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Cicada Blues (Le Père Etancheur 2024)

Cicada Blues (Le Père Etancheur 2024)

Publié le 22 sept. 2024 Mis à jour le 22 sept. 2024 Horreur
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Cicada Blues (Le Père Etancheur 2024)

 

Le Mot de l’Auteur

En 2010 je publiais “Le Père Etancheur” sur mon site personnel, un petit bijou en xhtml généré à la volée par un framework php de mon cru. L’histoire s’était forgée dans mon esprit à la suite de bêtises comme nous en échangions souvent au bureau à cette époque. Elle traduisait à merveille mon penchant pour l’absurde. Au milieu d’autres publications courtes du genre, elle s’est démarquée et m’a attiré près de 6 000 lecteurs en assez peu de temps. Une histoire qui reçut le qualificatif de tarantinesque à l’époque.

J’en étais assez fier et j’ai même envisagé de l’intégrer à ce qui allait devenir “Il est Tard ce Soir depuis ce Matin”, le roman qui met en scène Franz Tagada. Puis finalement, elle a fini par ne plus avoir sa place dans une intrigue qui s’articule autour de tout autre chose. 

Même s’il est parti aux oubliettes pendant quelques années avec la fermeture de Tâche de Café et mon arrivée sur Panodyssey, je nourrissais le projet de donner un petit coup de jeune au Père Etancheur et d’étoffer un peu le récit pour le republier en one-shot.

C’est chose faite aujourd’hui. La Musaraigne Géante que j’avais en tête pour une suite jamais publiée à l’époque s’est muée en Cigale Géante. Ceux qui ont connu la version originale constateront aussi que j’ai élagué certains passages qui relevaient de la private joke et n’apportaient rien à l’histoire. Demeurent quelques clins d’œil. Mais je crois que l’esprit de l’époque est resté intact. J’espère.

A Manu, Jean-Mich, David et les autres.

 

Prologue

Amis lecteurs, il convient que je commence par vous rassurer : aucun risque que nous soyons dans un mauvais James Bond. Pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas de mauvais James Bond. Mais il y a pire. Et dans ce pire, il y peut aussi y avoir des méchants mégalomaniaques. Mais pas ici.

— Ca fait quatorze ans déjà, qu’est-ce que vous espérez trouver ?

Le Thaï bascula dans son fauteuiL L’autre lui tendit une cigarette qu’il refusa.

 

Partie 1 - Par une nuit pluvieuse

Saleté de pluie. Une vilaine pluie, de nuit, avec un pick-up sur une route sans éclairage, comme dans les films où le scénariste veut vous faire sursauter juste au moment où vous commencez à vous dire qu’il ne va rien se passer. Généralement il use pour cela d’une jeune fille inquiétante, d’un dangereux psychopathe ou d’un zombie, par exemple. Justement, là, c’est le moment où le conducteur du pick-up - un gars répondant au sobriquet de "Flutiste" - sur cette route sans éclairage sous la pluie, sursaute et écrase le frein pour s’arrêter à quelques centimètres d’une forme humaine inquiétante au possible.

Sous la lueur des phares, le conducteur ne distingue pas vraiment bien la personne qu’il a manqué d’écraser mais son instinct lui dit de verrouiller sa porte. Dommage que sur ce vieux modèle bas de gamme, il n’y ait pas de verrouillage centralisé. Un employeur un peu radin peut-être… Toujours est-il que notre brave conducteur verrouille sa porte et seulement sa porte. La porte passager a-t-elle seulement déjà été déverrouillée ce mois-ci ?

Peu importe la porte…

L’important, c’est qu’ici, sans humour, nous avons planté le décor, glauque, oppressant et morbide. Et si l’arrêt sur image dure aussi longtemps c’est parce que les petits enfants doivent vite aller au lit avant que la tête de l’individu n’explose, n’asperge le pare-brise du pick-up de sang et de cervelle et qu’un prêtre lourdement armé n’entre par la porte passager non verrouillée - vous voyez que vous ne suiviez pas - et hurle :

— Démarre !

Comment ? Cette explosion de violence vous a surpris avec vos jeunes enfants sur les genoux ? Il n’y avait pas d’avertissement pour vous prévenir ? Enfin, ne nous offusquons pas de ce léger oubli de la bienveillante censure. Ce n’est pas comme si nous vivions dans une petite communauté urbaine du Maine ou du Delaware.

— Mon père, demande timidement le conducteur au bout de quelques kilomètres à vive allure, c’était quoi ?

— Vois-tu Patrick O’Connor, cette chose était un pédé zombie.

Nouveau coup de frein brutal, sans ABS sur des feuilles mortes sous la pluie.

— Pardon ?

S’il pose trop de question, le conducteur va faire parler le prêtre bien plus qu’il ne l’a fait ces trois derniers mois.

— Un pédé ! Un sodomite ! Tu sais les personnes qui…

— Je sais ce que c’est. Mais vous avez parlé de zombies !

— Roule, il en vient d’autres !

 

Interlude

Hector Alvarez, dit le Thaï prétendait être un orphelin de la guerre d’Indochine. Plus l’autre le regardait, plus il était convaincu du contraire.

— J’essaie de comprendre.

Comprendre, c’est pour ça qu’il avait fait le chemin jusqu’à ce taudis perché en haut d’un escalier grinçant. Vu la réputation du quartier, il avait préféré venir en bus que de risquer de se faire fracturer sa voiture.

— Pas sûr qu’il y ait grand chose à comprendre.

 

Partie 2 - Philosophie de garage

Le vieux garage n’est qu’à quelques kilomètres. Mais c’est suffisamment loin pour que le silence du conducteur pèse à son passager.

— On peut mettre la radio ?

— Elle marche pas.

— Y’a un truc qui marche sur ce tas de boue ?

— Le moteur.

La conversation lancée, le conducteur se lâche.

— On dit pas pédé !

— Quoi ?

— On dit pas pédé ! On dit autrement maintenant !

— On dit quoi alors ? Tarloupette ? Enviandé ?

Au moment où il allait répondre, le conducteur du pick-up écrase à nouveau les freins et fait un écart pour éviter un léporidé quelconque sur la route.

— Putain fais gaffe, tu vas nous tuer !

— Ouais b’en on voit rien avec cette pluie !

— Un lapin ! T’es plus à ça de viande près, bordel !

— Comment ça ?

— T’a écrasé un type tout à l’heure !

— J’l’ai pas écrasé ! C’est vous qui lui avez explosé la cervelle avec ce truc !

— Ce truc c’est un Browning A5 16/70, gamin. Il plombe aussi bien le sanglier que la bécasse.

— Et les gens.

— C’était un zombie. Tu préférais qu’il te bouffe ? Ou qu’il bouffe un gosse ?

— Ça n’existe pas les zombies !

— T’es sûr ? Tu veux vérifier ?

De vous à moi, tant le conducteur que le passager du pick-up partagent le même sentiment ; ils n’ont pas franchement l’impression d’être entre de bonnes mains. Mais vous savez, ce genre de sentiment, on s’y fait très vite quand on a le choix entre ça et des pédés zombies. Ou des nazis zombies. Ou des zombies tout court.

— Et d’abord, comment vous savez qu’il était pédé ?

— Je croyais qu’on disait pas pédé ?

— Non, on ne dit pas pédé. Ça fait homophobe !

— T’as un problème avec les homophobes ?

— Pas moi.

— B’en alors ! Et puis si j’ai envie de dire pédé, on s’en pête ! Je deal de la meth ! J’ai d’autres soucis dans la vie que celui de passer pour un homophobe ! Ralentis, on arrive. Le virage est traitre sous cette pluie de film d’horreur. Surtout avec tes pneus lisses.

— Y sont pas lisses. Il ont une structure “alternative”.

— Ferme là un peu où je t’en colle une !

 

Deuxterlude

Je vous ai dit que j’ai un humour de merde ?

— Les preuves que vous cherchez sont là dedans.

L’homme à la cigarette considéra la figurine de Dark Vador avec circonspection.

— La tête se retire, lui indiqua le Thaï. C’est une clef USB.

— Et la clé de décryptage ?

— Pas besoin. Pas de copie non plus.

— Vous êtes sûr ?

— C’est mon métier d’effacer les traces.

— Les fameux contrats “plop”.

— Comme vous dites.

L’homme à la cigarette tendit une grosse enveloppe que le Thaï refusa.

— Cadeau de la maison. Mais je ne veux plus entendre parler de ce truc.

Clé USB Dark Vador

Partie 3 -  Le Père Etancheur

Prêtre ou Biker ? Difficile à dire quand on observe Donovan Abernathy. Apparemment le port du col romain peut s’accommoder de celui de patchs MC ou 1%. Celui-ci les reçu tous deux, avachi au fond d’une chaise, les pieds sur la table devant lui.

— Qu’est-ce qui t’amène, Négrette ?

— C’est pas Patrick O’Connor, demande le prêtre armé ?

— Non c’est Jean-Mouloud Négrette. Mais c’est sûrement un nom d’emprunt.

— Comme Donovan Abernathy, j’imagine, répond Patrick qui ne s’appelle pas du tout ainsi.

— Tu imagines. En tout cas, ça fait plus classe que Jean-Mouloud. Surtout dans une poursuite avec des zombies. En plus, je suis presque irlandais.

— Presque, mon père ?

Abernathy retire ses pieds de la table et saisi une bouteille de bourbon dont il fait sauter le bouchon de liège avec les dents.

— Viens boire un coup. Et arrête de poser des questions qui ne t’apporteront que des réponses absurdes.

— Aussi absurde que son histoire de pédés zombies ?

— Faut pas écouter tout ce que dit Bill. Les acides lui ont rongé le cerveau.

— Et il se ballade avec un fusil de chasse ?

— T’en connais beaucoup des chasseurs de zombies qui pourraient supporter ça sans plonger dans la drogue ?

— Il faudrait déjà que j’en connaisse, répond Négrette en s’asseyant tandis que Donovan remplit trois verres.

— Pas faux.

Le dénommé Bill approche une chaise en raclant les pieds au sol dans un crissement pénible et s’assied avec eux. Puis il sort de quoi rouler une cigarette qui fait rire et regarde son chef l’air d’avoir envie de poser une question.

— Quoi ?

— J’peux lui raconter ma blague, Don ?

— Celle avec le bouchon en liège ?

— Non, l’autre. Avec le chili.

— Non tu peux pas. Puis faut que t’arrête avec les gays. On va s’imaginer des trucs à force.

— Mais ! Ça n’engage à rien !

— Et sinon, pourquoi on vous appelle “Père Etancheur”, demande Négrette en vidant son premier verre ?

— C’est une longue histoire. Mais j’ai vraiment été ordonné. Raconte-nous plutôt ce qui t’amène ici.

 

Partie 4 -  C’est la vie, Négrette !

Je n’allais pas vous faire le coup deux fois.

— Bois, ça va s’évaporer.

Vous n’en avez pas encore conscience, mais ça c’est une réplique d’anthologie. Dans un futur pas si lointain. Un peu comme : "C’est pas un outils ça ! C’est un putain de pavé !" Mais en mieux. Vous ne comprendrez jamais. Mais un jour vous le saurez, tout simplement.

Pendant que Négrette racontait son histoire, les deux trafiquants de meth avaient vidés leur verre. Pas leur invité.

— Géante comment, demande le fameux Bill ?

— On parle de trois étages.

— Un immeuble de trois étages ?

Donovan vide un autre verre cul sec. Puis un autre encore. Bill l’imite. Ce que le mec au pick-up déglingué vient de leur annoncer, ce n’est pas de la gnognote ! A côté, l’histoire des pédés zombies, c’est du niveau de danger d’une partie de fléchettes avec un aveugle. Jusque là on pouvaient se demander pourquoi Négrette s’était fourré dans une telle situation avec ces types louches. Maintenant, ce sont eux qui se demandent dans quoi il se sont fourrés en recevant Négrette.

Pour être bien sûrs de comprendre, Donovan demande à Négrette de raconter une nouvelle fois son histoire. Puis il le regarde un long moment, une main sous le nez pour soutenir le reste de sa tête.

— Putain ! Une cigale haute comme un immeuble de trois étages…

— Putain d’insecte, mec !

Les loubards vident encore un verre. Puis le dénommé Bill va chercher une autre bouteille.

— T’appelles ça comment ? Un cigalodon ? Une cigalezilla ?

Négrette hausse les épaules.

— Nous on se mêle pas de ça ! On n’est pas Mistral Man !

— On n’est pas dans la merde, répond le Flutiste…

— C’est la vie, Négrette !

 

Giant Cicada Rampage

 

Epilogue

Cette fois, l’homme à la cigarette est allé chez le Thaï en voiture. Une voiture de loc’. Mais une voiture quand-même. Pas le temps, de prendre le bus. Il prit le temps de réécouter la dernière partie de l’enregistrement avant de monter. Sur la clef USB, il y avait aussi des documents largement caviardés, les plans d’un aérosol et la formule de son contenu… des documents dont Monsanto aurait aimé qu’il n’existe plus aucune copie.

A chaque palier de l’escalier grinçant, l’homme à la cigarette se disait qu’il ne voudrait pas voir ses enfants grandir là. Le loueur devait probablement être fier de son immeuble crasseux. Le genre à toucher directement les allocations logement de ses locataires et à leur éviter le tracas des démarches et même celui d’être avertis de leurs droits par les caisses. Quelqu’un de sûrement très serviable, en somme.

Comme à sa première visite, il préféra toquer à la porte plutôt que d’utiliser la sonnette qui arborait cet air vicelard des appareils électriques vétustes prêts à profiter de la première occasion pour vous gratifier d’une châtaigne. Un pas traînant se fit entendre avant que la porte ne s’ouvre sur Alvarez, aussi crasseux que l’immeuble.

Il fit entrer l’homme à la cigarette en jetant des coups d’œil circonspects dans le couloir.

— Qu’est-ce que vous faites là ?

— Je veux savoir ce que j’ai vraiment entre les mains.

— Si on en dit trop, les gens vont paniquer. Et je vous avait dit que je ne voulais plus entendre parler de ce truc !

— Paniquer ? Plus qu’avec des zombies et un cigalodon ?

— Ouep !

— Et pour l’enregistrement. Il était planqué où le micro ?

— Dans le bol à pop-corn. Personne ne vérifie jamais les bols à pop-corn.

La prochaine fois que vous irez dans un grill à l’ambiance western, vous ne pourrez pas vous empêcher de jeter un œil dans le bol à pop-corn.

C'est la vie, Négrette !

Crédits :

Illustration de couverture générée par DALL-E 3 sous Microsoft Copilot à partir de prompts originaux.

Photo dans le texte par Daniel C. Muriot, collection privée. Tous droits réservés.

Illsutration "Giant Cicada Rampage" réalisée avec Affinity Photo 2 par Daniel C. Muriot à partir d'images générées par DALL-E 3 sous Microsoft Copilot d'après des prompts originaux. Tous droits réservés.

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