L'arnaqueur
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L'arnaqueur
On a tous quelque chose à se reprocher et certains plus que d'autres, alors on tient ça mort, il ne faut surtout pas que cela se sache, on met une chape de plomb par-dessus pour être sûr que personne n'y aura accès et ainsi le secret sera bien gardé.
La vie nous réserve parfois des surprises et je dois dire que celle-ci, elle était de taille.
Je l’ai rencontré dans de drôles de circonstances.
Nous avions sympathisé à l’occasion d’un de ses rares coups qui avait dérapé, n’étant pas en odeur de sainteté avec la police, je l’avais couvert instinctivement, sans poser de question. Il faut admettre que j’ai toujours eu un faible pour ceux qui ont maille à partir avec les forces de l’ordre.
Je ne lui ai rien demandé, je l’ai simplement aidé à disparaître et je crois que c’est ce qu’il lui a plu. J’imagine qu’il a vu en moi un collaborateur efficace, du même bord que lui.
C'était une machine implacable, qui avait réussi à se soustraire du carcan collectif des sociétés paternelles ultra-conservatrices, en adhérant à la branche modérée, une façon subtile de s'écarter du chemin tout tracé que lui imposait sa famille de requins.
Ils ne se sont rendu compte de rien, persuadé d’en faire un des leurs, mais un beau jour, il avait disparu du décor, sans laisser de trace.
Ce n’est que quelques années plus tard, qu’ils l’ont réalisé. Pendant tout ce temps, il avait réussi à leur faire croire en sa présence, en faisant des apparitions furtives, en laissant des indices çà et là.
Maintenant, il était libre de faire ce qu’il voulait et il allait mettre à profit tout ce que lui avaient enseigné, bien malgré eux, ses professeurs d’économie, de sociologie, de philosophie et des marchés financiers. Grâce à eux, il avait compris la nature humaine et ses travers et comptait bien l’utiliser à son profit.
La plupart des gens qu'ils l’ont côtoyé, témoignent toujours de son authenticité. Mais personne ne connaît sa vraie identité, sa vraie personnalité.
Lorsqu’il flaire une proie, il prend son temps, accumule toutes informations utiles et construis pièce par pièce son plan.
Son plan est à la fois simple et machiavélique, rien ne doit lui échapper et il sait exactement ce qu'il a à faire. Tout est codifié, gérer, quantifié, évalué, chronométré à la seconde prés et il ne laisse aucune place à l'erreur.
Si tout se déroule comme prévu, personne ne sait qu'il est venu et reparti aux yeux et la barbe de tous bien entendu après leur avoir vider les poches ou les comptes. L'objectif étant de faire croire à l'acquéreur potentiel, qu'il fait une bonne affaire, en lui communiquant des informations privilégiées, des détails suffisamment crédibles mais très difficilement vérifiables.
Il lance son appât et attend qu'il morde, une fois fait, l'affaire est dans le sac, sa route est tracée droite et large comme un boulevard.
Il utilise toutes les astuces possibles, telles que donner rendez-vous à un prospect uniquement les jours ouvrables afin de lui laisser croire que c'est du sérieux, qu'il ne travaille pas les fins de semaine. Il donne rendez-vous dans des lieux, comme le hall d’entrée d’une succursale très connue dans le milieu des affaires et s’arrange toujours avec le gardien, moyennant quelques billets, pour avoir accès au salon VIP durant les heures de bureau. Ce qui laisse à penser, à sa cible, qu’il a ses entrées dans les hautes sphères du monde des affaires. Qui pourrait penser que ce n'est qu'un leurre, personne n'aurait l'idée d'aller vérifier à la source tant la fabulation est crédible.
Et c’est ainsi qu’il a pu piéger et détrousser bon nombre d’hommes d’affaires peu scrupuleux, dont certains de l’entourage familial, il a même réussi à vendre une île paradisiaque, qui n’existe pas, à un membre du groupe commercial auquel il a appartenu jadis.
Je ne sais pas comment il m’a retrouvé, j'avoue que j'ai été très intrigué par son histoire et c’est ce qui m'a convaincu de le rejoindre.
Lorsqu’il m’a donné rendez-vous à Genève, j’ai tout de suite tout abandonné pour prendre le premier train, enfin je pouvais revenir dans le jeu.
Il vient de joindre, semble-t-il, un groupe de commerce interlope, qui tient plus de l’enrôlement doctrinal, mais je le sais capable de jouer le jeu afin de passer inaperçu, de se faire oublier. Il peut être comme une ombre et se glisser dans les recoins pour échapper aux regards. Il est pourtant connu pour être attiré par tout ce qui brille et s'arrange toujours pour ne laisser que du plomb à la place de l'or, si vous voyez ce que je veux dire.
Pendant que je déambulais sur le trottoir du boulevard Sébastopol, perdu dans mes pensées, je n'ai pas remarqué tout de suite la voiture qui me suivait, c’est lorsque je me suis arrêté à la devanture d'un magasin de vêtements et chaussures, que je l’ai vu pour la première fois, se garer de l'autre côté de la rue.
Au début je n'y ai guère prêté attention, c'est normal, en ville il y a bien souvent une voiture qui se stationne au moment où vous êtes devant une échoppe. C'est lorsque je l’ai remarqué à nouveau, dans le reflet d'un autre magasin, le conducteur n'étant même pas descendu et au moment où j’ai dépassé la porte d'entrée, la voiture a quitté sa place de stationnement, mais sans accélérer pour autant, comme l'aurait fait n'importe quel autre véhicule.
Surpris, j’ai décidé de vérifier si mon intuition était bonne, j’ai tourné immédiatement à gauche au prochain carrefour et constaté que la voiture tournait aussi en roulant au ralenti, ce qui est totalement inhabituel en ville.
- Il n'y a que les voitures de police pour se comporter ainsi, pensais-je.
Cela à fait, Tilt ! Dans mon esprit. Et si c'était justement la police en civil ?
Il me fallait trouver un moyen de la semer, j’ai décidé de faire un détour par les sous-sols des galeries marchandes, afin de me cacher parmi la foule, mais pour cela je devais voir l'allure du conducteur afin de pouvoir le repérer au milieu de tous. J'ai accéléré le pas, de façon naturelle, pour ne pas éveiller les soupçons et pris la direction des Galeries, j’ai misé sur le fait qu'il lui faudra trouver une place de stationnement, ce qui me laissera juste assez de temps pour me glisser à l'intérieur et voir à quoi il ressemble.
Étant jeune j'ai lu énormément de romans espionnage, de braquage, de course-poursuite, j'adorais tellement ça, au point d'en faire une lecture académique et j'ai sacrifié beaucoup de mes jours de repos et de congé, mais maintenant je dois avouer que tout cela m'est bien utile.
Bien qu’il m’ait été facile de semer mon poursuivant, dorénavant il me faudra être sur mes gardes, je présume qu’ils ont dû analyser les caméras de surveillance et c’est vraisemblablement comme cela qu’ils ont pu m’identifier.
S’ils comptent sur moi pour le retrouver, ils peuvent toujours s’accrocher, moi aussi je peux devenir une ombre.