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Réécrire l’histoire des femmes et du genre internationale 

Réécrire l’histoire des femmes et du genre internationale 

Publié le 11 janv. 2021 Mis à jour le 11 janv. 2021 Culture
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Réécrire l’histoire des femmes et du genre internationale 

«Mon» histoire des femmes est en réalité «notre» histoire des femmes, et des relations entre les hommes et les femmes. Comment changent les apparences, la sexualité, la maternité ? Quand est né le désir d’enfant ? Les histoires d’amour ont-elles une histoire ? Quel rôle ont joué les religions dans la vie des femmes ? Pourquoi l’accès au savoir, à la lecture et à l’écriture, au travail et au métier, a-t-il été si difficile ? Peut-on parler de «révolution sexuelle» dans le dernier demi-siècle ? Celle-ci est-elle le fruit de la modernité ? du désir des femmes ? Quel est le poids des féminismes ?

Réécrire l’histoire des femmes et du genre internationale

Cette mise en perspective et la comparaison internationale des avancées et reculs des femmes de ce siècle mettent en évidence que les Françaises, dans le pays de la galanterie, sont bien à la traîne pour obtenir leurs droits de citoyennes. Pour avoir le droit de vote, accordé aux Britanniques et Allemandes dès 1918, elles devront attendre 1945. On sera surpris de voir qu’en 1931 les Espagnoles avaient une situation légale parmi les plus avancées d’Europe grâce à la victoire de la gauche. Et qu’en 1935 les femmes turques se modernisent si vite que leur pays passe pour « le plus jeune pays féministe ».

Si le XXe siècle est celui des conquêtes des femmes dans les pays occidentaux – éducation, droit de vote, contraception -, ses vingt dernières années voient aussi la montée des intégrismes religieux. En Irak, une loi de 1990 justifie l’assassinat d’une femme adultère par un homme de sa famille. En Arabie saoudite, les femmes ont l’interdiction de conduire. En Afghanistan, les jeunes filles sont exclues de l’éducation.

Recul aussi en Europe de l’Est après la chute du mur de Berlin. On assiste à une réduction spectaculaire du nombre des élues (de 30 % à 6 % en Tchéquie). En Pologne, la contraception et l’avortement sont remis en question. La prostitution fleurit. Les adolescentes soviétiques la considèrent comme un « métier idéal ». Le dernier chapitre sur l’an 2000 rappelle que les féministes du monde entier marcheront contre la pauvreté et les violences subies par les femmes. 70 % des pauvres dans le monde sont des femmes. Elles sont toujours violées, harcelées, battues.

Mais l’an 2000 voit aussi l’aboutissement des rêves de certaines féministes du début du siècle. En 1917, en Union soviétique, Alexandra Kollontaï, première femme au monde à faire partie d’un gouvernement, veut briser le « joug domestique » des femmes en rendant collectives les tâches ménagères. En 2000, la Finlandaise Liisa Joronen, fondatrice de l’entreprise Sol, a réalisé le rêve de la brillante intellectuelle soviétique. Parmi ses 2 700 employés, il n’y a ni secrétaires ni femmes de ménage. Les tâches ingrates sont partagées par tous.

 

L’auteur rappelle que les rêves sont nécessaires. Qui en 1900 aurait imaginé que les femmes pourraient maîtriser leur fécondité ? Si, en l’an 2000, un monde sans prostitution et sans violences paraît illusoire à certains, d’autres sont capables d’y rêver, mieux, de le revendiquer…

Dans cette recherche des femmes, il y avait deux côtés : d’une part, les femmes « victimes », dont la sujétion posait la question de la « domination masculine » qui, sous des formes diverses, a été formulée très tôt, mais dont l’inventaire s’avérait à la longue un peu lassant et déprimant ; de l’autre, l’action de femmes qui n’avaient jamais été passives, ni uniquement malheureuses, qui avaient défendu ou conquis leur autonomie, tant dans la vie quotidienne que dans la cité. Travail des femmes, objet majeur, culture [Dauphin et al., 1986], formes d’obstruction ou d’intervention, dans le privé et dans le public, surgissement du/des féminismes : autant de pistes, dont l’abord a été facilité par le dynamisme de la « nouvelle histoire » et son « vertige des foisonnements ». L’histoire des femmes appartenait à cette mouvance et y a contribué.

Sans doute cette première histoire des femmes était-elle plus descriptive que théorique, bien qu’elle ait trouvé dans la pensée des années 1970 (en particulier dans celle de Michel Foucault) incitations et instruments. Elle ne se posait pas directement le problème du genre et employait peu le mot. Mais elle réfléchissait à la différence des sexes. En histoire et sociologie (les deux disciplines marchaient ensemble, du moins pour l’époque contemporaine), nous étions résolument beauvoiriennes. Lectrices du Deuxième sexe (1949), nous étions convaincues qu’« On ne naît pas femme, on le devient ». La phrase fameuse avait bouleversé l’existence de nombre d’entre nous et ouvert le champ de la déconstruction du féminin et, par conséquent, du masculin. La différence des sexes n’est pas le produit d’une introuvable nature, mais celui de la culture et de l’histoire. Sans doute elle s’inscrit dans les corps, mais la biologie ne saurait dicter sa marque au social. Les corps, les sexes mêmes, sont façonnés par l’histoire ; nous en étions convaincues ; et du coup, assez réticentes devant les féminismes de la différence (français, italiens), plus tournés vers la psychanalyse et la littérature, qui nous paraissaient ancrer les femmes dans leur corps. Même magnifiée, la maternité nous semblait un piège. Sans doute avons-nous, du reste, méconnu l’apport d’une telle approche. Je l’ai pour ma part constamment réévalué, mais ceci est une autre histoire.

Cette représentation de la différence des sexes, parente du genre, impliquait une histoire résolument relationnelle, dont on retrouve la préoccupation dans de nombreux textes de l’époque, surtout à partir des années 1980. Elle irriguait le champ (comme disait Bourdieu) que nous construisions, qui s’est créé, assez rapidement, par les thèses, les publications de toutes sortes, les colloques, etc., dans les années 1975-1985. Dans l’introduction à l’Histoire des femmes en Occident, élaborée entre 1987 et 1990 et qui constitue comme une première synthèse de ces travaux, nous écrivions : « Cette histoire se veut celle du rapport des sexes plus que des femmes. C’est cela sans doute le nœud du problème, et qui définit l’altérité et l’identité féminines. C’est aussi notre fil conducteur, celui qui court à travers ces volumes, et, espérons-le, en fait l’unité. À savoir une constante interrogation : quelle est, à travers le temps, la nature de ce rapport ? » Elle se revendique même explicitement du gender, écrit à l’anglaise et donné comme un renouvellement théorique majeur. Pauline Schmitt-Pantel, directrice du tome I Antiquité [1990], conclut ce volume par quelques pages intitulées « Vers une histoire du genre », où elle se réfère explicitement à l’article de Joan Scott [1986]. On est, il est vrai, en 1990 et les problématiques se sont précisées et affinées dans la décennie 1980-1990.

Nous n’étions pas dépourvues de clefs pour entrer dans ce territoire. D’abord, grâce à l’histoire ancienne, confrontée plus directement au silence des sources, à la puissance des mythes, amazones ou matriarcat [Georgoudi, 1990], et à une hiérarchie des sexes qui cimente la philosophie grecque et le droit romain. C’est du reste en s’appuyant sur la pensée grecque que Françoise Héritier formulera ses analyses anthropologiques une décennie plus tard (Héritier, 1996). Nous devons beaucoup aux historien-ne-s de l’Antiquité (Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, Nicole Loraux, Françoise Frontisi-Ducroux, etc.) pour l’acuité de leur réflexion théorique.

Une vision radicalement misogyne

L’infériorité physique de la femme résulterait donc de sa non‑masculinité. L’être humain complet, adéquat à sa destinée, je parle du physique, c’est le mâle qui, par sa virilité, atteint le plus haut degré de tension musculaire et nerveuse que comportent sa nature et sa fin, et par là, le maximum d’action dans le travail et le combat. La femme est un diminutif d’homme à qui il manque un organe […]. Capable, jusqu’à un certain point, d’appréhender une vérité trouvée, elle n’est douée d’aucune initiative ; elle ne s’avise pas des choses […] sans l’homme, elle ne sortirait pas de l’état bestial […]. L’humanité ne doit aux femmes aucune idée morale, politique, philosophique ; elle a marché dans la science sans leur coopération […]. L’humanité ne doit aux femmes aucune découverte industrielle, pas la moindre mécanique. […] La femme auteur n’existe pas ; c’est une contradiction.

Une place très réduite pour les femmes dans l’histoire

[À l’époque des Gaulois] aucun document ne parle de la condition des femmes ; nous ne pouvons qu’imaginer leur vie, confinées dans des huttes étroites, froides ou enfumées, absorbées par le travail long et pénible de broyer le grain et de préparer la nourriture des hommes.

[Au Moyen Âge] le trait le plus original de la vie de cour est le rôle de la femme, désignée par un nom d’honneur, la dame (domina), maîtresse, la femme du prince maître de la cour. […] La dame se sent supérieure à ces adolescents placés sous ses ordres, et si elle vient à s’intéresser à l’un d’eux, elle prend naturellement le rôle d’éducatrice et de guide, auquel se peut mêler parfois une tendresse féminine d’une autre nature.

[Au XIXe siècle] les femmes, absorbées encore par les soins du ménage, mettaient leur luxe dans un énorme approvisionnement de linge, de fruits et de confitures.

L’œil de l’historienne

La froideur de l’histoire positiviste, dont Seignobos est le grand maître, et qui règne sans partage sur l’Université de la IIIe République, répudie ces effluves sentimentaux. Elle opère d’autre part un véritable refoulement du thème féminin et plus largement du quotidien. Bien des raisons, factuelles autant qu’épistémologiques, expliquent ce refus. Le métier d’historien est un métier d’hommes qui écrivent l’histoire au masculin. Les champs qu’ils abordent – une histoire politique privilégiée – sont ceux de l’action et du pouvoir masculins. […] Célèbres, pieuses ou scandaleuses, les femmes alimentent les chroniques de la « petite » histoire […].

C’est aussi que les matériaux qu’utilisent ces historiens (archives diplomatiques ou administratives, documents parlementaires, biographies ou publications périodiques) sont l’œuvre d’hommes qui ont le monopole de l’écrit comme de la chose publique. On a souvent remarqué que l’histoire des classes populaires était difficile à faire à partir d’archives émanant des classes dominantes, préfets, magistrats, prêtres, policiers… Or l’exclusion féminine est beaucoup plus forte encore. Quantitativement infime, l’écrit féminin […] est étroitement spécifié : livres de cuisine, manuels d’éducation, contes récréatifs ou moraux en constituent la majeure part. Travailleuse ou oisive, malade, amoureuse, manifestante, la femme est observée et décrite par l’homme. Militante syndicale, elle a du mal à se faire entendre de ses camarades masculins qui considèrent comme normal d’être son porte‑parole. Cette carence de sources directes, cette perpétuelle médiation sont pour l’historien un obstacle redoutable. […] Tout cela explique que l’histoire des femmes soit tout à fait marginale […].

Comment expliquer, à l’heure actuelle, la constitution d’une histoire des femmes qui paraît dépasser largement les engouements de la mode ou les célébrations de l’année de la femme ? Bien des facteurs peuvent être invoqués, entre autres l’influence des pays étrangers et notamment anglo‑saxons, celle des disciplines voisines, enfin celle des luttes féminines en France et de leur impact sur la réflexion du genre.

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