En ce moment, j'aime lire le dictionnaire, juste une page de temps en temps, parfois même juste un mot. Quand j'étais petite, c'était ma lecture du soir et j'avoue que je retrouve le petit plaisir de me laisser porter par le hasard des mots dépecés sur quelques lignes. On sent presque sous les doigts la froideur de la plume qui les a disséqués, les laissant mourir dans les pages du lexique de notre langue paradoxalement vivante. Parfois l'inspiration crépite, c'est un soubresaut, une pulsion de vie irrépressible dont je m'empare comme on ramasse un oiseau blessé. Et parfois j'arrive à le ranimer, ce mo(r)t.

Sels

Nom masculin pluriel (latin sal, salis)

Mélanges acides ou alcalins qui servaient à ranimer par inhalation les personnes défaillantes.

Tout à coup, l'image m'est venue d'une sirène ... Pourquoi n'existe-t-il que des sirènes d'eau de mer ? Pourquoi faut-il du sel pour faire une sirène ? Est-ce que ce sont d'éternelles mortes maintenues en vie par un peu de goût dans les poumons ?

Pourquoi les rivières, les cascades, les lacs n'auraient-ils pas leur propres sirènes ? Manque de place, de profondeur ? Réduites à de petits clapotis dans l'eau claire, elles perdraient leur part de mystère ? Trop accessibles, elles auraient été depuis chassées puis éteintes ? On aurait fait du commerce d'écailles forestières, présageant la perte des sirènes ? À quoi ressemble ces écailles, d'ailleurs ? Un peu brutes puisque non polies par les vagues, le sel et le soleil, elles auraient des reflets plus discrets, la nacre se faisant rare.

Collage numérique à partir d'images générées par IA (Canva)

L'abîme et le mystère ne sont pas l'apanage des mers, les forêts aussi sont des antres à secrets. J'ai demandé pour mon anniversaire la très belle édition en trois volumes du Robert, avec des dorures sur le coffret et des illustration plein les pages. Ce sera mon abysse à moi, celle dans laquelle je plongerais pour m'inspirer. D'ailleurs, j'ai choisi l'édition bleue.