CHAPITRE 3: F
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CHAPITRE 3: F
La femme m’a dit : « -Peut-être que si tu as été envoyée ici, c’est pour les accompagner ».
D’autres ont guéri. Bouts de choux, bouts de tunnels. J’ai accompagné autant que j’ai pu, sauf une fois. Une fois, j’ai fui. Il m’a manqué le courage bien sûr mais surtout, et c’est pour cela que j’ai fui, je savais que je ne possédais rien en moi à ce moment là qui puisse être utile, pas la moindre possibilité de réconforter une mère et sa fille. Une fuite, puis la paralysie, le souffle coupé, je me suis réfugiée dans un bureau quand on est venu la chercher pour la ramener chez elle. Telle a été ma fuite. Je crois que je craignais plus la réaction de la mère. Si elle s’était effondrée sur moi, je n’aurais pas eu les épaules assez solides. Si elle avait attendu certains mots, je ne les aurais pas trouvés.
Une semaine plus tôt, je faisais des tatouages à la miss au marqueur sur sa peau, des fleurs, elle a souri à ce moment là et c’était beau à voir. Un maigre sourire inoubliable pour une énorme récompense.
Tout s’est passé excessivement vite, la métamorphose était telle que je ne l’avais pas reconnue lors de ma deuxième visite, je croyais m’être trompée de chambre. Les traitements avaient façonné son corps de petit fille en un corps étrange, un corps immense, dilué. Elle voulait être scénariste et déjà écrivait des histoires. J’ai su alors que tout était perdu. Pour moi elle était devenue secrètement mon petit bouddha parce qu’ainsi elle devenait éternelle et sacrée. C’était en quelque sorte, une façon de contrer l’issue qui allait encore une fois m’échapper. Son film préféré était « la planète des singes » parce que disait t-elle, «- elle aimait l’humanité qui s’y trouvait» et « - parce qu’ il apprend la tolérance et l’amitié envers la différence ». Elle était pleine de promesses et d’intelligence vive, un de ces êtres sensibles qui ne traversent pas leur vie car peut-être sont-ils trop lumineux, trop parfaits pour être des hommes : erreur de fabrication retour à la case départ. C’est peut-être aussi simple que cela ! Je veux dire, le choix, peut-être est-ce ainsi qu’il se fait. Ne dit-on pas toujours que ce sont les meilleurs qui partent les premiers! J’aimerais faire cesser cette voix qui répète c’était écrit… cette voix qui rajoute : c’est mieux ainsi, ailleurs il y a mieux à faire. Mieux à faire où ça ? Dans le néant ? Dans le vide étoilé ? Au milieu des nuages ? Cette voix qui prétend qu’ils sont appelés dans l’au-delà pour une mission plus importante. Seigneur, faites moi rire, j’en meurs d’envie !!!!
F. était une merveilleuse petite fille promise à une réussite certaine qui aurait sans doute fait le bonheur d’un homme et aurait couvé ses chérubins avec tendresse et maternité. Voilà la vérité, voilà tout ce qu’il y a à dire et aujourd’hui elle n’est plus là, cela, elle ne l’accomplira pas ni le reste d’ailleurs.
J’aimerais aujourd’hui qu’il en eut été autrement.
La femme m’a dit : « - Peut-être que si tu as été envoyée ici c’est pour les accompagner ».
A chaque fois que je pense à ces envolés au ciel, je ne peux m’empêcher de songer à tous ceux qui ont gâché leur vie sur les mauvaises voies, à tous ceux qui sont en train de passer à côté, aux âmes égarées et à ceux qui, désemparés, ne savent pas quoi faire. Quelque part, d’une façon extrême, je pense que la vie devrait se mériter mais cette pensée est dure et sans concession.
(Silence)