Peut-on encore parler de transition écologique ?
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Peut-on encore parler de transition écologique ?
Avant, on parlait de développement durable. Maintenant, cette dénomination s’est muée en transition écologique. A force de marteler ce terme, on peut en perdre le sens. Retour sur une expression aujourd’hui utilisée comme cache misère, cheval de bataille du « capitalisme vert ».
Le Larousse définit la transition comme le « Passage d’un état à un autre, en général lent et graduel ». La transition inspire un rythme lent, on change, parfois du tout au tout, mais toujours à son rythme. Mais le terme est-il bien adapté à la notion d’urgence écologique à laquelle l’humanité fait face aujourd’hui, maintenant, tout de suite ?
A l’origine de l’expression « transition écologique » on retrouve le britannique Rob Hopkins. Spécialiste de la permaculture, il publie en 2008 son livre The transition handbook (Le manuel de la transition), un constat alarmiste sur le réchauffement climatique à venir et les risques de crises pétrolières. Cette expression de transition écologique reprise en France va paradoxalement devenir la digne héritière du développement durable. Dans la continuité du refus de questionner le capitalisme et de la volonté de le faire évoluer de manière responsable et verte, la transition écologique se transforme en passe droit. L’expression est devenue un mot clé sur la scène politique, à prononcer pour être pris au sérieux quand on parle d’écologie.
TRANSITION ÉCOLOGIQUE, LE TERME EST-IL VRAIMENT PERTINENT ?
Comme il est compris en France, le terme de transition écologique n’est pas approprié. Une réelle transition d’un état à un autre n’est pas recherchée. Dans le cadre des décisions politiques touchant les modes de transport par exemple, privilégier des carburants plus propres ou soutenir l’achat de véhicules hybrides, ce n’est pas de la transition. C’est plutôt la croyance selon laquelle les nouvelles techniques vont, en même temps que nourrir la croissance économique, compenser l’impact écologique des technologies précédentes. Les ressources naturelles ne peuvent être remplacées à l’infini par la création d’un capital technique reproductible. Le développement économique et la croissance, les deux mots magiques de l’économie capitaliste, sont à questionner face aux enjeux écologiques contemporains.
Par ailleurs, pour passer d’un état à un autre, la transition doit aboutir à un changement global et systémique. Stopper sa consommation de viande personnelle ou se refuser d’acheter une voiture est certes un geste nécessaire, mais ne participe pas au transit vers un système différent. Stopper la production de viande s’avèrerait bénéfique dans une démarche de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais ne permettra pas une transition écologique si celle-ci est remplacée par une autre production alimentaire industrielle.
Enfin, de par la définition même du mot transition, ce processus implique d’avoir devant nous du temps et des moyens, un luxe que nous n’avons pas. D’abord parce que le temps manque : les prévisions des climatologues sont toujours plus alarmistes et les rapports du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) attirent notre attention sur le peu de temps restant pour un éventuel sursaut écologique planétaire avant le point de non-retour. Mais surtout parce que les moyens à la hauteur de l’enjeu n’existent toujours pas. La coordination internationale sur la question écologique est presque nulle et les budgets alloués par les Etats pour travailler à la résolution du problème semblent dérisoires face à la tâche à accomplir. Dans ces conditions, une transition écologique est-elle envisageable ? Rien n’est moins sûr.
SOMMES-NOUS PRÊT À UNE VRAIE TRANSITION ?
La question écologique n’est pas liée à une démographie galopante mais plutôt à un système capitaliste toujours plus gourmand, basé sur une économie dopée aux énergies fossiles. Le problème est qu’avec le temps qu’il nous reste, une écologie politique réaliste ne peut exister sans penser l’anticapitalisme. Pour autant, il ne faut pas craindre par-là la fin des techniques ou des technologies ni la suppression de tout confort.
Des alternatives ont été pensées, creusées et théorisées. André Gorz, un des principaux penseurs français de l’écologie politique et de la décroissance parlait de l’écologie, et ce dès les années 1990, en ces termes : « On sait très bien aujourd’hui que l’accroissement de la consommation n’est plus synonyme d’accroissement du bien-être. Le lien entre plus et mieux est rompu […] Si vous voulez tenir compte de cette rupture et permettre une qualité de vie meilleure il vous faut changer non pas de technique mais de paradigme. Réorienter le système économique afin d’augmenter la valeur d’usage des produits […] au lieu de leur valeur d’échange ». Ce qui est nécessaire n’est pas tant une sorte de retour à la nature mystifié mais plutôt le changement radical du rapport que l’on a aux objets, aux ressources et à la consommation.
La décroissance n’est qu’une proposition de solution parmi d’autres, mais la question est sûrement de savoir si nous sommes vraiment prêts à effectuer cette réelle transition. L’interrogation paraît légitime, car si le champ lexical de l’urgence et du danger s’impose peu à peu dans les débats sur l’écologie, les discours anticapitalistes visant à transiter d’un état à un autre peinent encore à se faire entendre. D’autant plus que questionner notre modèle de développement dans le cadre d’une réflexion sur l’écologie politique pourrait marquer la fin de la vision du progrès à l’occidentale.