
Violée, battue, pillée, chassée de chaque rue,
Elle dort blottie contre son enfant pleurant
Et le cajole tout doucement, doucement,
En offrant son dernier lait au petit mâtru.
Elle rêve dans sa fièvre de leur destin.
Ils grandiront ensemble, près d’un lac et jardin.
Elle ne ferait rien : elle l’admirerait
Gonfler de belles bulles et courir par les prés,
Et elle le bercerait du soir au matin.
Leur bonheur fleurirait, fleurirait,
Par le temps, par l’espace, les mémoires.
Ensuite, il débuterait avec joie l’école.
Encerclé de confrères, elle l’entenderait
Rire et grandir gaiement, et - ce serait parfait,
Lui conter la nuit ses péripéties frivoles.
Leur bonheur fleurirait, fleurirait,
Par le temps, par l’espace, les mémoires.
Ses premières amours d’adolescent, brûlantes,
Seraient de soleil pur, et d’éclats, qui viendraient,
Le soir, éclairer son grandissant spleen secret,
Dont la mère saurait la nature latente.
Leur bonheur fleurirait, fleurirait,
Par le temps, par l’espace, les mémoires.
Devenu homme, il vivrait non loin de sa mère,
Se bâtirait une famille et carrière,
Et, inaffecté par l’âpreté et la guerre,
Vivrait libre, réussi, en une paix entière.
Leur bonheur fleurirait, fleurirait,
Par le temps, par l’espace, les mémoires.
Elle trouva l’enfant mort de faim au matin.