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Le romantisme : avis de tempête sur la littérature

Le romantisme : avis de tempête sur la littérature

Publié le 23 juil. 2024 Mis à jour le 26 juil. 2024 Culture
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Le romantisme : avis de tempête sur la littérature

Le romantisme est la grande affaire littéraire du XIXe siècle. Revenons sur le moment et les conditions de son apparition.

De 1789 à 1815, la France a été secouée par la révolution, puis par les guerres napoléoniennes. On s’occupait alors d’autre chose que de littérature.

Lorsque la paix s’installe en 1815, que trouve-t-on dans le champ littéraire ? Le roman n’existe pas encore, ou à peine. Les deux genres majeurs sont le théâtre et la poésie. Ils sont dominées par les classiques du XVIIe siècle. Mais doit-on continuer à faire des tragédies sur le modèle de celles de Racine, des vers comme ceux de La Fontaine ?

Feu sur Voltaire et sur l’Académie !

C’est la voie qu’avait choisie Voltaire, au XVIIIe siècle. Voltaire avait considéré que Racine était un sommet insurpassable dans le théâtre, et il s’était attaché à l’imiter le mieux possible dans une trentaine de tragédies aujourd’hui oubliées.

C’est aussi ce que l’on enseignait aux nouvelles générations, au début du XIXe siècle. Les professeurs cornaient aux oreilles des enfants qu’il n’y avait qu’un bon goût en littérature, défini par les classiques du XVIIe siècle. En dehors d’eux et des auteurs antiques, point de salut ! Rabelais ? Vulgaire, scatologique ! Shakespeare ? Désordonné, violent ! Rousseau ? Excessif ! Un cas pathologique ! Naturellement, les jeunes gens allaient se prendre de passion pour ces auteurs audacieux, qui repoussaient les limites de la littérature. Au diable Voltaire et le bon goût ! Au diable les mises en garde des professeurs, les convenances, les recommandations de l’Académie française !

Coup de vent dans les voiles

Toute la position du romantisme est dans la réponse à cette question : faut-il se contenter de reproduire sagement ce qu’on nous a enseigné ? Non ! Mille fois non, disent les nouvelles générations. Si elles aiment et connaissent parfaitement Corneille, Racine, La Fontaine, elles entendent aussi trouver leur propre style. Les classiques aussi, à leur époque, avaient ouvert de nouvelles voies. Il est temps de faire de même.

Au début du XIXe siècle, le romantisme rassemble donc en réalité toute la partie vivante de la littérature. Plutôt qu’une école ou un groupe, le romantisme est un élan, l’exaltation d’une nouvelle génération. Un coup de vent dans les voiles ! Avec lui, l’horizon littéraire s’élargit considérablement.

Les sources du nord : Allemagne et Ecosse

Introduits en France par Germaine de Staël (De l’Allemagne, 1813), Goethe et Schiller inventent de nouvelles formes dramatiques beaucoup plus libres, d’inspiration plus populaire, en opposition au rationalisme des Lumières. L’aspiration à la liberté, l’énergie des passions, l’affirmation d’une identité nationale et une certaine « élasticité de l’âme » (Elastizität der Seele -Lavater, 1778) deviennent des valeurs centrales (courant Sturm und Drang). Depuis l’Écosse, le prétendu barde Ossian fait vibrer la jeunesse européenne et même Napoléon qui adore son énergie celtique.

L'exotisme

Les romantiques ont le goût des voyages. Chateaubriand fait marcher ses lecteurs dans les grandes forêts américaines et sur les rives du Mississippi (Atala, René), avant de les amener au Moyen-orient (Itinéraire de Paris à Jérusalem, 1811). Bien que d’origine plutôt nordique, le romantisme montre un tropisme oriental marqué, avec Byron (qui mourra auprès des révolutionnaires grecs), Lamartine (Voyage en Orient, 1835), ou encore Victor Hugo (Les Orientales, 1829).

Dans le monde méditerranéen, l’Espagne et l’Italie occupent aussi une place de choix dans l’imaginaire romantique, bientôt à la limite du cliché et de l’autodérision (Alfred de Musset, Contes d’Espagne et d’Italie, 1829).

« C’est l’essaim des Djinns qui passe.
Et tourbillonne en sifflant !
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau, lourd et rapide,
Volant dans l’espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.

Ils sont tout près ! … »

Victor Hugo, « les Djinns» in Les Orientales, 1829

L'Histoire, source d'inspiration

Au XVIIIe siècle, les dramaturges allemands avaient commencé à s’inspirer du Moyen-âge (Götz von Berlichingen (Goethe, 1773), Les Brigands (Schiller, 1782)). Walter Scott, depuis l’Écosse, abreuve l’Europe de romans médiévaux (Ivanohé, 1819).

Victor Hugo s’engouffre dans la voie avec Notre-Dame de Paris (1832). Alexandre Dumas rencontre un énorme succès en évoquant la Renaissance dans sa pièce Henri III et sa cour, jouée en 1829. L’Histoire devient un terrain de jeu infini pour les dramaturges, les poètes et les romanciers !

L’individu contre la société

Dans les Rêveries du promeneur solitaire (1782, posthume), Jean-Jacques Rousseau introduisait la contemplation de la nature dans la littérature. Cette démarche allait rencontrer un grand écho chez les romantiques. Mais l’influence de l’écrivain genevois ne se limite pas là. Reprenant ses accusations portées dans ses œuvres de philosophie politique, certains romantiques mettent en cause la société, jugée incapable de faire droit aux aspirations de l’individu.

Ainsi, dans Le Rouge et le Noir (1830), Stendhal met en scène un héros sombre et violent, en guerre contre une société de classes qui ne lui permet pas de réaliser ses ambitions. George Sand dénonce dans Indiana (1832) les drames créés par les lois injustes du mariage. Victor Hugo s’en prend à la peine de mort, dans Le Dernier jour d’un condamné (1829).

L'âme solitaire et mélancolique

Dès son origine, le romantisme est marqué par le tragique. Jugeant son amour impossible, Werther se suicide et la détonation crée une déflagration dans toute l’Europe (Goethe, Les souffrances du jeune Werther, 1774). Se suicider par amour ? C’est prendre les choses bien au sérieux. Dans un discours produit en 1824, l’Académie française reproche aux romantiques de manquer de gaîté, de bouder constamment et de « ne trouver de poésie que dans le malheur et l’affliction ». L’âme romantique ne semble en effet s’épanouir dans rien de tangible. La vie tout entière ne lui suffit pas : « Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter René dans une autre vie… » (Chateaubriand, René, 1802).

La contemplation de la nature renvoie à la fois à un rêve de fusion et à un sentiment de solitude : « il n’est rien de commun entre la terre et moi », se plaint Lamartine dans les Méditations poétiques (1820).

Le romantique s’envole très haut et il a un peu de mal avec la réalité. L’amour existe chez lui surtout à l’état gazeux, fortifié par la musique et les échanges de regards. Couple emblématique du romantisme, Alfred de Musset et George Sand partiront fous amoureux à Venise, pour en revenir irrémédiablement fâchés.

Mais le romantisme est assez divers en lui-même pour contenir ses antidotes. Stendhal et George Sand n’hésiteront pas à s’amuser de leurs propres travers ou de ceux de leurs contemporains, parfois boudeurs, poseurs ou amoureux artificiellement (Mathilde de la Mole dans Le Rouge et le noir).

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Commentaires (5)

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Jackie H il y a 3 mois

"L'amour à l'état gazeux", j'ai adoré !

Sinon, très bon article sur le romantisme vu dans une perspective internationale de littérature comparée, ce qui est malheureusement trop peu courant 🙂

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Matthieu Binder il y a 3 mois

Merci ! Difficile d'évoquer le romantisme sans parler de l'Allemagne et l'Angleterre à mon avis !

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Jackie H il y a 3 mois

Absolument d'accord puisque de fait le romantisme prend sa source dans le Sturm und Drang allemand, pour revenir en Allemagne par la suite après en être parti 🙂 et puis, qui d'un tant soit peu intéressé par la littérature ne connaît pas Byron au moins de nom ?

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