Au sortir de nos petites boites.
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Au sortir de nos petites boites.
Domaine de Cadablès Au sortir de nos petites boites. Au sortir de nos petites boites !
La compréhension du temps long et la résilience sont certainement les vertus paysannes par excellence et le recul pris durant les temps de doutes nous a permis de sortir la tête relativement haute de l’arrêt brutal, de la claustration imposée.
Sentinelles du changement climatique à la merci du vent, des pluies, du soleil, des grêles nous avons appris durant ces seize années d'agriculture paysanne à relativiser, à voir venir , à laisser aller, à se fondre dans le mouvement pour nous lover, nous adapter et le covid n'en sera qu'un exemple.
A l’arrêt des affaires succéda une angoisse toute légitime vite chassée par la réflexion, le souvenir de l'abnégation des premières années, le souvenir des printemps compliqués à la vigne, des étés trop torrides qui n'ont pas altéré notre envie d'exister, de continuer coûte que coûte cette aventure enthousiasmante, ce chemin souvent pris à rebrousse poils, cette folle envie de cultiver, de vinifier dans le sens du vivant. Lorsque trop essoufflés, nos énervements prennent le dessus cela retombe malgré tout. La furie intérieure se calme assez vite, l'envie revient d'un rien, d'une parole, d'un espoir retrouvé.
Dans nos métiers il n'y a pas de garantie, pas d’assurance de bonne fin, pas d'horloge qui sonne l'heure des congés, et pourtant ! Et pourtant nous nourrissons, nous préservons, nous oxygénons, nous entretenons, nous paysageons mais sommes essorés par les aléas célestes, les marchands du temple, les boulimiques de tout genre, les administrateurs tatillons dont nous justifions l'existence.
Et pourtant que l'on soit bio ou pas nous restons paysans, terriens, ancrés, attachés et avons aussi, comme beaucoup d'entre vous, l'envie de voir nos sociétés un peu trop formalisées changer dans le sens de l'humain et calmer cette course folle pour revenir vers l'empathie, la compréhension, la solidarité et l'humanité. Non pas dans la division mais dans la remise en question personnelle, professionnelle l'un devenant la continuité de l'autre.
Mais quelle carte jouer ? Quelle action mettre en œuvre ? Chacun y verra midi à sa porte, y réfléchira et peut-être fera évoluer sa consommation, son tourisme, sa pollution, sa sensibilité, son écoute, sa rébellion, son militantisme, son influence pour ceux qui en ont, mais n'en avons nous pas tous un peu ?
En tout cas à Cadablès, cette période d'introspection nous a conforté dans nos choix. Le choix de la vie que finalement peu empruntent en agriculture, le choix du local que beaucoup plébiscitent à nouveau. Qu'en sortira t il ?
Pour notre part nous abandonnons de plus en plus le lointain pour revenir au local. Laissons tomber tant que faire ce peut les abusives, trompeuses et nébuleuses trop grandes entreprises. C'est une histoire de lien, de rapports, de confiance qui nous unit aux alentours. C'est si peu mais certainement pas dérisoire. Enfin j’espère !
Depuis deux semaines les affaires repartent tranquillement. Les vins sortent et nous sommes à nouveau recontactés. Ragaillardis par ces quelques sollicitudes les brumes s'évaporent mais nous naviguons toujours à vue sur un marché perturbé en profondeur par les miasmes du virus, les affres de la surproduction, les algarades des industriels du secteur prêt à brader l'effort des manants de la terre à des acheteurs peu scrupuleux qui n'ont que faire d'un commerce équitable.
Dans le fond, c'est une aventure collective qui nous est proposée. Une chance à saisir à petit pas, à grandes enjambées pour qu'éclose un équilibre perdu durant des phases de croissances exponentielles et déstructurantes.
Prenons la main ! Joyeusement, créativement en évitant les crocs-en-jambe que ne vont pas manquer de nous tendre les diablotins de la croissance à n'importe quel prix. Créons une nouvelle ère chacun à son niveau en changeant nos façons, nos regards. Rendons plus nobles nos ambitions.
Au pas lent des changements, cahin-caha les choses évoluerons, certainement pas assez vite et d'autres soucis naîtrons pour nous apprendre à considérer l'essentiel et la simplicité, pour nous apprendre à tourner nos regards, pour nous apprendre le temps long et la résilience. Pour nous apprendre, qui sait, à écouter les paysans, à les reconsidérer car durant les temps de disette les ploucs changent de camp !
Et pendant ce temps la vie reprend ses aises et c'est assez réjouissant.
Bien à vous tous.
. Christine et Bernard vignerons Bio . Domaine de Cadablès . |
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Julien Guyomard il y a 3 ans
"La compréhension du temps long et la résilience sont certainement les vertus paysannes par excellence et le recul pris durant les temps de doutes nous a permis de sortir la tête relativement haute de l’arrêt brutal, de la claustration imposée.
Sentinelles du changement climatique à la merci du vent, des pluies, du soleil, des grêles nous avons appris durant ces seize années d'agriculture paysanne à relativiser, à voir venir , à laisser aller, à se fondre dans le mouvement pour nous lover, nous adapter et le covid n'en sera qu'un exemple."
De la philosophie paysanne à son meilleur !