Félicitations ! Ton soutien à bien été envoyé à l’auteur
Coup d'État - extrait 7

Coup d'État - extrait 7

Publié le 22 mars 2025 Mis à jour le 22 mars 2025 Fantaisie
time 4 min
0
J'adore
0
Solidaire
0
Waouh
thumb 0 commentaire
lecture 9 lectures
1
réaction

Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.

Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit ! Se connecter

Coup d'État - extrait 7

La découverte de la puissance séductrice de sa nièce avait donné à Gabriel l'idée de tendre un autre filet ; quitte à courir deux lièvres à la fois, il lui demanda d’opérer la même manœuvre avec Morny. En lui stipulant néanmoins qu’elle ne devait en aucun cas aller aussi loin. Gabriel savait tout ou presque de Morny et pensait que ce dernier serait un précieux allié si son ressentiment le poussait à faire échouer le plan qu’il avait tant contribué à manigancer. Rien n’était moins sûr au vu de la nature calculatrice du personnage, peu enclin à prendre des risques inutiles, mais son côté joueur et une probable envie de revanche pouvaient peut-être le convaincre de se ranger de leur côté. Morny était connu pour apprécier les jeunes et jolies femmes ; Annabelle faisait la plus parfaite des émissaires.

Elle n’était pas dupe de la proposition de son oncle et accepta qu’il use d’elle comme d’un instrument. La très haute estime, voire l’amour filial qu’elle lui portait, s’en trouvèrent néanmoins atténués. Même si elle comprenait qu’il n’y avait pas d’autres alternatives - il leur restait si peu de temps pour contrecarrer les plans de l’Autre - quelque chose en elle se brisa. Déjà ravagée par ce qu’elle avait dû accomplir pour sa mère, Annabelle ne se sentait rattachée à la vie que par sa volonté de vengeance. Elle avait encore moins à perdre que son père, qui si elle avait bien compris, avait trouvé le moyen d’engrosser une sauvage dans son Amérique. Elle se dit que Morjave ne se souciait probablement pas plus de sa fille peau-rouge que d’elle-même. Un incurable égoïste, voilà ce qu’était son géniteur. Elle soupçonnait que sa volonté de punir l’Autre était avant tout due à son orgueil blessé. D’une certaine façon, elle lui devait de ne pas avoir hésité à faire ce qu’il fallait avec Varand ; elle y avait vu le moyen de réussir là où la force brute et la sauvagerie de son père avaient échoué. Son orgueil allait s’en trouver à nouveau meurtri et cela la remplissait d’aise.

Annabelle payait néanmoins cette décision avec cette dépendance naissante à l’opium. L’écrivain britannique Thomas de Quincey, auteur des Confessions d’un mangeur d’opium anglais, traduit en France par Alfred de Musset, n’avait rien dit des ravages de la drogue céleste qu’il vantait dans son ouvrage… Son caractère curieux et frondeur avait poussé Annabelle à s’intéresser très tôt à cette littérature décadente. De Quincey avait également commis un autre ouvrage d’une noirceur inouïe, “De l'assassinat considéré comme un des beaux-arts”, dans lequel des érudits devisaient d'affaires criminelles comme s'il s'agissait de chefs-d’œuvre et élaboraient les critères “esthétiques” d'un “bon” assassinat. Des monstres décrits par De Quincey, Annabelle avait retenu la figure du Vieux dans la Montagne, le chef de la secte des Haschischin. Elle lui trouvait une ressemblance frappante avec l’Autre, à ceci près que ce dernier n’avait nul besoin de haschich pour s’aliéner des partisans. Il était lui-même une drogue, qu’elle entendait bien contribuer à éradiquer. Tant mieux qu’il se dévoile sous peu comme le pressentait Gabriel et qu’on en finisse !

L’autre drogue, bien réelle celle-ci, aurait causé sa chute si la situation avait perduré. Elle aurait fini comme ces victimes de l’opium que l’on voyait se traîner, le regard vague, éteint, la peau jaunâtre, comme séchée et collée aux pommettes des joues. Une mort à petites bouffées, c’est ce qui te pend au nez ma fille, se dit-elle à elle-même. Elle n’avait beau ne plus rien attendre de la vie, s’il fallait partir, ce serait vite et sans bavures. Elle se leva de son sofa et par la seule force de sa volonté, chassa les relents d’opium qui ralentissaient son organisme. Juste à temps, on frappait à la porte. Varand enfin ? Elle ne l’avait pas vu depuis trois jours déjà. Les coups redoublèrent, elle se hâta d’aller ouvrir. Mais ce n’était pas lui qui donnait de tels signes d’impatience.

— Annabelle ! Vous en avez mis du temps à m’ouvrir, l’heure est grave.

La bousculant presque, André avait éructé ses paroles en pénétrant en trombe dans son appartement. La mise défaite, le souffle court, il peinait à se redonner une contenance. Envolées ses bonnes manières habituelles, l’affaire devait être importante pour que le jeune homme perde ainsi son sang-froid. Il n’avait pas échappé à Annabelle que celui qui se considérait comme le second de Gabriel et à ce titre au courant du combat masqué qu’elle menait, n’était pas insensible à ses charmes. Il était présent lorsqu’elle avait appris à Gabriel jusqu’où elle avait dû aller avec Varand, et elle l’avait senti bouillir littéralement de rage.

— Hé là, Mon cher André, vous semblez bien surexcité !

Bien qu’il fût comme un frère d’armes pour elle, elle maintenait volontairement ses distances avec lui. Mais elle ne pouvait s’empêcher de le taquiner. Un comportement propre à une jeune fille de son âge, une bizarrerie qu’elle ne chercha même pas à s’expliquer. Armand piqua un fard et débita tout à trac la raison de son irruption.

— J’ai surpris une conversation entre le Cyclope et Morjave. Les jeux sont faits, il pense que Louis-Napoléon va se lancer dans son coup d’état tant de fois différé !

— Quoi ? Gabriel était informé et ne m’en a rien dit !

— D’après ce que j’ai compris, il ne sait pas quand exactement, mais il pense que c’est pour bientôt. Cette après-midi, avant que nous commencions notre réunion habituelle, j’ai également surpris un échange avec une de ses mouches. Il le prévenait qu’un cadavre avait été découvert dans les catacombes. À mon avis, avant ce soir, il y aura dépêché Morjave. Je vous avoue ne rien y comprendre. Pourquoi diable chercher à mettre la main sur un disciple et le faire parler alors que vous-même allez sans doute parvenir à vos fins avec le vôtre…


lecture 9 lectures
thumb 0 commentaire
1
réaction

Commentaire (0)

Tu dois être connecté pour pouvoir commenter Se connecter

Tu aimes les publications Panodyssey ?
Soutiens leurs auteurs indépendants !

Prolonger le voyage dans l'univers Fantaisie
05-La troisième étape
05-La troisième étape

Je me demande... C'est quand même très surprenant. À part Jade, tout le monde semble avoir une réaction inattendue. A...

Cyril Pujos
2 min
04- Perturbations
04- Perturbations

La montre a l'air de fonctionner. Nous marchons à présent en direction du second point. Mais c'est long.En plus, lors...

Cyril Pujos
5 min
03-Départ imminent
03-Départ imminent

Selma m'embrasse tendrement, serrant son corps de cheerleader contre moi. Oh, ma jolie, je préférer...

Cyril Pujos
4 min
02- L'équipe
02- L'équipe

NDLR : Les opinions exprimées ici n'ont pour objectif que de servir le récit et ne sont pas les opinions de l'auteur.

Cyril Pujos
3 min

donate Tu peux soutenir les auteurs qui te tiennent à coeur

promo

Télécharge l'application mobile Panodyssey