Félicitations ! Ton soutien à bien été envoyé à l’auteur
La voie, les voix de ma Grand-Mère

La voie, les voix de ma Grand-Mère

Publié le 29 janv. 2021 Mis à jour le 29 janv. 2021 Culture
time 8 min
3
J'adore
0
Solidaire
0
Waouh
thumb 0 commentaire
lecture 49 lectures
3
réactions

Sur Panodyssey, tu peux lire 30 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 29 articles à découvrir ce mois-ci.

Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit ! Se connecter

La voie, les voix de ma Grand-Mère

Toute ma vie j’ai écouté de la chanson française, et je n’ai pas prévu d’en soustraire l’écoute à mon ouïe. Elle se transmet par un canal jamais tari, véritables sources d’alimentation de mon plaisir et de mes émotions. 
Tous les styles, toutes les époques, des plus connus - artistes à célébrité affirmée- à ceux plus confidentiels.
 Des plus anciens comme Fréhel aux plus récents comme Foé. 
Des plus estimés et reconnus telle Barbara aux plus décriés ou «ringards»  comme Lenormand. Sans pouvoir, ni vouloir d’ailleurs, m’en lasser. Jamais une journée sans me délecter d’une audition plus ou moins longue mais toujours attentive. Passant comme à l’époque sur la bande FM de madeleines de Proust auditives à des découvertes contemporaines qui prennent place de choix. Je porte aux auteurs et compositeurs une admiration envieuse. Savoir à la fois écrire des paroles pleines de sens et composer la musique qui élève ce sens : du pur génie.  
Je les ai toujours admirés ceux et celles-là. 

Je dois avouer que mon impasse sur la connaissance de la langue de Shakespeare a favorisé cette inclinaison : je n’ai jamais appris l’anglais, ni scolairement, ni professionnellement. Russe première langue, Espagnol deuxième langue, Études de droit ...Une espèce rare et  - même si j’ai la chance de ne jamais rien regretter - c’était quand même un parcours linguistique pas banal mais juste très con . Ne jamais oublier : regretter, c’est être malheureux une deuxième fois. 
 A l’époque où les textes des chansons étaient imprimés sur les pochettes des disques vinyles, j’apprenais par cœur certaines en anglais, comme tous les 12/20 ans de l’époque. 
Et aujourd’hui encore, d’un anglais faussement fluent, j’en «récite» quelques-unes, essentiellement  Supertramp  . Des pochettes de vinyl en guise de professeur d’anglais que je n’ai jamais eu. Sans rien par contre comprendre à la signification des textes, pas plus Supertramp que Neil Young, Patti Smith ou Dire Straits. Heureusement Internet me permet aujourd’hui de trouver en cinq secondes la traduction de tous leurs titres . J’écoute différemment de vieux Stones ou Clash, même si parfois comme avec « Follow You Follow Me » de Genesis j’ai pu comprendre. Mieux comprendre, car j’ai pu pleurer avec la seule audition sans compréhension.  C’est encore plus vrai avec Bruce Springsteen dont je suis fan absolu et que j’ai souvent vu en concert. 

Alors d’où m’est venue cette passion - oui c’est le bon terme - qui n’a donc jamais disparu, et que j’ai entretenue comme un jardinier méticuleux avec ses Bonsaïs. 
La source est facilement identifiable. La musique et en particulier la chanson française était le décor sonore de ma famille, à Tarbes rue Charles Gounod. Mais que chez nous les Ave Maria venaient d’autres Charles : Aznavour, Dumont,Trenet,  ...
A l’exception de mon père qui disait oreille ne pas avoir , mais était fasciné par Jacques Brel quand il parlait. Il n’entonnait que fort discrètement quelques chants montagnards avec ses amis de cordée, et très timidement se rappelait quelques notes d’une merveilleuse berceuse Basque, « Aurtxo Ttioia ». Une de  ces merveilleuses mélodies basques qui a fait dire à mon éternelle complice Vanessa un jour d’enterrement traditionnel en l’église d’Arcangues : « Cette langue a été créée pour être chantée » . 
Dans notre maison, pas une pièce sans transistor. De celle du repassage - nom prédestiné - à la cuisine en passant par la salle de bains. Les magnétos- cassette étaient fréquemment de sorties les soirs où nous enregistrions maladroitement les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier ou de Jacques Chancel. 
Ma mère m’a maintes fois relaté que lorsqu’elle partait en week-end avec son père direction Saint Jean de Luz dans les années 50, en l’absence de poste de radio à l’époque dans la voiture décapotée, elle écoutait plusieurs heures de proses musicales françaises. Celles interprétées par l’éternel élégant Gaby, mon grand-père qui avait un large répertoire, moindre que son féminin cependant. 
Et tout comme moi très jeune, ma mère connaissait ainsi des tas et des tonnes de chansons françaises par cœur. Sténo dactylo de métier, elle pouvait capter les paroles de toute chanson comme par magie. J’étais fasciné de son talent, ces hiéroglyphes sur papier blanc qui une fois la chanson terminée devenait le texte. J’ai un souvenir très précis de cet exercice avec Gérard Manset et son «Il voyage en solitaire». J’adorais cette chanson. Jusqu’à quel point - elle aussi - m’a-t-elle influencé ? : 
« Il voyage en solitaire (...) 
Mais il est seul un jour
L'amour
L'a quitté, s'en est allé
Fair' un tour
D'l'autr' côté
D'une ville où y'avait pas de place pour se garer » 

Mais c’est ma grand-mère - être d’exception - qui a sans aucun doute le plus studieusement initié et réussi la «greffe» . Sans le savoir. Elle a toujours vécu avec nous dans notre maison à Tarbes. Je suis né elle était là, déjà âgée dans ses blouses d’intérieur, la chambre mitoyenne de la mienne. Par initier, j’entends savoir se créer des rendez-vous avec la musique « seul(e) à seule » , et j’en étais le technicien et le DJ . Mamie, ma Mamie, je l’appelais ainsi de manière très originale bien qu’à mes yeux étant immensément unique. Angèle de son prénom, préfigurateur, ne savait pas installer seule ses tourne-disques :  chacun avait ses « instruments » d’écoute. C’était ma mission, mon rôle, mercredi et jours de vacances scolaires pendant qu’elle cousait ou lisait ...Télé 7 Jours et Ici Paris exclusivement. 
Elle ne m’aura pas transmis le goût de la littérature, plutôt d’ailleurs le rejet de la presse people ou à scandale. J’y étais sans être contraint mais invité avec sa formule à elle : « sans te le demander tout en te le demandant » , qui excluait de pouvoir dire non. 
Inconsciemment au début j’entendais ses disques, puis ensuite je prenais plaisir à écouter, car en sus d’installer la platine voyageuse il fallait que je mette la face B , que je change de disque , répondre  à sa vindicte : « non, non, le morceau d’après » sur les 33T . Oh ça oui j’écoutais, certainement pas en pleine conscience, mais mon plaisir fut précoce. 
J’étais ainsi familier des Compagnons de la Chanson, de Francis Lemarque ou encore de Patachou . Alors que mes copains et copines d’école n’en pinçaient que pour Claude Francois, C Jerome où Patricia Lavilla , artistes qui ne méritaient pas ce qualificatif chez les Casamitjana. 
Pas plus que d’être écoutés. 
Cette forme d’éducation musicale, en cours privé dans la cuisine ou dans sa chambre, ne comportait pas de remède à cette forme de mélancolie quand je les écoute aujourd’hui. 
Mais des dizaines d’années plus tard, ce qui m’a profondément interpellé - avec une pointe d’expectative - fut de sentir, de comprendre l’influence avérée que certaines chansons de ma Grand-Mère ont exercé sur moi. Sur mon attitude et mon comportement autour du - et pas avec le - sentiment amoureux. Un mix entre rêves d’oreiller le soir et certains de mes freins le jour. Ainsi, au milieu des souvenirs des dizaines et de dizaines de ballades des années 60 et 70 de ma fameuse Mamie, ont émergé naturellement quelques-unes d’entre elles. 
Et je suis prêt à parier avec la conscience de ma mémoire : celles qu’elle m’a fait le plus écouter. Ou à tout le moins celles que j’ai le plus retenues. Et qui je l’ai compris – foi de ma psychanalyste - m’ont laissé une empreinte profonde. Avec malheureusement une réminiscence trop tardive à la compréhension induite plus encore. 
Quelles sont-elles ? 

Les Divorcés de Michel Delpech : quasiment toutes les fois où j’étais « DJ Pierre » il fallait les écouter, sa vision surtout d’ailleurs !!! Je n’ai jamais compris jeune le ou les messages, ni le direct et moins encore le subliminal. Mon grand-père son mari lui rendait une visite quotidienne entre 15 et 16h, sans chanter et guère enchanté. Il résidait sous un autre toit avec une autre femme, ce que je n’ai appris qu’à l’aube de mes 18 ans sans jamais avoir posé de questions auparavant. J’étais le «mètre - étalon» de la naïveté . Il n’a jamais divorcé d’elle, et attendu son décès pour épouser «l’autre», surnom impersonnel que ma Mamie utilisait avec moi quand elle sut que je savais. 
Pas plus qu’à mère d’ailleurs, mais j’y reviendrai.                          

Et puis deux autres dont j’ai l’intime conviction qu’elles ont été les deux tuteurs de mon inclinaison amoureuse. À la fois d’effet castrateur mais aussi semeur de contes romantiques sur la femme rêvée , celle de la «Chanson de Maxence» de Jacques Perrin dans les Demoiselles de Rochefort. 

« Un jour tu verras » de Marcel Mouloudji : la femme inconnue, mystérieuse, l’idéal féminin. 
Un jour tu verras, on se rencontrera, 
Un jour, tu verras, on se rencontrera,
Quelque part, n'importe où, guidés par le hasard,
Nous nous regarderons et nous nous sourirons,
Et la main dans la main, par les rues nous irons.
Un aveugle jouera de l’Orgue de Barbarie (...)

Et celle de Pierre Perret dont le titre fut un frein majeur à ne pas mieux profiter du moment présent, ou même oublier de le savourer, avec parfois tant de regrets. 
Il égrenait de sa voix mièvre cette invitation à penser qu’ailleurs ou plus tard ce serait mieux : 
«Le bonheur c'est toujours pour demain
Hé fillette ne prends pas ma main
Mes doigts ont effeuillé tant de roses
Que de parler d'amour encore je n'ose» 
lecture 49 lectures
thumb 0 commentaire
3
réactions

Commentaire (0)

Tu aimes les publications Panodyssey ?
Soutiens leurs auteurs indépendants !

Prolonger le voyage dans l'univers Culture
COME IN ! 
COME IN ! 

  Light each day enters, and political stage is coming to be clearer : no Deep State, a fantasy

Cecile Voisset
3 min

donate Tu peux soutenir les auteurs qui te tiennent à coeur