Habiter le monde

D’un souffle d’air inspiré

goulée d’air froid du matin

entre les bois des lendemains

tiédi dans un corps éveillé

je me suis formé

Poussé par une force souple

j’ai pris mon élan

je suis monté doucement

traversant une gorge rouge

une bouche tapie de langue chaude et mobile

Dans un mouvement précis

d’un coup de langue lapé du palais aux gencives

j’ai été propulsé aux frontières du corps

contre le biseau tendu des lèvres

Alors je me suis fendu sur le bord de l’attaque

fragile

suspendu

La fente m’a fait naitre

laissant à l’espace immédiat

la laisse de mon éclosion

la mue d’un air muet à la rondeur d’un son

Tandis que je me glissai en robe de roseau

m’allongeant dans le souffle porté

du creux de la matière mon corps

apparaissaient mes ventres et mes nœuds

et j’entrai dans la résonance voyageuse

Je vibrai jusqu’au dehors glissé

je vibrai des vibrations du monde

Alors dans la coloration harmonique

je m’immisçai dans l’intime ouvert des oreilles

dans le fluide des feuilles et des bêtes

J’emplissais l’espace d’un instant soufflé

Dans un chemin démultiplié d’infini

j’entrai dans des réseaux de fibres

un labyrinthe de cils

des noyaux de transformations

je me déployai en images mouvantes

sur l’écran des rêves

Je naissais au sensible

je me logeais enfin dans la mémoire d’un hippocampe