Rencontre avec Alicia Bouffay
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Rencontre avec Alicia Bouffay
Dernière répétition avant le grand spectacle. Dernière répétition avant son grand départ. Voilà des heures que nous travaillons sur cette chorégraphie, pourtant aujourd’hui, les pas me semblent nouveaux. Mes gestes sont hésitants et maladroits.
Partenaires de danse depuis près de deux ans, nos corps s’entendent à merveille. Ils se parlent, se découvrent, s’attirent, se complètent avec grâce et élégance. Un merveilleux couple connu dans tout Paris pour son talent et sa complicité. Lorsque la musique commence, la magie opère : le temps s’arrête soudain et plus rien ne semble avoir d’importance. Les spectateurs connaissent tous le ballet, pourtant, à chaque représentation, ils espèrent une autre fin. Une fin heureuse, féerique…, improbable. Mais voilà, dès que le rideau retombe, le charme s’estompe et nous redevenons deux inconnus. Deux âmes solitaires incapables de se comprendre, incapables de s’apprivoiser.
Jamais il n’a su ce que je ressens pour lui. Jamais je n’ai osé le lui avouer. Comment lui dire que la fille farouche que je suis fond lorsque son regard intense se pose sur moi. Que dans ses bras, tous mes soucis s’envolent. Que m’éloigner de lui est un véritable supplice…
Mais aujourd’hui, j’ai laissé mes sentiments prendre le pas sur la raison. Cet amour qui brûle en moi depuis si longtemps a endiablé mon corps et je me suis accroché à lui. Mon cœur battait la chamade. La tête sur son épaule, je pouvais sentir son souffle chaud effleurer ma peau sensible. Son odeur m’enivrait. Je n’étais plus moi-même.
L. S. Martins
Qu’a-t-elle aujourd’hui ? Elle oublie des pas. Ses sauts sont fragiles. Son regard a un éclat étrange. Elle se trompe dans le rythme. J’ai cette envie de la réconforter, l’envelopper de mes bras. Mais nous sommes sur scène, nous devons nous concentrer sur la tension de nos jambes, l’amplitude de nos gestes. Nous devons danser et laisser le reste de côté.
Ce matin déjà, j’ai senti qu’il y avait quelque chose. Quand elle a posé son manteau et enlevé ses chaussures, quand à mon « ça va ? » elle a répondu « j’ai si froid». C’est l’hiver hein, j’ai dit. Elle n’a pas souri. Sa lèvre tremblait.
Nous nous sommes échauffés. Son genou lui faisait mal elle disait. Cela fait des mois que nous exécutons ce ballet. La douleur fait partie du métier.
Je peux dire que nous nous entendons bien, nous sommes complémentaires. J’ai de folles ambitions, elle garde les pieds sur terre. La semaine dernière, nous avons fêté nos deux ans de collaboration. Nous sommes allés dans un petit troquet, dans son quartier. Nous n’avons pas dit grand-chose, nous avons regardé les gens autour en buvant une petite coupe de champagne. Nous étions bien comme ça.
Bientôt les derniers pas de la chorégraphie, voilà le porté qu’elle appréhende, maintenant le mouvement plus lent, la danse se termine enfin : elle tombe dans mes bras. Je sens son parfum discret, la chaleur de sa peau douce. Si douce.
Alicia Bouffay
Textes de L. S. Martins (première partie) et Alicia Bouffay (seconde partie).
D'après Image par S. Hermann / F. Richter de Pixabay : Ballerine Salle De Bal Danseur - Photo gratuite sur Pixabay