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Enterrement d'une inconnue

Enterrement d'une inconnue

Publié le 12 févr. 2025 Mis à jour le 12 févr. 2025 Biographie
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Enterrement d'une inconnue

Quelle étrangeté d’aller à l’enterrement de quelqu’un que l’on n’a jamais vu.


En ce lundi matin, je m’étais levée comme si je devais aller travailler, mais la route que je prenais me menait à une tout autre destination. Dissimulée entre des tours d’immeubles, une petite église blanche, au lieu de paraître perdue, se retrouvait être le refuge des âmes en peine, balayées par le souffle frais d’un saint de glace anticipé.

Arrivée au moment où le cortège accompagnait le cercueil dans sa dernière demeure, je suivais, discrète, reconnaissant de loin la silhouette massive de mon voisin et ami, pour qui j’étais venue aujourd’hui, perdue au milieu d’inconnus.

Assise au fond de l’église, je m’étais placée derrière mes chers voisins en espérant pouvoir leur transmettre plus facilement mes ondes de soutien et de force… Car même à près de 70 ans, ce n’est jamais facile de dire A-DIEU à sa maman…

Mon regard se dirigeait alors vers le centre de l’église où le cercueil trônait en toute simplicité. Parmi les fleurs, le portrait de sa mère nous faisait face. Il ressemblait tant à celui de ma mamie qu’il me fallut regarder à deux fois pour m’assurer que ce n’était pas elle…


La cérémonie a commencé et la fille aînée et son mari ont narré l’histoire de la courageuse Philomène.

Une prématurée de 900 grammes qui, en 1925, avait couvé dans une boîte à chaussures près de la cheminée d’une petite maison finistérienne. « Celle-ci ne fera pas long feu… » avait déclaré sa mauvaise fée de marraine. Mais le destin en avait décidé autrement. La Philomène s’était accrochée à la vie et avec le temps, était devenue la deuxième maman d’une fratrie de quatorze enfants.


Philomène, en langage des oiseaux, signifie « le fil mène haut » : D’ailleurs, n’était-elle pas couturière ?

Sa vie a alors défilé et elle est devenue une femme. Elle s’est mariée lors d’une triple cérémonie et a fondé son propre foyer avec 4 enfants, deux filles et deux fils, un double choix de roi ! A cinquante ans, un drame est venu ébranler la famille. Son mari est mort accidentellement laissant Philomène avec un petit dernier de 10 ans seulement, qui lui avait sûrement donné le courage de s’accrocher : Quelle belle PHILO-sophie de vie !

Puis, elle est devenue mamie avec sept petits-enfants chéris et choyés, grand-mamie avec onze arrière-petits-enfants et aussi une ribambelle de beaux-frères, belles-sœurs, neveux et nièces…


Une de ses petites filles racontait avec émotion qu’un jour, elle avait demandé à sa mamie de lui faire rencontrer toute sa famille. Elle revivait alors leurs virées en R5, à sillonner les ribines du Finistère, boostées par des cafés-filtres, pour découvrir tous les membres de cette grande famille. Avec sa mémoire d’éléphant et l’amour qu’elle portait aux autres, elle se souvenait du prénom de chaque cousin, neveu ou petite-nièce… ça devait être une sacrée caboche !


Les petits-enfants ont pris la parole tour à tour et ont conté avec émotion leurs souvenirs avec leur Mamie-gâteau. La douceur, l’écoute, les rires – beaucoup -, les mots baragouinés en breton, les goûters gourmands avec toujours trop de crêpes et de gâteaux qu’ils remportaient chez eux dans un pochon….Sa cuisine n’était pas bien grande mais son amour sans limite !

Ils se sont rappelés aussi de sa bosse des maths et de leur plaisir à essayer de lui poser des colles en multiplication… mais comme dit l’adage « Une femme qui sait compter, on peut compter dessus ! ». Et même si à 95 ans, elle a déjà enterré bon nombre de ceux qu’elle aimait, l’église comptait encore du monde en ce lundi matin. Et de l’émoi…


Philomène était une résistante, une battante, mais le dernier drame de sa vie l’a laissée KO, il y a 7 ans … On dit qu’il n’y a pas de plus grand malheur que de perdre un de ses enfants et quand son petit dernier s’est éclipsé trop vite, son cœur de mère s’est aussi arrêté. Cette fois-ci, Philomène a déposé les armes et a attendu que son heure arrive…


Et moi et moi, émoi…

Je me retrouvais là, spectatrice d’une histoire déjà contée par bribes par mes voisins et qui prenait aujourd’hui tout son sens, une fois les pièces assemblées.

Je regardais encore et toujours le portrait de la mamie-gâteau et pensais alors à la mienne qui était plutôt une Tatie Danièle dans son genre… Les gâteaux qu’elle nous offrait venaient des boîtes en fer Delacre dont elle se réservait les meilleurs… Elle n’éteignait pas la télévision quand nous venions la voir et si son programme était plus intéressant que notre vie, elle n’hésitait pas à écourter notre visite… La cerise sur le gâteau était quand je faisais entonner une petite comptine par son arrière-petite-fille à qui elle coupait la chique à peine le premier couplet terminé, arguant que la chanson était terminée !

Mais elle n’a pas toujours été comme ça, ma mamie. Du temps de mon papi, elle organisait pour son anniversaire des spectacles mettant en scène tous les petits-enfants. Chansons, poésies, chorégraphies, costumes, maquillage, musique : on faisait le show pour elle et elle adorait être sur le devant de la scène. Et puis mon papi est parti trop vite, son côté maniaco a pris le dessus. Dans ses phases UP elle nous faisait rire de ses délires et dans ses phases DOWN, elle allait en clinique le temps que ça passe…

Alors, d’entendre le récit d’une vraie mamie-gâteau m’a ému.

J’ai pleuré en même temps que les petites-filles qui n’arrivaient pas à contenir leurs larmes, J’ai souri en entendant son jeune frère de 80 ans parler d’elle comme de sa seconde maman et j’ai eu de l’espoir quand son arrière-petite-fille lui a souhaité une douce nuit…

Je garderai enfin en mémoire une phrase rapportée de la bouche de Philomène :

« Il ne faut pas faire d’études longues sans l’intelligence du cœur ». Une vraie leçon de vie pour la nouvelle génération à venir…


Repose en paix, Philomène, tu l’as bien mérité.

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