Radio France et moi : Des papous dans la tête
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Radio France et moi : Des papous dans la tête
Sur France Culture, il y avait une émission qui pendant plus de trente ans (1984-2018) nous amusait avec des histoires virtuoses pleines de contraintes loufoques. Animée par Bertrand Jérôme puis Françoise Treussard, entourés par une bande variable d’écrivains délurés, Les papous dans la tête faisait vivre l’esprit de l’OuLiPo et de la ‘Pataphysique à l’heure du repas dominical. J’ai découvert cette émission dans le cadre scolaire, en classe de terminale, à l’an 2000. Le programme de lettres (à l’époque, il existait des filières Littéraires avec deux petites heures de français et trois œuvres au programme) contenait une œuvre de Queneau, « Les fleurs bleues ». C’était l’occasion pour nous de nous familiariser avec la littérature expérimentale de l’OuLiPo et l’enseignante nous avait encouragé à écouter l’émission des Papous. J’étais bon élève, pas le plus studieux de la bande, mais j’adorais la radio et par conséquent, le dimanche suivant, j’ai écouté France culture. C’était vraiment très drôle et en même temps très sérieux. Je ne comprenais pas tout mais je me disais qu’il y avait là-dedans beaucoup de choses à explorer. Très vite je me suis pris au jeu. J’ai lu d’autres livres de Queneau, tenté de lire des livres de Pérec (échecs lamentables) et je me suis amusé à mon tour à écrire des textes à contraintes et à essayer de reproduire leurs jeux. Après plusieurs mois d’écoute, j’avais l’impression d’être dans leur bande, je comprenais mieux leur humour, je saisissais leur jeu de mots et franchement, il devenait évident qu’un jour, quand je serai écrivain, je rejoindrai l’équipe. Ah, l’impétueuse jeunesse ! Aujourd’hui, il n’est plus question d’être écrivain et il n’est plus possible de rejoindre l’équipe. Il faut faire le deuil de tout cela.
Il n’empêche, quelques années plus tard, lorsque je poursuivais quelques études à l’université de Lyon 2, l’émission se produisit à l’Ecole normale sup de Lyon. Avec quelques amis, nous nous y étions rendus et avons passé une soirée mémorable. La salle était comble et complètement conquise, cela fusait de toutes parts, et nous sommes ressortis de là comme après un spectacle. Car c’était un véritable show qui nous avait été proposé, et non pas seulement une émission de radio. J’ai plusieurs fois assisté à des émissions de radio, que ce soit au Salon du livre de Paris (lorsqu’il existait encore), ou en allant dans la Maison de la Radio mais là, c’était très différent, l’énergie n’était pas la même : ce fut un grand moment de célébration de la langue et de l’imagination. Je ne me souviens plus quels étaient les écrivains présents ce soir-là. Serge Joncour et Hervé Le Tellier, Jacques Jouet et Eva Almassy, certainement et bien entendu, mon chouchou de l’époque, Jean-Bernard Pouy.
Avec le temps, j’avoue avoir moins écouté l’émission et parfois je ne l’écoutais qu’en podcast, n’ayant plus de radio. Cela dit, j’ai été attristé d’apprendre la fin de l’émission. Une fin surprise, décidée par Françoise Treussard, pour des raisons que je peux comprendre (ne pas être obligé d’arrêter et choisir le moment de partir) mais qui laisse un petit goût d’inachevé. Et surtout, quelle autre vitrine pour l’OuLiPo ? Peut-être que c’est la fin de soixante ans de ce courant de création littéraire. Tout a une fin, n’est-ce pas. Sauf le saucisson qui en a deux.