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Chapitre 4 - Roi de coeur

Chapitre 4 - Roi de coeur

Publié le 13 août 2024 Mis à jour le 13 août 2024 Aventure
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Chapitre 4 - Roi de coeur

Source Pinterest

Car je sais que mon règne est éphémère,

Et la fin est toujours proche et rencontre,

Le poids de la couronne sur ma tête,

C'est trop à supporter, trop à marcher.

 

Elle tombe des nus, elle se laisse tomber sur une marche d’escalier, la main sur la bouche. J’affiche mon plus grand sourire en la regardant.

— Je ne suis pas vraiment “la Mort”, non. Ça ne fonctionne pas vraiment comme ça, expliqué-je, l’enfoiré qui s’amuse à éparpiller des cadavres de jeunes filles dans tous les coins du pays comme si c’était un puzzle de 150 000 pièces, c’est une âme qui s’est enfuie. Du coup, je suis censée le ramener sagement dans les limbes. 

— Il a pas l’air très coopératif…

— Bien sûr que non ! Sinon, ce n’est pas marrant. 

— Mais alors… Depuis le début, tu pouvais sauver ces filles… s’étonne-t-elle.

— Ca par contre, non. Ça s'appelle des dommages collatéraux. 

— Alors, tu attends quoi exactement ? Pourquoi tu ne l’arrêtes pas maintenant, tu peux non ? Tu sers à quoi ? s'énerve-t-elle. 

Surpris par sa réaction, mon visage se ferme. Je croise mes bras et je la regarde froidement.

— C’est marrant… Je pensais la même chose de toi. Tu débarques toute mignonne en me disant que tu peux m’aider, tu me sors la provenance de mes cartes, tu oses me dire, à moi, que tu as tes secrets mais là, tu as omis un détail…

Elle comprend très bien où je veux en venir, elle baisse aussitôt la tête en bafouillant des excuses à deux balles.

— Tes secrets, je vais te les citer : Tu es la sœur de Rozenn, tu m’as retrouvé en contactant Léa qui est une amie commune. Concernant le fait que tu sais d’où provient mon jeu de cartes, le fait d’avoir eu l’expérience d’une mort imminente a réveillé ton sixième sens que tu exploites trop, à mon goût. Si t’as décidé de te pointer ici, c’est parce que tu as vu qui était l’auteur de ces crimes, tu as vu ses subordonnés mais tu n’es qu’une simple humaine et tu fais, surtout, partie de la liste !

Ses larmes commencent à couler, elle tente en vain de ne pas pleurer. Elle craque sous le poids de mes mots en se confondant en excuses. 

— Garde-les, dis-je sèchement avant d’aller ranger la serpillière.

Je l’entends se lever pour venir vers moi, sa main vient saisir mon poignet.

— Laisse-moi tout t’expliquer, supplie-t-elle.

— Le monde des morts n’est pas un terrain de jeu, il est mortel.

Je secoue mon bras sèchement pour me défaire de sa prise puis la pousse sur le côté avant de rejoindre les escaliers.

— Un jeu contient 54 cartes, avec le massacre qu’il a commis, il y a désormais 11 victimes. Sauf que, cette mère avec son fils comptent depuis le début ! Ce qui nous fait 13 victimes.

— Quatorze, souligné-je. 

— Non, j’ai com…

— Quatorze. J’en fais partie. Cette histoire concernant la mère et son fils, c’était ma mère et mon frère. 

Elle s’immobilise, son regard fixé sur moi. Elle n'a pas fini d’être étonnée avec moi. 

— Bonne nuit, conclué-je avant de monter dans ma chambre.

 

Partie 1

Le lendemain, je suis surpris de ne pas trouver Rhéa dans le salon. Elle n’a laissé aucun mot, rien. Je soupire en me passant les mains sur mon visage puis je me pince le nez. Je ne la sens pas. Mais alors pas du tout. 

— Et t’as bien raison, fait une voix derrière moi.

Sans même me retourner, je sais déjà qui c’est. Je ne prends pas la peine de répondre et me dirige dans la cuisine pour me faire un café. 

— Tu ne veux pas savoir où elle est ? questionne Nolan en s’adossant contre le mur près de la porte d’entrée.

— Non. Mais à mon avis, tu t’en ai occupé, lâché-je en récupérant ma tasse.

— Pourquoi penser au pire tout de suite petit frère ? 

— Tu comptes vraiment aller jusqu’à 54 ? 

— Je sais pas… Ça dépend à quel moment tu finis par m’attraper.

Il vient s’asseoir à côté de moi sur le canapé, met une jambe en équerre avant de s’adosser contre le siège.

— D’ailleurs, c’est quand que tu m’attrapes ? T’as pleins d’occasions, genre, là, me demande t-il.

— Flemme.

— Voir des filles se faire torturer, égorger ne te dérange pas plus que ça ? s'étonne-t-il.

— Comment va Teru ? 

Son visage pâlit, il me regarde bêtement. Je l’entends se râcler la gorge, je souris avant de boire une gorgée de café puis je me mets dans la même position que lui.

— Il a vraiment du talent pour simuler sa propre mort. Qui était la véritable victime qui s’est fait passé pour lui ? demandé-je de manière détachée.

— Aucune idée, déglutit-il. 

— Et pour ton information, pourquoi tu penses que c’est moi qui dois t’arrêter et te ramener en bas ? Je te signale que j’erre autant que toi dans ce monde. Je ne suis personne pour m’occuper de toi.

— Alors pourquoi tu te mets en travers de ma route pour ce que je fais ? balance t-il

— Car j’ai toujours aimé te mettre des bâtons dans les roues, surtout quand maman était vivante.

La réaction qu’il a me fait sourire, c’est exactement ce que je veux. Il serre les poings, se lève rapidement et se met devant moi, le regard noir, le visage rougit de colère. 

— N’utilises plus jamais ce mot en ma présence bâtard ! rugit-il

— Bah casse-toi. Mais preuve que la vérité blesse.

— Ferme-là !

Il m’attrape par le cou pour me relever, son visage se trouve à quelques centimètres du mien. Je peux sentir son souffle, sa respiration rapide. 

— Que compte-tu me faire grand frère ? demandé-je en insistant sur le dernier terme.

— Te faire vivre un enfer !

— Mais ça c’est déjà le cas. 

Il s’énerve encore plus face à mes provocations mais il finit par me lâcher. Je tombe sur le canapé puis je le fixe en souriant.

— Je vais te faire ravaler ton putain de sourire Noah.

— Je serai ravi de voir ça. 

Il frappe la table basse de son pied avant de disparaître. Je me mets à soupirer puis je réfléchis pour savoir comment je vais m’occuper du cas de Teru. 

— Il a voulu jouer avec la mort, alors celle-ci viendra à lui, chuchoté-je le sourire en coin.

 

Partie 2

Comme chaque matin, en allumant la télévision pour écouter les informations, j’apprends le décès d’une nouvelle fille. Mon cœur s’emballe en attendant de savoir son identité. Je me retrouve rassurée en entendant que ce n’est pas Rhéa, ce qui m’étonne. 

Un cri provenant du hall de l’immeuble me sort de mes pensées, je sors de mon appartement et regarde par-dessus la rambarde. Quelqu’un a retrouvé le corps de mon pote d’hier soir. 

La femme qui l’a découvert regarde dans ma direction, puis dans une autre, elle saisit son téléphone et appelle les secours. Je rentre dans mon appartement, je récupère une tasse de café avant d’aller me caler au même endroit afin de profiter de la scène.

La femme continue de regarder aux alentours, à aucun moment elle ne s’arrête sur moi, pourtant, je suis bien là. Quand les secours arrivent ainsi que la police, ils ne peuvent que constater le décès.

— Sans blague, sourié-je avant de prendre une gorgée de café.

La police lui demande si d’autres personnes habitent dans cet immeuble, je me mords les lèvres quand elle annonce que sur cinq appartements, seul celui du dernier étage n’est pas habité. Le mien. 

Je décide de rentrer dans mon appartement en prenant soin de claquer la porte. Aussitôt, j’entends des pas dans les escaliers qui se dirigent jusqu’ici. 

On frappe à la porte, je m’assois tranquillement sur mon canapé. 

— Police, ouvrez ! fait une voix grave

— C’est ouvert, lâché-je.

La porte s’ouvre brusquement, les policiers entrent et regardent autour d’eux.

— On a bien entendu cette porte se fermer non ? demande son collègue.

— Mais bien sûr ! s’agace t-il

— Comment ça se peut, regarde l’état de cet appartement ! Ça doit faire des siècles que personne n'y vit !

Ils passent devant moi afin de vérifier qu’il n’y pas âme qui vive. Je les vois monter les escaliers tout en buvant mon café. 

— Qu’ils sont cons, m’amusé-je.

Ils redescendent quelques minutes après, totalement déconcertés. 

— Cette porte a claqué ! s’assure le chef, il y avait forcément quelqu’un. 

Je me place face à lui et l’observe. Je souffle sur son visage, il a un mouvement de recul.

— Putain c’était quoi ça ! dit-il

— Qu’est-ce qu’il y a ? questionne son collègue.

— J’ai senti un souffle sur mon visage !

— Ressaisis-toi, les fantômes n’existent pas ! rit-il

Je regarde dans sa direction, un rictus se dessine sur mon visage. Je récupère un coussin sur mon canapé pendant que les deux policiers commencent à paniquer en le voyant léviter.

— Putain mais c’est quoi ce bordel ? s’inquiète l’un d’eux.

— On se casse, on la ferme, ok ! On a rien vu ! On va nous prendre pour des fous !

Aussitôt sa phrase achevée, ils sortent rapidement de mon appartement. 

— Bande de fragiles, rié-je. 

 

Une heure plus tard, alors que la police est encore sur place pour continuer l’enquête, je quitte l’immeuble sans qu’ils s’en aperçoivent. 

Une fois assez éloigné, je ferme les yeux puis quand je les ouvre de nouveau, les passants font attention à ne pas me bousculer tout comme moi j’évite tout contact avec eux. 

Être une âme errante a un côté pratique : je peux être invisible aux yeux des gens quand je le souhaite. C’est une des raisons pour laquelle je ne serai jamais relié aux affaires de meurtres. Un fantôme ne tue pas. Du moins, pas dans l’esprit des vivants. 

Je me dirige dans le bar où j’ai rencontré Rhéa et demande à l’un des serveurs si elle est présente. Celui-ci me répond qu’elle n’est pas venue travailler ce matin.

— Elle habite où ? demandé-je, je viens d’arriver en ville, je suis censée la rejoindre chez elle mais elle a oublié de me donner son adresse ! 

— Comment savez-vous qu’elle travaille ici ?

— Parce qu’elle me l’a dit !

Il prend un post-it et un stylo et note son adresse avant de me le confier. Je lui souhaite une bonne journée avant de sortir du bar. Je lis les instructions, mon cœur rate un battement en voyant l’adresse. Elle vit chez Rozenn.  

— C’est quoi encore ce bordel… 

J’évite de me mettre à réfléchir maintenant et me dirige de ce pas chez elle. Arrivé à une intersection, quelques mètres avant l’immeuble, une main m’attrape par le bras et me tire sur le côté. Au moment où je compte rétorquer, je baisse mon bras en voyant Rhéa devant moi. Elle a des entailles de partout. Sur les bras, les hanches, le cou.

— Ils ont tenté Noah, chuchote-t-elle

— Pourquoi tu n’es pas restée à l’appartement bon sang !? demandé-je

— J’ai pris peur ! Je m’étais dit que si ça se trouve, tu m’aurais tué dans mon sommeil !

— T’es conne ou quoi ? Je ne tue pas !

— Et le mec d’hier, tu ne l'as pas tué peut-être ? grince-t-elle

— Ça ne compte pas ça, me défendé-je.

Je regarde l’état de chacune de ses blessures, certaines sont légères, notamment celles sur les hanches mais par contre, celles des bras et du cou, sont un peu plus profondes, le sang continue légèrement de couler par endroit. 

— Rentrons, tu dois être soignée ! dis-je en la prenant par le poignet.

— Ils ne sont pas loin, panique-t-elle.

— Et donc ? 

— Ils sont plusieurs ! Tu es seul !

— Et donc ? répété-je en arquant un sourcil.

Je secoue mon bras afin de faire apparaître une carte entre mes doigts : As de carreaux. Parfait ! 

— C’est quoi  ? me demande t-elle en regardant

— Leur arrêt de mort.

 

Partie 3

Sans en dire plus, j’enlève mon sweat afin de cacher ses blessures puis je la tire hors de la ruelle et on se dirige vers mon appartement. Je sens des regards se poser sur nous. 

— Quand tu disais plusieurs, combien à peu près ? questionné-je sans m’arrêter de marcher.

— Six ou sept.

A peine a-t-elle répondu que trois d’entre eux viennent se mettre devant nous. Trois autres se placent dans notre dos. 

— T’es au courant que tu tente de te barrer avec notre jouet ? dit l’un d’eux qui semble être le chef.

— Un jouet ? répété-je

— Tu vas nous la rendre et te barrer gentiment comme un bon garçon, j’ai pas que ça à foutre !

— Un jouet ? répété-je

Il se mord les lèvres, la colère se lit dans ses yeux. Il fait signe à ses hommes qui se rapprochent de nous. Malgré moi, je colle Rhéa contre moi.

— Tu as peur ? chuchoté-je tout en regardant les gars s’avancer.

— Oui.

— Alors ferme-les yeux.

Une fois qu’elle m’a obéi, je ressors la carte de l’As et la jette au sol. Le contact de celle-ci avec le béton crée une onde de choc qui les propulse contre les barres d’immeubles violemment. Les éclats de pierres en décapitent certains, d’autres finissent avec des membres sectionnés avant d’être enseveli.

— On se casse, dis-je en reprenant la route. 

Je m’arrête quelques mètres avant l’entrée de mon immeuble et me mets face à Rhéa.

— Dans quelques secondes, je ne serai plus là jusqu’à ce qu’on soit chez moi, dis-je, donc ne me parles pas. 

A peine ai-je fini ma phrase que je deviens invisible à ses yeux.

— Je t’expliquerai pourquoi quand on y sera ! dis-je.

Elle regarde dans ma direction, stupéfaite mais joue le jeu. On entre dans l’immeuble, elle est interpellée par un homme des forces de l’ordre.

— Mademoiselle ! Seuls les résidents peuvent entrer ici jusqu’à nouvel ordre.

— J’habite ici, assure Rhéa.

— Quel appartement ? Avez-vous vos papiers ?

Elle sort mon portefeuille de ma poche, je me mets à sourire quand elle présente la carte d’identité. 

— Bien, vous pouvez y aller. 

Elle le regarde étonnée puis jette un rapide coup d'œil sur le document. Elle remercie l’homme puis on monte jusqu’à chez moi. 

Une fois à l’intérieur, je redeviens visible. Elle me regarde étonnée en montrant la carte d’identité.

— Oui, c’est la mienne, dis-je amusé

— Non y a marqué mon…

Elle se rend compte que les informations ont changé.

— Je ne comprends plus rien, dit-elle en remettant le portefeuille dans mon sweat avant de le rendre.

— C’est ça qui est marrant. 

Je sors une trousse de soin du placard mural puis la jette sur Rhéa.

— Soigne-toi. 

— T’es d’une douceur toi ! lâche-t-elle en l’ouvrant. 

— On me l’a souvent dit.

— Je peux t’emprunter la salle de bain ? demande-t-elle.

Partager ma salle de bain. Avec une fille. MA salle de bain. Elle se met devant moi et me fixe de ses yeux émeraudes.

— Me désinfecter alors que je ne suis pas lavée ne sert à rien, dit-elle.

— Fais… Fais ce que tu veux, bafouillé-je. 

Avant de monter, elle soupire et se tourne de nouveau vers moi. 

— Je n’ai pas d’habits de rechange. 

Je sens mes joues flamber à une vitesse, je bégaie deux fois plus en lui disant que je n’ai rien de féminin pour elle.

— Pour me dépanner !

— Et quoi ? lâché-je, tu comptes t’habiller avec un boxer, un jogging et un t-shirt qui fera deux fois ta taille ?

— En attendant de pouvoir récupérer quelques affaires ? Oui !

Je déclare forfait en lui disant de se servir dans mon placard, elle me sourit en me remerciant puis monte à l’étage. Je me laisse tomber sur mon canapé puis me passe une main sur le visage en soupirant. 

 

Quelques minutes après, je la vois descendre en jogging et avec ma veste “Bad Omens”. Elle se passe les mains dans ses cheveux mouillés puis les attache avec sa pince. A ce moment, on tape à la porte. 

— Le flic de tout à l’heure, lâché-je

— Hein ? 

Je me mets derrière elle et lui mets la main devant la bouche en lui demandant de se taire jusqu’à nouvel ordre. 

— Mademoiselle, pouvez-vous ouvrir je vous prie ! C’est la police !

Voyant qu’il n’obtient aucune réponse, il prévient qu’il va défoncer la porte. Comme il n’a toujours pas de retour, la porte finit par s’ouvrir brutalement. 

Rhéa sursaute, je sens son coeur battre rapidement. 

— C’est quoi ce bordel, lâche le policier complètement désorienté.

Un de ses collègues arrive et réagit de la même façon.

— Mais une fille vit ici, je l’ai vu bordel ! J’ai pas rêvé ! continue t-il

— Cet appartement n’a plus été reloué depuis le meurtre d’une mère et de son fils ! assure son collègue.

Je me mords les lèvres après qu’il est raconté cela, je sais que Rhéa risque de me poser des questions. 

— Mais je lui ai parlé ! Je l’ai vu monté ! se défend le gendarme. 

— Tu vois bien que c’est inhabité ! T’as vu l’état de l’appartement ?! C’est quoi ton problème sérieux ? T’as picolé encore ?

— Mais non ! 

— Partons d’ici ! Tu nous fais perdre du temps sur l’enquête avec tes conneries !

Ils quittèrent l’appartement énervé et confus de leur découverte. Avec ma main de libre, je remets la porte en état et la referme. Je libère ensuite Rhéa qui se tourne aussitôt face à moi, l’air perdue.

— Je suppose que tu veux que je t’expliques ? Si c’est le cas, pose tes fesses sur le canapé, et je vais faire du café.

 

Partie 4

Une fois installés, je reste quelques minutes silencieux pour réfléchir à la façon dont je vais m’y prendre. 

— Commençons par le commencement ! 

— Je t’écoute, dit-elle en saisissant sa tasse.

— C’est ici que le meurtre de ma mère et de mon frère s’est déroulé. Je t’explique ! Mon frère et moi aimions jouer aux cartes, il gagnait souvent et adorait montrer qu’il était plus fort que moi à ce jeu. Mais ce jour-là, je l’ai battu, ça ne lui a pas plu. Il a donc décidé de me faire la peau. Mais pas avec de simples coups de poing ou de pieds, non, sinon c’était pas marrant. Il a pris un couteau. Ma mère s’est interposée et elle s’est retrouvée avec une entaille à la hanche en premier. Moi, je suis resté à l’écart. Il avait perdu le contrôle, on aurait cru qu’un démon s’était emparé de lui ce jour-là. Ma mère, malgré qu’il soit qu’un gamin de sept ans, n’a pas pu l’arrêter, elle s’est retrouvé poignardé à plusieurs reprises. Quand j’ai vu son corps tombé à terre, là, c’est moi qui ai perdu le contrôle. Après avoir galéré à lui arracher le couteau des mains, je l’ai assené de plusieurs coups à mon tour. Cinquante-quatre fois. 

Pour lui montrer que je dis la vérité, j’enlève mon sweat et mon t-shirt afin qu’elle voit toutes les cicatrices que j’ai. Elle passe ses doigts dessus, son regard montre de la tristesse, mais elle ne dit rien. Une fois que je me suis rhabiller, je continue l’histoire. 

— Une fois le massacre découvert, ils se sont mis à la recherche du deuxième gamin, moi. Sauf que je n’ai jamais été retrouvé. Mais je sais où “je suis”. Bref, après cela, l’appartement n’a plus jamais été reloué. Le propriétaire ne s’en est plus occupé. 

— Mais pourtant…

— N’oublie pas ce que je suis, lui dis-je en la regardant. Tu vois l’appartement tel que je souhaite le montrer. Les policiers n’ont vu qu’un lieu délabré, avec des meubles à moitié défoncé, le parquet abîmé, les escaliers avec des marches manquantes. Bref, tout sauf ce que tu vois toi actuellement. 

— Qu'es-tu devenu après cela ? Je veux dire comment…

— Suis-je mort à mon tour ? continué-je.

— Oui.

— Je suis parti dans la forêt un peu plus loin, je me suis laissé mourir.

Je vois des larmes rouler le long de ses joues, je baisse les yeux. Je pense que ça suffit comme information. 

— Les cartes que tu as, les meurtres qui sont commis auxquels  tu es lié, tout ça… Pourquoi ? demande-t-elle d’une voix faible.

— Je ne peux rien te dire sur l’origine de mes cartes, pour les meurtres, tu le sais. 

— Ton frère tient à se venger ?

— Ce n’est même pas une question de vengeance, c’est une question qu’il a perdu des fusibles cérébraux, du coup y a un court-circuit dans sa tête. Pour faire court : C’est un gros con qui ne cherche qu’à foutre la merde juste pour le plaisir.

— Vous avez quittés le monde des…

 — Morts. Non, lui, il a fugué. Moi, je suis censé le ramener. 

— Alors fais-le !

— Tant que toutes les cartes ne sont pas jouées, je ne peux rien faire, avoué-je.

— Il faut cinquante-quatre victimes ! Mais pourquoi ?

— C’est le jeu. La seule façon de l’arrêter, c’est que je tombe sur une carte de tarot particulière :  la Mort. Sauf que le tirage est aléatoire. Je peux tomber sur elle demain ou dans un mois et demi. 

— Quelles cartes sont sorties depuis le début de cette guerre ? 

— Sept cartes et un joker. Cela fait seulement 8 cartes. Mais on a quatorze victimes. Enfin quinze avec celle retrouvée aujourd’hui…

— Il en manquerait trente-neuf. C’est horrible de dire ça… lâche-t-elle tristement.

— Si tu le dis…

— Des filles se font égorgées, violées, c’est tout ce que ça te fait ?!

— Je suis censé réagir comment ? 

— Putain mais tu as un coeur Noah ? s’énerve-t-elle.

Je l’attrape par le poignet afin de poser sa main contre mon torse. Je ne la quitte pas du regard. Ses yeux s’écarquillent, elle retire sa main puis me regarde.

— Il ne bat pas.

— Je suis mort Rhéa, dis-je en me levant.

Elle ne sait plus où se mettre après cela. Elle me demande si elle peut aller prendre l’air, je refuse. 

— A part si tu veux faire partie des cinquante-quatre victimes, annoncé-je.

Discrètement, je fais apparaître une carte entre mes doigts, quand je vois laquelle c’est je manque de m’étouffer : Reine de Coeur.

 

Partie 5 - Fin

Je monte dans ma chambre en indiquant à Rhéa qu’elle peut regarder la TV si elle le souhaite puis je ferme la porte, la Reine de Coeur entre mes doigts. 

Je déteste ces cartes à la con. C’est le pire moment pour qu’elle sorte celle-là ! Je tente de reprendre mes esprits, si ça se trouve ça n’a absolument rien à voir avec ce truc là. Le machin qui fait que deux personnes ne peuvent pas se passer l’un de l’autre. Le bidule qui a même une fête du nom de “Saint Valentin”, rien que d’y penser, je commence à suer. 

— On se calme, chuchoté-je. Le Cœur a plusieurs possibilités autres que ce… Ah non… y en a pas putain… 

Si le joueur tire un Cœur, c’est lui qui est visé contrairement aux autres cartes où là, se sont des personnes. 

— C’est pas une meuf qui porte mon sweat, ni mon jogging, qui est plantée dans mon canapé, dans mon appartement qui va me faire changer d’avis sur ce sujet ! J’ai tenu des années, je peux continuer ! lâché-je en faisant les cent pas. 

Je me laisse tomber sur mon lit et regarde le plafond en essayant d’oublier cette putain de carte. L’effet prend quand déjà ? Combien de temps son utilisation est valide. Est-ce qu’au moins je dois l’activer pour que ça fasse quelque chose ? 

Je perds mes moyens. Totalement. Juste pour une carte. Qui agit comme ça dans la vraie vie ? Personne. Malheureusement, je ne peux pas tirer une autre carte avant un bon moment. Mon pouvoir est limité et là, ça ne m'arrange pas bordel !

— Noah ! crie Rhéa.

Je sursaute et me demande comment je dois réagir. Je descends ou j’attends ? 

— Noah ! Viens voir ! 

Et merde ! Je quitte ma chambre et la rejoins, elle a mis la chaîne d’informations qui montre qu’une autre victime a été retrouvée. Le con perd pas de temps. 

— Tu la connais ? me demande-t-elle.

— J’ai une tête à connaître tout le monde ? m’insurgé-je

— Elle a été retrouvée pas loin d’ici, continue-t-elle.

Même mode opératoire que les autres, forcément. Deux victimes retrouvées à quelques heures d’intervalles. 

— Tu ne sors pas d’ici sans moi, dis-je sans quitter la télévision des yeux.

— Pourquoi ? s'étonne-t-elle.

— Car c’est toi qu’il veut. 

— Mais j’ai rien fait !

— Les autres victimes ont fait quelque chose peut-être ? demandé-je en la regardant.

— Non, désolée. Mais pourquoi moi ? 

— Pourquoi elles ? 

Elle comprend qu’il faut qu’elle arrête de tout ramener à elle. Elle a beau être dans le collimateur de mon frère, elle n’en est pas moins la seule victime. D’autres y sont passées avant, sauf qu’elles n’ont pas eu la chance que Rhéa a, actuellement. 

— Est-ce qu’il y a une raison, Noah ? questionne-t-elle timidement.

— Non, menté-je.

Bien sûr qu’il y en a une. Il voit que je la protège donc il doit penser qu’il y a quelque chose entre elle et moi. Il est vraiment con cet abruti de mes deux. Si j’avais eu les moyens de l’étrangler dans le berceau, je n'aurais pas hésité. 

Je sors de mes pensées quand je sens des bras m’enlacer par derrière. Je tressaute, mon corps se paralyse quand je me rends compte que Rhéa se serre contre moi. 

— Qu’est-ce que tu fais ? demandé-je

— J’ai peur. 

— Je ne suis pas le meilleur remède pour apaiser tes émotions, dis-je en m’extirpant de son étreinte. 

Une fois face à elle, je ne sais plus quoi dire d’autres. J'ai besoin de prendre l’air, seul. Mais si j’ai le malheur de la laisser ici, je la sers sur un plateau d’argents à mon connard de frère. 

— Tu as déjà aimé quelqu’un ? demande-t-elle subitement.

En une question, elle vient de faire flamber mes neurones. Je la regarde bêtement sans rien dire. 

— Non. menté-je une nouvelle fois, je ne sais pas ce que c’est déjà, donc non.

— Ça commence par ça, dit-elle en se mettant sur la pointe des pieds.

Sans que je ne puisse faire quoi que ce soit, ses lèvres viennent se poser sur les miennes. Mon corps se paralyse, je n’arrive plus à faire le moindre geste, je ne peux que me laisser faire. 

 

Putain de Reine de Coeur !

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