« C’est bien une pensée, mais ça ne soigne pas une dépression. »
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« C’est bien une pensée, mais ça ne soigne pas une dépression. »
Aujourd’hui, les étudiants forment une génération sacrifiée par le gouvernement au cours de la pandémie du Covid 19.
J’ai donc décidé de prendre contact avec les étudiants de différentes écoles supérieures pour donner une voix à ces vies oubliées.
Pour commencer, la situation actuelle est difficile à accepter dans la mesure où les dangers du virus sont moindres pour la majorité des étudiants.
Comme explique Victoire, étudiante à Polythec Orléans : « c’est un sacrifice que nous faisons pour les autres et nous n’en sommes pas récompensés. »
En effet, les élèves en études supérieures n’ont pas pu revenir en cours en présentiel depuis le 30 octobre.
Ils sont d’autant plus frustrés par l’ouverture maintenue des lycées, ne comprenant pas comment un lycée peut être moins dangereux pour la propagation du virus qu’une école supérieure.
Au temps du premier confinement, les étudiants ont pourtant ressenti une entraide collective, presque heureux de rester à la maison pour un certain temps raconte Vincent, étudiant en deuxième année à l’ISCPA en production.
Seulement le second confinement a eu un effet coup de massue sur le moral des jeunes.
La différence majeure entre ces deux périodes : l’espoir.
Philippine, étudiante en licence de droit économie à la faculté de Nanterre ne voit plus le bout du tunnel. « Après le premier, on pensait que ce serait finit alors que maintenant on n’y croit plus, on sait qu’après chaque nouvelle réglementation, après chaque assouplissement des restrictions, une nouvelle arrivera. »
De plus, dans cette situation anxiogène, le gouvernement ne donne presque aucune information aux étudiants. Amaury de l’École W témoigne : « je ne sais jamais ce qu’il se passe, je n’ai aucune vision de l’avenir ».
Les écoles ne sont pas d’une grande aide dans cette situation.
En effet, la plupart ne se sont pas adaptées au télétravail. Elles prennent les horaires normaux et obligent les professeurs à la visio-conférence sans même leur fournir une formation.
En résulte des problèmes techniques durant parfois des cours entiers ce qui est loin d’aider les étudiants à s’accrocher.
De plus, beaucoup d’école ont décidé de maintenir les partiels (épreuves de fin de semestre) en présentiel.
C’est le cas de l’ESIEE où étudie Clara en deuxième année. Elle explique que cela ne fait pas de sens de forcer les élèves à rester chez eux pour les faire revenir dans des amphithéâtres remplis à craquer pendant une semaine, sans offrir aucun aménagement pour les étudiants.
Au-delà des soucis techniques à proprement parler, les écoles n’ont pas pris de nouvelles de la santé mentale des étudiants.
Ceux-ci se retrouvent seuls face à leur ordinateur pendant des heures et la plupart des écoles ne proposent pas de suivi exceptionnel compte tenu de la situation.
Seules quelques unes ont réussi à prendre le virage, comme l’INSEEC, où étudie Jules en deuxième année : « Les équipes pédagogiques ont mis en place plusieurs aides psychologiques, nous montrant une réelle solidarité avec les élèves.».
De même que l’ISCPA, où l’on retrouve Vincent. Même si les horaires et les problèmes techniques n’ont pas été arrangés, l’école a offert un suivi psychologique aux élèves pour s’assurer qu’ils ne soient pas totalement en perdition.
Les étudiants se désintéressent totalement de leurs études, les cours sur Zoom ou encore Teams ne sont pas stimulants. Pour la plupart des élèves, la longueur de la situation les pousse dans un décrochage scolaire presque total.
Je suis mes cours dans mon lit, je n’ai même plus la force de me lever, admet Mathilde, étudiante à l’ISO en classe préparatoire.
En addition à l’aspect scolaire du décrochage, les élèves sont souvent tellement seuls et découragés que beaucoup tombent dans des états d’épuisement total, voire en réelle dépression.
Les seuls qui arrivent à s’en sortir sont ceux ayant des projets hors de l’école, comme Vincent, passionné de musique et de production qui utilise cette passion comme un pilier pour tenir dans cette situation anxiogène.
D'autres, comme Marie-Juliette étudiante en 3ème année de médecine, décident de se mettre en première ligne en faisant des gardes à l’hôpital en plus de leurs études.
Ces gardes sont basées sur le volontariat des étudiants en médecine, en tant qu’aides-soignants à l’hôpital, pour aider vis-à-vis de la crise sanitaire. Néanmoins, les étudiants volontaires, comme Marie-Juliette, qui font partis des héros de cette guerre contre le virus, n’ont eu droit à aucune aide, aucune adaptation de la part des universités.
À court terme, tous sont dans le doute de la validation de leur année. Cette situation ne permet pas de s’épanouir dans son travail et donc rend presque impossible la réussite des jeunes dans leurs études.
Sur un plus long terme, beaucoup se posent des questions sur la valeur de leur diplôme.
En effet, cette génération sacrifiée aujourd’hui souffrira dans le futur du poids des examens en télétravail dont découle la potentialité de triche pour les diplômes. Les employeurs seront-ils réticents à embaucher des jeunes qui ont fait leurs études durant ces temps compliqués ?
Au regard de l’aide du gouvernement, Amaury, étudiant à l’école W résume ce que pensent beaucoup d’autres.
« C’est bien une pensée, mais ça ne soigne pas une dépression ».
En effet, lorsque je demande aux étudiants ce qu’ils pensent des mesures prises spécifiquement pour eux, presque tous me répondent : quelles mesures ?
Les étudiants sont oubliés, ils n’ont droit à une phrase banale, passe partout en fin de discours.
Oui c’est dur d’avoir vingt ans en 2020 merci beaucoup, mais une fois que c’est dit, que faites-vous pour les aider ?
Pour Vincent : « Il est impossible de se construire en tant qu’adulte dans une telle situation. »
Nous sommes forcés à tourner en rond, à se retrouver avec nousmême pendant très, trop longtemps.
Jules explique que pour lui « c’est comme se regarder pendant trop longtemps dans un miroir ». Cela pousse à une introspection qui au fil des heures devient purement critique et finit par anéantir la santé mentale des jeunes adultes.
Tous sont épuisés mentalement, ce qui influe aussi sur leur santé physique « Je n’ai plus la force de rien soupire Philippine, je me sens comme un fantôme ».
Certains, comme Marie-Juliette, pensent qu’il est nécessaire pour les étudiants de se révolter, « il est temps de faire de grandes réformes dans l’enseignement supérieur, nous sommes sacrifiés aujourd’hui, nous ne pouvons pas l’être toute notre vie ».
Finalement, j’ai demandé aux étudiants interrogés ce qu’ils aimeraient dire au Président de la République Emmanuel Macron et je vous laisse donc sur leurs paroles :
« Ne nous oubliez pas » de Victoire et Amaury ;
« Mettez-vous à l’écoute » de Vincent ;
« Si tu dis ça tu dis rien, alors te fatigue pas dis le pas » de Jules, citation du rappeur Kacem Wapalek ;
« Les étudiants vous en faites quoi ? », de Clara ;
« Ce n’est plus possible, c’est trop difficile », de Philippine ;
De la part de MJ, « L’avenir de la nation c’est les étudiants, il serait donc temps de nous prendre en considération. ».
Et enfin de Mathilde « Réveillez-vous ».